Interview – Olivier Drago (New Noise)

Publié par le 8 mai 2019 dans Interviews, Notre sélection, Toutes les interviews

Les 14 et 15 juin prochains, le magazine new Noise (anciennement Velvet, Versus et Noise) fêtera ses 15 ans d’existence avec deux belles soirées au Trabendo (Paris). 15 ans, une éternité pour un titre qui a connu des débuts tumultueux, n’a presque jamais pu compter sur le moindre soutien, mais qui continue, vaille que vaille avec les moyens du bord, à faire la part belle aux musiques qui ne vendent pas (ou si peu). Rencontre avec Olivier Drago, rédacteur en chef passionné et homme à presque-tout faire de new Noise, dont la détermination ne faiblit pas.*

“Je crois n’avoir jamais fantasmé ce métier. Voilà 15 ans qu’on me dit que les CD et la presse papier, c’est fini. Je n’ai connu que ça, donc ma vision n’a finalement pas vraiment changé.”

© William Lacalmontie

Quand as-tu commencé à écrire au sujet de la musique ?
Vers 1999. Je venais d’obtenir un DEUST “métiers de la culture” et de refuser un poste de directeur du centre culturel de la commune où j’habitais – autant dire une salle des fêtes. Mes parents n’étaient pas enchantés : j’avais toujours été un élève plutôt médiocre, on me proposait un CDI assez bien payé à peine mes études terminées, et je le refusais. J’ai donc rapidement enchainé sur un autre DEUST, “technologies de l’information et de la communication” cette fois.  L’intitulé me paraissait assez flou et le programme suffisamment expérimental – la formation n’existait que depuis peu – pour que je puisse pas mal glander. C’était le début de la démocratisation d’Internet, que j’avais découvert un an auparavant. C’était la dèche niveau presse musicale mais sur Internet, j’étais tombé sur de nombreux webzines américains. Dans le cadre du DEUST, on nous a alors demandé de mettre en ligne une “page perso”, sur un thème librement choisi. J’ai donc commencé à écrire des chroniques de disques sur cette page. Un ami avec qui j’animais une émission de radio depuis plusieurs années et qui suivait la même formation que moi a commencé à me filer un coup de main, puis peu de temps après un autre pote graphiste nous a également aidés. On a fait de cette page un webzine du même nom que l’émission de radio : No Brain No Headache. On a commencé à être pas mal lu, de nouveaux contributeurs se sont greffés à l’histoire, et assez rapidement je me suis retrouvé à “devoir” m’en occuper tous les jours, en plus de mes études et d’un boulot de guichetier/comptable remplaçant à La Poste. Je recevais de plus en plus de promos, j’avais de plus en plus de contacts avec les labels et les groupes, en France et à l’étranger. Je voulais m’y consacrer pleinement, mais je ne voyais aucun moyen d’en vivre… No Brain No Headache, le webzine, a existé entre 1999 et 2003, en gros. L’émission de radio, elle, existe encore, toujours co-animée par l’ami avec lequel j’avais monté le webzine. Un jour, en 2003, je reçois un coup de fil d’un “éditeur” – les guillemets sont importants -, qui m’explique qu’il suit No Brain No Headache depuis des années, et qu’il a pour projet de lancer un magazine dans la veine de Rage première mouture, mais accompagné d’un supplément DVD. Il avait déjà a sa disposition les cadreurs et monteurs pour se charger de la réalisation du DVD, mais il lui fallait une équipe de journalistes, qu’il me demandait de lui trouver, puis de diriger. J’ai bien évidemment accepté tout de suite. J’ai donc monté une équipe, composée en grande partie de rédacteurs de NBNH, mais aussi d’Obsküre et Melodick, deux autres webzines limougeauds, et de Kérosène, un fanzine de l’époque. L’éditeur nous a d’abord demandé de travailler gratuitement sur un n°0 qui devait lui servir à démarcher, son père dirigeait une régie pub. Pendant quelques mois, toujours depuis Limoges, j’ai donc supervisé la réalisation de ce n° 0, en continuant de m’occuper de NBNH, de suivre mes cours à la fac et de bosser à La Poste. Puis une fois que “l’éditeur” a pu me garantir un salaire, j’ai tout largué et je suis monté vivre à Paris.

Mais tout ne s’est pas passé comme prévu…
Oui, on a vite réalisé que le bonhomme n’avait en fait aucune expérience dans les domaines de l’édition et de la presse. Au moment où on l’a rencontré, il s’occupait d’une sorte de webzine vidéo, orienté hardcore et neo metal, Velvet.tv, et travaillait sur le DVD de je ne sais plus quelle édition du Fury Fest, la première mouture du Hellfest. Son père était de toute évidence assez fortuné et finançait apparemment tout ça. On a tout de même réussi à sortir un premier n°, mais de nombreux problèmes ont commencé à surgir : j’étais payé, mais impossible d’obtenir de fiches de paye, et certains rédacteurs et la secrétaire de rédaction ont vite commencé à ne plus être rémunérés. On a eu droit à tous les motifs d’annulation de rendez-vous possibles lorsque ceux-ci avaient pour but la remise de chèques, de contrats ou de fiches de payes. Sa grand-mère a bien dû mourir trois fois en six mois. Les deux premiers n° se sont bien vendus, mais le chiffre pub ne suivait pas. Le père de l’éditeur a donc fait appel à l’un de ses amis qui dirigeait une régie, et ce dernier a chargé son fils de s’occuper de Velvet – le nom de cette première version du magazine. Le gars en question a ramené quelques publicités, mais lui aussi avait du mal à se faire payer ses commissions. On venait de terminer le troisième n°, mais on était à bout : ras le bol, des promesses, des mensonges, et la tension montait entre l’éditeur et les collaborateurs ne parvenant pas à se faire payer. On se retrouvait aussi en plein milieu d’une guerre des familles, celle de l’éditeur, et celle du directeur de la régie pub, dont le fils n’arrivait toujours pas à se faire payer. Si bien que ce dernier a proposé de reprendre l’équipe et de lancer un nouveau magazine, parce qu’il espérait se faire du fric avec, et aussi pour emmerder son ancien ami devenu ennemi. Perso, je voulais continuer coûte que coûte, les autres étaient partants, on a tenté le coup.
 
