I Love UFO – Rare & B-Sides
I Love UFO* est sans doute arrivé trop tôt en France et s’est retrouvé quelque peu incompris. Très vite coincé entre l’émergence d’une nouvelle scène gibusienne, emmenée par Rock&Folk et biberonnée aux Strokes, Libertines et autres influences directement issues des Jeunes Gens Mödernes, et une énième vague de French touch modelée par Record Makers (Turzi, Sébastien Tellier, Klub des Loosers), le label français qui publie Wish, son premier album, I Love UFO partage finalement plus d’accointances avec Part Chimp et Eighties Matchbox B-Line Disaster**. Il pratique un rock furieux aux accents psyché et noise, une musique habitée à l’énergie décuplée. Butch McKoy chante ou hurle en anglais, il utilise les mots pour leur consonance, leur musicalité et reste éloigné du champ lexical de la chanson française. L’approche est plus celle d’un groupe anglo-saxon féru de Sonic Youth et de mille autres influences, dont sans doute les expérimentations sauvages de Comets On Fire et Oneida en ligne de mire. Seulement, à l’époque, chanter en anglais est vraiment handicapant, et même si le groupe profite d’un tube presque pop avec « Like in the Movies », ainsi que d’une bonne réputation scénique, il n’arrivera jamais à intéresser un plus large public. Mais était-ce vraiment l’idée ? Est-ce que le groupe n’était pas plutôt taillé pour devenir une référence indépendante en constante évolution ?
Le groupe se délite et seulement deux membres continuent***. En 2010, il revient avec Dirty Animals, un disque moins lissé, plus brut, dont l’artwork est signé Philippe Druillet. Soutenu par le label indépendant Bruit Blanc (Matthieu Chabaud), il assume maintenant complètement son statut alternatif. I Love UFO se réinvente ensuite et laisse la place à un nouveau groupe, White Heat, toujours mené par Butch McKoy et Florent « Blind Man », secondés par les proches collaborateurs Lionel Naudon (Lab°) et Julien GB (aux machines et à la gestion globale du son). Même si Butch mène une carrière solo prolifique sous son propre pseudo, il garde toujours l’entité I Love UFO dans un coin de sa tête et souhaite lui redonner vie dans un line-up resserré autour de Julien GB (clavier basse), Thomas Calegari (batterie) et lui-même (chant, guitare). En 2023, ils sortent une session live en studio, suivie d’une toute récente compilation de raretés, toujours chez Bruit Blanc : Rare & B-Sides.
Cette compilation, bien chargée en nombre de morceaux, s’intéresse à la première incarnation d’I Love UFO et la réinvente avec le regard (mais aussi les techniques ?) d’aujourd’hui. Dans la première partie, ce sont les titres du tout premier EP, Thousand Kisses, qui ont les honneurs. « Like in the Movies » apparaît comme débarrassé de son trop plein de sucre, bien loin de la version que l’on connaît sur Wish. « Confusion », « You’ll Never Know », « Dusty » et « [Untitled] » sont rageurs, explosifs, immédiats. « Thousand Kisses » se déploie sur plusieurs tonalités et mouvements différents, dont une partie de guitare noise incendiaire. « Psychic Candy » expérimente de nouvelles pistes et envies instrumentales. Plusieurs titres de la période Wish suivent dans leur version démo dont les toujours aussi recommandables et percutants « Wish », « Train », « Take Me », « The Night » (en un seul morceau) et « Naked Soul ». Au niveau des vraies raretés, notons les très grungy et destroy « Little Boy » et « Shutter Club ». Reste le véritable plat de résistance témoignant de la puissance des envolées psychédéliques et lyriques typiques du groupe, ce « Human Race » que l’on connaissait déjà, du rock sombre fiévreux et habité qui se déploie sur douze minutes invitant Liars, Sixteen Horsepower et Comets On Fire à festoyer ensemble, pour un résultat qui laisse rincé et béat. I Love UFO est de nouveau sur les rails, prêt à en découdre. Le trio a teasé l’arrivée d’un nouvel album, on attend cela avec impatience !
Julien Savès
* I Love UFO fait référence à I Love You(U) Fuck Off et non aux ovnis.
** Avec lesquels ils tourneront en Angleterre.
*** Butch McKoy (guitare, chant) et Blind Man (batteur). Bass Monster quitte le groupe après le premier album.