Vous avez donc lancé Versus.
Oui, on a poursuivi l’aventure avec ces nouveaux financeurs/éditeurs, encore une fois un père et son fils donc. Eux ne nous promettaient rien et nous ont annoncé d’emblée qu’on devrait travailler bénévolement sur quelques numéros, le temps « que l’argent rentre ». On a donc lancé Versus, alors qu’en parallèle, l’ancien éditeur continuait de sortir Velvet avec une équipe de journalistes venant en grande partie de X-Rock et Rocksound. La ligne éditoriale n’était plus du tout la même que la nôtre, beaucoup plus pop, indie-rock et “revival rock”. Pour eux l’aventure ne durera que trois n°, car notre ancien éditeur, qui a alors aussi investi dans la dernière édition du Fury Fest s’est volatilisé dans la nature, emportant avec lui une partie de la caisse du festival, arnaquant tout le monde au passage (l’orga du Fury, les co-financeurs Allemands, etc.). De notre côté, nous avons continué tant bien que mal avec Versus. Au début, tout nous semblait aller mieux, le père du directeur de publication réussissait à nous trouver pas mal de pub hors-musique (la SNCF, des marques d’alcool…), mais on peinait toujours à se faire payer. Au bout d’un moment, la situation s’est dégradée entre le père et le fils, le magazine n’était finalement pas très rentable, car mal géré. Ils n’engageaient que des incapables au poste de chargé pub, le hors-captif ne rentrait plus, et le père découvre alors que le fils – un compositeur raté à qui l’on doit quelques chansons de Raphaël, si mes souvenirs sont bons – a dépensé une partie de l’argent en cocaïne et autres drogues. On a tout de même réussi, très difficilement, et en étant pour la plupart dans des situations plus que précaires financièrement, à sortir une quinzaine de numéros. Et les ventes restaient stables. Si elles avaient baissé, on aurait probablement arrêté, c’était ce qui nous motivait : on aimait ce qu’on faisait malgré toutes les difficultés et on avait de toute évidence un lectorat fidèle. Après trois ans à bien galérer, on était tout de même bien découragés, on pensait que l’histoire allait s’arrêter là. Mais un associé de l’éditeur, avec lequel nous partagions les bureaux depuis quelque temps pour limiter les coûts, nous a proposé de reprendre l’équipe et de relancer un magazine. Eh oui, encore… Après la fin de Versus, nous avons donc monté Noise avec le troisième éditeur. Au début, tout se passait plutôt bien, mieux qu’avec les deux précédents. Mais en 2008/2009, il s’est pris la crise économique de plein fouet. Empêtré dans d’autres problèmes, il a commencé à se désintéresser de Noise, et j’ai dû petit à petit m’occuper de plus en plus de choses : chercher de la pub, gérer les abonnements et les commandes sur le site, les envois, les relations avec l’imprimeur, avec le distributeur : tout en fait. Puis Michael Jackson est mort. Dans l’espoir de régler d’un coup ses problèmes financiers, l’éditeur nous a demandé de sortir un hors-série sur « le roi de la pop », ce que nous avons évidemment refusé. Il a alors rapidement embauché un spécialiste de Jackson pour rédiger ce magazine, qu’il a sorti sous l’appellation « hors-série Noise » car créer un autre titre rien que pour ça aurait pris trop de temps. Il a tiré ce n° hors-série à 200 000 exemplaires : une folie ! A ce moment-là, on n’en pouvait déjà plus : en plus de cette histoire de hors-série, sont venus se greffer d’autres problèmes : un contrôle du fisc, puisqu’il n’avait pas payé de TVA depuis un bon moment. Et apparemment, il ne payait plus non plus l’imprimerie, qui ne voulait donc plus travailler avec nous tant que la situation n’était pas réglée. On était dans une impasse, car cette fois, plus personne pour nous reprendre. Le porteur d’affaire avec lequel on travaillait depuis un bon moment m’a demandé pourquoi je ne montais pas ma propre boîte d’édition, puisque je faisais tout, et que j’étais capable de gérer la confection du magazine de A à Z. La réponse/raison était évidemment l’argent : après des années de RSA, de payes non déclarées, de facturation en tant qu’auto-entrepreneur, je n’avais pas un seul centime de côté. Il m’a alors proposé de me « faire de l’encours » : étant donné que les ventes étaient stables, tout comme mon chiffre pub, ça lui paraissait plus que faisable. J’ai donc monté la SARL Noise Publishing, avec un capital de 10 euros, et lancé new Noise. Ce qui n’a pas été simple, car l’éditeur a essayé de me mettre des bâtons dans les roues, en refusant au dernier moment que je continue d’utiliser le nom « Noise ». Puis l’avocat de l’imprimerie, n’arrivant pas à mettre la main sur l’éditeur, a essayé de me faire porter le chapeau et m’a assigné en justice. Je me suis donc retrouvé au tribunal : on me réclamait la modique somme de 272 000 euros… Heureusement, je n’avais jamais signé aucun bon de commandes. En plus de tout le reste, je suis donc depuis 2011 l’éditeur du magazine et le gérant de la SARL Noise Publishing, avec tout le travail de paperasse que ça implique.

Les débuts ont donc été pour le moins mouvementés. Aujourd’hui, combien de personnes bossent avec toi pour new Noise ?
Une quarantaine. Le graphiste, la secrétaire de rédaction, un chargé des réseaux sociaux et du site avec moi. Tout le reste, ce sont des pigistes et des photographes, dont William Lacalmontie, qui a pris de nombreuses photos pour nos couvertures.

Donc très peu de personnes « au quotidien ».
Oui, Julien, qui s’occupe du site le fait au quotidien mais en plus de son travail de photographe pour une mairie, la secrétaire de rédaction est surtout sollicitée un mois sur deux, mais elle a repris depuis trois ans des études de psycho, elle est donc très occupée aussi. Quant au graphiste, il a travaillé en freelance pendant longtemps, mais depuis deux ou trois ans, il est professeur en lycée. En ce qui concerne les pigistes, certains ne font que ça et collaborent donc avec d’autres médias (Les Inrocks, Noisey, Rock & Folk…), d’autres ont un boulot à côté et écrivent parce qu’ils aiment ça. Je travaille donc avec des gens aux profils personnels et aux goûts musicaux très différents. Au niveau de l’âge également, puisque ça varie entre 25 et 53 ans.

Et parmi eux, de vrais fidèles qui te suivent depuis de longues années.
Oui : Catherine Fagnot, la secrétaire de rédaction, Arnaud Pedandola, le graphiste, Élodie et Émilie Denis, Jéremy André, Bertrand Pinsac, Benjamin Rivière, Emmanuel Hennequin… Ceux-là sont là depuis les débuts, ou presque. D’autres, comme Olivier « Zoltar » Badin, Gilles Garrigos, Bil, Marianne Peyronnet, Maxence Grugier ou Arnaud Lemoine répondent présents depuis dix ans, voire plus… Voilà pour les plus anciens.

Aujourd’hui à quoi ressemble ton quotidien de rédacteur en chef de new Noise ?
Le magazine est censé sortir tous les deux mois. Le mois du bouclage, en journée, je réponds aux mails, je cale des interviews, j’écoute les disques que je reçois, j’établis des listes d’albums à chroniquer que j’envoie aux journalistes pour qu’ils choisissent ce qui les intéresse, je propose des interviews, je cherche de la pub, je poste des news sur le site, etc. Le soir, voire la nuit, je relis les articles et j’écris les miens. L’autre mois, je rattrape tout ce que je n’ai pas pu faire le mois précédent et je gère tout ce qui est comptabilité, facturation, envoi des commandes, livraison chez les disquaires parisiens, gestion des abonnements, etc. Et je commence à monter le prochain sommaire.

En 15 ans, ton regard a-t-il évolué sur ce métier ? Y a-t-il des choses un peu fantasmées qui sont aujourd’hui loin derrière ?
Je crois n’avoir jamais fantasmé ce métier. Beaucoup se lancent – ou se lançaient ? – là-dedans pour rencontrer des artistes, vivre la vie « rock’n roll » à l’ancienne comme c’était sans doute encore possible jusqu’à la fin des années 90 : partir en tournée avec les groupes, les voyages de presse à l’étranger tous frais payés, etc. Moi je n’ai jamais connu cette époque faste et je n’ai jamais rêvé de ça. Je ne me suis même jamais pris en photo avec un musicien et je n’ai jamais demandé un seul autographe. Je ne fantasmais vraiment rien, et comme la crise du disque commençait déjà à faire des dégâts à ce moment-là, j’ai toujours travaillé dans cette atmosphère. Voilà 15 ans qu’on me dit que les CD et la presse papier, c’est fini. Je n’ai connu que ça, donc ma vision n’a finalement pas vraiment changé. Mais la presse musicale a toujours été importante pour moi, c’était le seul moyen pour découvrir de la musique dans les années 90. J’ai toujours lu beaucoup de chroniques de disques. Mais à la fin des années 90, tous les magazines que j’aimais, comme Rage, ont disparu. Rock Sound, bon magazine à ses débuts, est devenu un véritable torchon qui mettait en avant des groupes comme Superbus en couverture. Et depuis que le grunge et le “rock alternatif” n’étaient plus à la mode, les magazines metal ne faisaient plus preuve de la même ouverture qu’au début des années 90, époque où tu pouvais lire dans Hard Rock Magazine, Metal Hammer ou Hard Force des articles sur Sonic Youth, Dinosaur Jr., The God Machine, Pavement, Swans ou Sebadoh à côté d’autres sur Death, Obituary, Anthrax, Def Leppard, Bon Jovi, Accept, Bad Brains, Cro-Mags et Ministry. Best n’existait plus, je ne m’étais alors jamais vraiment intéressé à Rock ‘n’ Folk ou Magic, et Les Inrocks m’insupportait. Comme je l’expliquais, j’ai eu la possibilité de créer un webzine, je me suis lancé dedans comme ça mais sans aucune ambition, simplement pour partager une passion et parler de musique.

Ça n’a pas été frustrant pour toi de dévorer la presse musicale pendant les années 90, décennie de folie musicalement, puis de te lancer à ton tour pendant les années 2000 alors que c’était bien retombé ?
Si, un peu. Quand on a lancé Velvet en 2003/2004, on vivait l’une des pires périodes de l’histoire du rock avec la prédominance de groupes comme The Strokes, Franz Ferdinand, The Libertines, The Killers, Kaiser Chiefs, Razorlight, Kyo … Le rock « dominant » était une abomination ! Je pense que nous nous en sommes justement tirés parce qu’on continuait à parler des artistes 90s qui n’avaient plus trop les faveurs de la presse française. À côté de ça, on trouvait tout de même de nouveaux groupes intéressants comme TV On The Radio, Liars, The Yeah Yeah Yeahs, The Kills, The Mars Volta, Thursday… C’était aussi l’époque de l’émergence, ou de la réémergence, de tout ce qui a été à la mode en metal les dix années suivantes : le post-metal, le doom, le stoner, le drone, des genres dont on parlait beaucoup dans Velvet, Versus puis Noise.

Des genres très peu commerciaux qui ne font pas du tout vendre…
Oui, mais c’est aussi parce qu’on parlait de groupes différents que le magazine s’est bien vendu d’emblée. Il y avait une demande. Plein de gens comme moi n’avaient pas envie d’entendre parler des Strokes, des Libertines, etc. Même si au début, on a traité certains de ces groupes-là, notamment parce qu’un de mes journalistes aimait ce genre de musique et que l’éditeur voulait qu’on en parle un peu…

L’éditeur te mettait un peu la pression, donc ?
Non, pas véritablement, il n’y connaissait de toute façon rien… Mais le gars voyait que les groupes de rock à chapeau étaient ceux qui avaient du succès… Puis, j’avais beau être rédacteur en chef, comme tout le monde était bénévole ou mal payé, chacun parlait un peu de ce qu’il voulait, il n’y avait pas vraiment de ligne éditoriale claire. J’ai été catapulté rédac’ chef du jour au lendemain quasiment, un poste que j’avais tenu pendant trois ans à la tête d’un webzine mais ça n’avait finalement rien à voir, je ne connaissais presque rien du boulot. Donc les sommaires se montaient comme ça…

Avec les années, tes exigences ont été revues à la hausse sur le contenu du mag ? Certains trucs ne pourraient plus passer aujourd’hui ?
(Rires) Oui, des articles sur Razorlight ou les Libertines, ou leurs équivalents actuels, ça n’arrivera plus ! Je ne dis pas que j’aime tous les groupes traités actuellement dans le magazine, mais contrairement à ceux que je viens de citer, il n’y en a pas que je déteste viscéralement. Il est notoire que je ne suis pas particulièrement fan de Ty Segall ou Thee Oh Sees, par exemple, mais je ne trouve pas ces groupes honteux comme Razorlight ou les Libertines. Et comme une bonne partie de mes rédacteurs les aime, je ne vois pas d’inconvénients à ce qu’ils soient traités.

J’ai aussi l’impression que tu n’es pas très fan de pop pure et dure. Tu ne caches pas ton aversion pour les Beatles et tout ce qui est influencé 60s, 70s ne te parle pas vraiment…
Oui, je n’ai pas de grande sensibilité pop, et aucune culture classic rock et pop 60s, 70s. J’écoute Black Sabbath, Led Zeppelin, les Stooges et les Ramones. J’ai écouté Deep Purple, Hendrix, Aerosmith, Pink Floyd, Neil Young, Blue Cheer, King Crimson, Can, Faust ou Neu!, mais j’y reviens rarement pour l’instant.

Tu n’as rien contre les trucs mélodiques, mais plutôt à grosses guitares.
Voilà, Sebadoh, Dinosaur Jr., Pavement, Teenage Fanclub, Chokebore, Jawbox, The Breeders… J’écoute plein de genres musicaux très mélodiques : cold wave, new wave, shoegaze, hard rock 80s… Mais je me fiche des Beatles, des Beach Boys, de Love, Pulp et compagnie. Je ne m’intéresse pas trop à la musique des années 60 et 70. Je la trouve globalement trop innocente, niaise, arrangée. Je n’aime par exemple aucun des classiques de Bowie. J’aime ses albums les moins appréciés, ceux des années 80/90, Let’s Dance, Outside ou Earthling. Et le dernier, Blackstar. Pas ses classiques des années 60. J’écoute essentiellement de la musique sortie entre la fin des années 70 et aujourd’hui.

“Aujourd’hui, le hip-hop fait figure de nouvelle pop mais à l’époque, ce n’était pas le cas. Je me suis toujours interrogé : pourquoi certains médias ont-ils rapproché le hip-hop et l’indie rock/pop et rejeté le metal ?”

Pour en revenir à ton métier, éprouves-tu parfois des difficultés à te renouveler dans ton écriture au bout de quelques milliers de chroniques ?
Oui, ça devient de plus en plus dur. Au début, tu te dis que ça va être de plus en plus facile, à force. Mais en fait, lorsque tu écris toujours sur le même sujet, c’est un peu l’inverse qui se produit. Tu essayes de ne pas te répéter, ce qui est de moins en moins évident. Ceci dit, parfois ça vient tout seul, parfois non. Je n’ai de toute façon aucune facilité dans quelque domaine que ce soit : tout est dur, laborieux pour moi, je n’ai aucun don ! (Rires)

Quand tu t’es lancé, tu n’avais d’ailleurs pas réellement d’inspiration majeure, de plumes qui t’ont profondément marqué ?
Non, au début je ne regardais pas vraiment les signatures. Je lisais des chroniques en fonction des groupes. Je l’ai fait plus tard, certains articles m’ont marqué et je me suis rendu compte a posteriori qu’ils étaient signés Dominique Mesmin (Best, Rage…), Jérôme Reijasse/Eliott Constantini (Rage, Newcomer, Rock & Folk, new Noise…), Henry Dumatray (Hard Force), Hervé SK Guéguano (Hard Rock Magazine), Olivier Portnoi (Rage, Rock Sound, Punk Rawk…), Stéphane Hervé (Rage, Rock & Folk…)… Disons, que ce sont eux qui m’ont fait découvrir le plus de groupes, et que j’appréciais l’éclectisme de leur culture musicale : je n’avais pas l’impression de lire les écrits de petits soldats en uniforme, au service du metal, du hardcore, de l’indie rock ou que sais-je. Comme je l’expliquais en partie tout à l’heure, le fantasme du « rock critic » n’existait pas chez moi. Je n’ai jamais eu aucune ambition journalistique et encore moins littéraire, je n’ai jamais eu pour but de révolutionner le journalisme musical, je l’aime dans sa forme classique, humble, informative, celle des magazines que je lisais dans les années 90. Je me considère encore aujourd’hui juste comme un fan de musique enthousiaste qui n’aime rien plus que partager sa passion. Je n’ai jamais admiré aucun Lester Bangs, Philippe Manœuvre ou autre Patrick Eudeline. Ces gens ne m’intéressaient pas, ce qu’ils écoutaient ne m’intéressait pas, et le journalisme « gonzo » m’agace vite. J’étais certes admiratif de la qualité des articles des Inrockuptibles, période mensuel, mais ces journalistes, vraiment trop engoncés dans leur costume de “popeux” lettrés m’insupportaient… Normal, ils passaient leur temps à dénigrer les musiques que j’aimais : le metal, le hard rock, le hardcore, le grunge, etc. J’ai donc vite arrêté de le lire, même si c’est avec ce magazine que j’ai découvert des groupes indie rock 90s que j’écoute encore avec plaisir, comme Seam, Throwing Muses, Red House Painters, Scrawl, Morphine… Jeune, je considérais déjà les Patrick Eudeline ou Philippe Manœuvre comme des types appartenant à un autre âge. Mais je n’ai rien non plus contre eux, ils sont dans leur trip, et on ne peut pas leur enlever un certain talent d’écriture… ça me rappelle une réponse à un courrier d’une lectrice dans Best, ou alors était-ce un article… c’était en tout cas signé Eudeline… Il s’en prenait à Hüsker Dü, Anthrax et Faith No More, et je me demandais bien quel était le rapport entre les trois. Et j’ai compris : ils étaient parmi les groupes les plus mal fringués de la fin des années 80 et du début des années 90. Lui est tellement dans son trip rock dandy, punk lettrés, que ces Américains en shorts représentaient ce qu’il y avait de plus vulgaire au monde. Bref, ces journalistes, ces « rock critics » régulièrement cités en modèles, Beauvallet, Manœuvre, etc., n’ont jamais été les miens.

Tu as quand même toujours la curiosité de lire d’autres médias musicaux ?
Oui, carrément. Jusqu’à récemment, j’achetais encore énormément de presse, même des titres qui ne m’intéressaient pas particulièrement, juste pour voir ce qui se faisait à côté, la façon dont les gens écrivaient, les sujets traités, les maquettes. Depuis un ou deux ans, moins. Je me suis abonné à pas mal de magazines étrangers, notamment Decibel et Revolver parce qu’en France, plus grand chose ne m’intéresse en presse papier. Je reste abonné à Rock Hard, j’achète à l’occasion Wire, Magic, Metallian et Louder Than War.

Si tu devais définir aujourd’hui la ligne éditoriale de new Noise, ça donnerait quoi ?
(Il réfléchit) Personnellement, elle me parait cohérente mais je me rends compte qu’elle ne l’est pas du tout pour beaucoup de gens. Le problème c’est le metal et affiliés. Ce genre de musique crée encore une scission en 2019. Je ne comprends pas… Dans les années 90, on pouvait aussi bien écouter Sebadoh qu’Obituary, en tout cas dans mon entourage c’était le cas. On lisait tous Rage, Best, les magazines hard-rock/metal, et tout un tas de genre musicaux s’y côtoyaient, ce qui nous semblait naturel. Comme je le dis souvent, certains nous considèrent comme « un magazine pour hipsters », parce qu’on traite d’indie rock, etc., et d’autres pour « un magazine pour bouseux », puisqu’on parle de metal, etc.

Vous avez effectivement, pour simplifier, un penchant très metal et un autre indie rock. Deux genres dont les amateurs ne sont pas toujours les plus ouverts d’esprit…
Bizarrement, je réalise que les metalleux, en tout cas ceux qui nous lisent, sont souvent plus ouverts que les fans d’indie rock. On a récemment mis en couverture des groupes comme Health, Boy Harsher, Algiers ou Idles. Les trois derniers ont bénéficié d’un buzz, mais qui ne sort que très peu du cadre des médias ou des festivals indie-rock/pop. On fait donc découvrir ce genre de groupes à la partie de notre lectorat dont les goûts penchent plutôt du côté du metal/hardcore et affiliés, et beaucoup apprécient ! Et je n’observe pas le phénomène inverse, les fans d’indie rock s’intéressent très peu au metal. J’ai du mal à le comprendre. En fait, tu as les musiques considérées comme « politiquement correctes » : la pop, l’indie rock, le rap et l’électro. Pourquoi ? Tout simplement parce que des médias comme Les Inrocks ont toujours traité ensemble ces genres-là. Aujourd’hui, le hip-hop fait figure de nouvelle pop mais à l’époque, ce n’était pas le cas. Je me suis toujours interrogé : pourquoi certains médias ont-ils rapproché le hip-hop et l’indie rock/pop et rejeté le metal ? Tu peux reprocher au metal sa violence, son imagerie, ses textes crétins, mais tu pouvais reprocher la même chose au hip-hop. Les looks des rapeurs étaient aussi extravagants que ceux des metalleux, certaines paroles aussi choquantes… Mais à cette époque, certains médias bons tons ont rassemblé ces genres musicaux et pour toute une génération, il est devenu logique d’écouter ces genres qui n’ont pourtant pas grand-chose à voir, tant mieux, mais aussi d’exclure toute musique affiliée au metal, au hardcore, etc. Alors que le « metal » compte aujourd’hui une grande quantité de sous-genres et je pense que tout le monde peut y trouver son compte. Je tiens Les Inrocks, Lenoir et compagnie en partie responsable de cette stigmatisation du « rock dur ». En Angleterre, John Peel, lui, traitait le metal à égalité avec le post-punk, le dub, la pop…

Tu as déjà été tenté de basculer d’un côté ou tu veilles à garder un équilibre entre les deux ?
Je me rends compte que la ligne éditoriale évolue en fonction de l’actualité bien sûr, des changements dans l’équipe, mais aussi en fonction de mes goûts du moment. Il y a sept ou huit ans, je n’écoutais pratiquement plus de metal, j’étais écœuré du post-metal, du sludge, du drone, alors que je trouvais la scène indie rock, au sens très large, super intéressante avec des groupes comme PVT, Warpaint, Black Bananas, Poliça, Cloud Nothings, Liars, Battles, These New Puritans, St. Vincent, Yeasayer, Fuck Buttons, The Soft Moon… Certains pensaient qu’on mettait certains groupes en couverture par obligation, pour vendre plus, ou pour obtenir de la pub, il leur paraissait parfaitement inconcevable qu’on les aime vraiment. Ce qui  nous surprenait totalement, car notre ligne éditoriale avait toujours été très ouverte, et de Portishead à Ministry en passant par Neil Young, Interpol ou Dälek, on avait depuis le début mis en couverture des artistes/groupes bien différents. Actuellement, c’est l’inverse, je ne supporte plus la scène « indie rock » – tous ces groupes garage-pop ou kraut-shoegaze – et je n’écoute pratiquement plus que du metal, du hardcore, du noise rock, du grunge, du metal industriel. Ces deux/trois dernières années ont été assez incroyables, avec une profusion de bons albums de death metal ou de tech-thrash/death et tous ces jeunes groupes hardcore/hardcore metal influencés par les 90s. On assiste même à un retour de la fusion rap/metal – sous des formes nouvelles souvent – et du rock/metal/indus/electro. Ça fait longtemps que mon top album de l’année personnel n’avait pas été si nettement connoté metal/hardcore et squatté par tant de jeunes groupes. Si les sommaires sont plus orientés metal en ce moment, c’est aussi parce les nouveaux rédacteurs arrivés dans l’équipe sont beaucoup plus portés sur ces genres-là, et que les chroniques de disques ne semblent plus trop motiver les journalistes spécialisés indie rock/pop : en tout cas les miens me disent tous être plus intéressés par les interviews. Malheureusement pour eux, il n’y en a qu’une trentaine par n°, contre 150/170 chroniques d’albums.

Tu me parlais des couv. Un mag comme Rock&Folk met tous les ans en couv Hendrix, Stones ou les Doors… Vous, vous mettez régulièrement des groupes assez peu connus. Ça reste pourtant un produit d’appel, il n’y a aucune différence d’impact entre une couv Dinosaur Jr. et une sur Perturbator, par exemple ?
Qu’on fasse notre une avec Portishead ou Jessica93, nos ventes restent sensiblement les mêmes. La seule couverture qui a nettement fait augmenter les ventes, c’est « La France a peur », avec plusieurs groupes et activistes français. Et la seule fois où on a vendu moins, c’est avec John Carpenter en couverture. Mais généralement, les différences de ventes entre numéros ne sont pas vraiment importantes, et jamais je n’ai réussi à comprendre pourquoi un n° se vendait un peu plus ou un peu moins qu’un autre. Tellement de facteurs entrent en jeu : couverture, sommaire, distribution, etc. J’ai tout de même remarqué qu’avec des groupes français comme Jessica93, Marvin, Cheveu, Mars Red Sky, Perturbator, etc. nos ventes restaient dans la moyenne haute.

Toutefois, « La France a peur » était une couv assez atypique, avec un gros dossier sur un thème en particulier, il y avait presque un côté hors-série.  
Oui, les gens en sont friands. Je l’observe même sur le site web, quand on parle de groupes français, le nombre de vues explose. Bon, c’est aussi dû au fait que les médias étrangers n’en ont pas parlé avant, mais il y a vraiment un vrai engouement autour des groupes français et notamment ceux qui tournent beaucoup : La Colonie De Vacances, Jessica93, Rendez Vous, Lysistrata, J.C. Satàn, Hangman’s Chair, Carpenter Brut, Perturbator, … Et certains, comme ces trois derniers, sont désormais largement reconnus à l’international.

“Je peux sûrement continuer pas mal de temps, mais sans espoir d’amélioration, de changements. Je n’ai aucun moyen de booster la promo ou de sortir un hors-série car pas assez d’argent, de temps, de moyens.”

Pour ce qui est de la santé financière du mag, tu arrives à penser un minimum à long terme ou t’es vraiment au numéro par numéro ?
C’est clairement numéro par numéro. Maintenant, depuis le temps, je sais à peu près sur quels magazines je vais faire un bon chiffre pub et sur quels autres non, en fonction de la période de parution. Mais il arrive qu’il y ait des ratés, ça s’est produit il n’y a pas si longtemps que ça. Je n’ai pas du tout de vision à long terme.

Et c’est forcément un frein à des projets plus ambitieux…
Bien sûr, parce que je suis à flux tendus. J’ai juste assez d’argent pour faire vivre le magazine. Là j’en arrive à un point où je me dis que je peux sûrement continuer pas mal de temps, mais sans espoir d’amélioration, de changements. Je n’ai aucun moyen de booster la promo ou de sortir un hors-série car pas assez d’argent, de temps, de moyens. Parce que je suis le seul à bosser quotidiennement sur ce magazine. J’ai la chance d’être aidé par de nombreux collaborateurs mais les degrés d’implication de chacun sont très divers. Beaucoup poursuivent des études, ont des enfants, un boulot à côté, je ne peux pas leur demander la lune non plus, chacun fait déjà tout ce qu’il peut. Bref, c’est une situation assez frustrante. Sans compter les facteurs qui m’échappent… Quand je me balade dans Paris, je vois de moins en moins de kiosques, de Relay H. Quand je pense qu’ils ont fermé celui du métro de République, alors qu’il y avait un passage de dingue… Idem à Gambetta …

Tu arrives à être distribué dans ces gros points de vente ?
Durant des années, j’ai demandé à être présent en priorité dans les Relay, et moins dans les kiosques de rue. Ils sont en train de les moderniser, de les agrandir, mais avant, un magazine spécialisé comme new Noise était rangé derrière 10 000 autres, les Voici, Gala, Grazia, les gros quotidiens ou les magazines pornos. Aujourd’hui, comme je le disais à l’instant, les Relay disparaissent ou réduisent la surface allouée à la presse pour vendre de la nourriture, des gadgets… Tu ne peux pas lutter contre ça, je ne sais pas à quelle vitesse ça va évoluer, dans quelles mesures ça va impacter les ventes du magazine, il est donc forcément compliqué d’avoir une vision à long terme. Mais bon, c’est compliqué depuis quinze ans, j’ai l’habitude…

Revenons-en à ta passion première pour la musique qui te guide malgré toutes ces difficultés. Tu restes un acheteur compulsif de disques, tu en possèdes combien environ ?
Je dois approcher des 10 000 CD et 2300 vinyles.

Et j’ai l’impression que tu privilégies le format CD au vinyle. Mais c’est peut-être d’abord une question de moyens ?
Oui, déjà parce que déjà les vinyles sont de plus en plus chers, mais surtout parce que le format CD me convient très bien. J’aime acheter, ou racheter, certains classiques en vinyle, mais pas pour de quelconques histoires de son. J’ai bien plus souvent été déçu par le son d’un vinyle que par celui d’un CD, et de toute façon mes tympans ne sont pas assez subtilement calibrés pour capter cette « fabuleuse chaleur du son vinyle » dont nombreux mélomanes parlent. Je n’achète en vinyle principalement que les albums dont je pense que les artworks le méritent, ou ceux qui ne sont pas disponibles dans un autre format – ça arrive de plus en plus – ou alors, comme je le disais, certains de mes classiques.

La question incontournable : quels albums t’emmènerais sur une île déserte ?
Les vingt premiers qui me viennent à l’esprit, et un seul par groupe : Faith No More – Angel Dust, Only Living Witness – Innocents, Kyuss – Welcome to Sky Valley, Helmet – Betty, Soundgarden – Badmotorfinger, Mr Bungle – Disco Volante, Alice In Chains – Dirt, Killing Joke – S/T (2003), Grotus – Mass, Melvins – Stoner Witch, Primus – Pork Soda, Quicksand – Slip, Nine Inch Nails – The Downward Spiral, Ministry – In Case You Didn’t Feel Like Showin Up… Live, Leeway – Open Mouth Kiss, Vision Of Disorder – Imprint, Life Of Agony – Rivers Runs Red, The Jesus Lizard – Liar, Judas Priest – Painkiller, Tool – Ænima, Rollins Band – The End Of Silence, Toto – Isolation, Pantera – Vulgar Display Of Power, Stone Temple Pilots – Purple, Pearl Jam – VS.

On va parler du sujet pour lequel on fait cette interview : les 15 ans de new Noise. Ces soirées, t’y réfléchissais depuis longtemps ? L’idée c’était d’avoir des groupes représentatifs du mag ? La plupart ont déjà fait la couv…
Oui, voilà. J’ai eu l’idée il y a un an environ. Depuis plusieurs années, on organisait des soirées au Trabendo. L’an dernier, ça n’a pas pu se faire, pour diverses raisons, mais je me suis dit « en 2019 ce sera nos 15 ans, notre n° 50 va sortir, essayons d’organiser quelque chose en nous y prenant à l’avance pour une fois ». À la base, je pensais faire jouer Jessica93, Hangman’s Chair, Lysistrata, J.C Satàn, We Insist!, et White Heat. Les membres de Lysistrata étaient partants mais après avoir accepté leur tourneur a finalement annulé. Et on m’a dit que We Insist! s’était déjà engagé à jouer à Petit Bain quelques mois avant. Matthieu, le programmateur du Trabendo, m’a alors proposé de demander à Year Of No Light. Je n’y avais pas pensé, car ils n’avaient pas donné de concerts depuis une éternité et je savais qu’un de leur guitariste venait d’aménager sur Paris. Au final, je suis bien content qu’ils aient accepté de reprendre du service pour nous après cette longue pause.

T’as dû être tenté de faire d’autres soirées pour faire durer le plaisir, non ?
Oui, j’aimerais faire jouer de nombreux groupes français : Dewaere, The Algorithm, DEAD, Point Mort, Fiend, SURE., Grand Final, Ovtrenoir, Prison Life, Fange, As A New Revolt, Zarboth, Truckks, Verbal Razors, OddZoo… Le problème, c’est que le Trabendo est une grosse salle que peu de groupes français couverts par new Noise peuvent remplir. On avait aussi pensé à LANE, Birds In Row ou Rendez Vous pour les soirées anniversaires, et à des DJ set de Rebotini, Mondkopf et Perturbator, mais ils jouaient tous déjà à Paris quelques mois avant ou n’étaient pas disponibles.

Tu vas essayer d’en faire d’autres ?
La Jimi m’a donné une carte blanche, mais ce sera en octobre, à Ivry Sur Seine, deux groupes seront au programme. Après, on est toujours partants pour des soirées au Trabendo, on aime beaucoup l’équipe.

Vous n’avez pas essayé d’avoir des groupes étrangers ? Trop compliqué ?
À un moment, Will Haven et Brutus ont été envisagés, d’autres groupes étrangers aussi, mais c’est toujours tombé à l’eau, soit parce qu’ils étaient trop chers, soit parce que la date ne coïncidait pas.

Tu as un peu de mal à te déplacer en concert, mais cette fois t’y seras ?
(Rires) J’aime bien forcer le trait sur Facebook, me présenter comme « le rédacteur en chef de magazine de musique qui déteste les concerts » : une aberration presque. Ce n’est pas que je n’assiste plus à aucun concert, juste à beaucoup moins qu’avant. Je suis plus sélectif. Je suis récemment allé voir Health et OddZoo, Boy Harsher, Author & Punisher et SURE., Therapy?, Brutus… Les mois de bouclage, je ne peux me pencher sur mes papiers que le soir comme je l’expliquais. Durant ces périodes, sortir une soirée me fait perdre beaucoup d’heures de travail. Et déjà qu’on termine toujours à la dernière seconde, je ne peux pas me permettre trop d’écarts. Mais je serai à ces concerts, évidemment ! (Rires)

Il reste d’ailleurs quelques groupes que tu irais voir coûte que coûte ?
(Il réfléchit) Oui…

Ça n’a pas l’air de te venir très spontanément ! (Rires)
Non, parce je me suis déjà dit à propos de certains groupes que j’irai toujours les voir, mais au bout d’un moment, j’ai toujours été déçu. À une époque, je n’aurais pas raté un seul concert de Killing Joke, par exemple. Après plusieurs prestations en demi-teinte de leur part, je ne me déplace plus.

Faith No More quand même j’imagine, non ?
Oui, eux ne m’ont encore jamais déçu.

Pour conclure, de quoi es-tu le plus fier quand tu regardes 15 ans en arrière ?
Déjà, du fait d’avoir duré alors qu’on n’a jamais reçu l’aide de qui que ce soit, sauf du Trabendo pour les soirées, et à une époque de la régie pub de Tsugi. Avoir réussi à durer 15 ans avec un magazine tel que celui-là, dans un contexte économique lamentable, en étant à cheval sur deux secteurs sinistrés, la presse et la musique, dans un pays aussi peu intéressé par le rock que la France, c’est presque un exploit !

Interview réalisée par Jonathan Lopez

Pour savoir où vous procurer le n° 48 (avril-mai) de new Noise

L’event Facebook des deux soirées au Trabendo

*Par souci de transparence, précisons que l’auteur de l’interview (qui aime tant parler de lui à la troisième personne) collabore depuis un an avec new Noise. Point de copinage éhonté toutefois puisqu’il n’avait jusqu’alors jamais rencontré Olivier Drago, on peut simplement y voir un excès de fayotage… ou une volonté d’évoquer l’histoire et la longévité d’un des médias musicaux dont on se sent le plus proche.

2 Commentaires

  1. Un grand merci et un profond respect à tous ces gens qui luttent quotidiennement contre la précarité musicale de ce pays. Cela serait génial de pouvoir organiser des “Victoires de la musique” alternatives avec de vrais passionnés comme les gens de New Noise, Metalorgie et compagnie…

  2. Merci à Olivier Drago et à toute l’équipe de New Noise qui font vivre ce magazine de qualité à l’éclectisme admirable et sans lequel mes horizons musicaux seraient bien plus réduits et plus tristes. Je dois ma culture musicale en grande partie à Versus/Noise/new Noise, et l’écrasante majorité des artistes qui m’ont fait vibrer ces quinze dernières années, je les ai découverts grâce à cette équipe. J’espère que la mag continuera de vivre encore longtemps !

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