Nine Inch Nails – The Downward Spiral

Publié par le 20 octobre 2012 dans Chroniques, Incontournables, Toutes les chroniques

The-Downward-Spiral

(Interscope, 8 mars 1994)

Démarrer une chronique sur Nine Inch Nails, c’est s’attaquer à une lourde tâche. Car on parle d’un monument de la musique. Nine Inch Nails, NIN pour les intimes, n’est pas un groupe à proprement parler mais plutôt un projet metal industriel porté par les larges épaules d’un seul homme : Trent Reznor.

Un mec qui compose tous les instruments, chante, produit, s’occupe des arrangements, du design, bref de tout. Il a par ailleurs composé de nombreux morceaux pour des bandes originales de films et jeux vidéos (Tueurs-nés,  Lost highway, Quake…). Dernièrement, il a en outre composé les BO des deux derniers films de David Fincher : The Social Network et A Girl With A Dragon Tattoo.

Reznor a aussi créé son label Nothing Records, le meilleur moyen de s’affranchir des obligations de l’industrie du disque contre qui il était en guerre permanente, les CD étant vendus trop chers à son goût. En 2007 face au refus d’Universal (qui distribue ses albums) à en baisser les prix, il appelle ses fans à les voler. Une réaction qui symbolise bien le personnage qui ne fait jamais dans la demi-mesure.

Reznor, c’est aussi un producteur. De nombreux artistes sont passés sous ses pattes expertes, dont un certain Marilyn Manson. On n’ira pas jusqu’à dire que Manson n’est qu’une pâle copie de Nine Inch Nails mais affirmer qu’il a été fortement inspiré par ce groupe est un doux euphémisme. Ses trois premiers albums sont signés Nothing Records et le 3e, Antichrist Superstar (son premier grand disque), très noir et dérangeant, sonne presque comme un album de NIN.

Mais ne nous égarons pas, on n’est pas là pour parler de Manson mais de son mentor Trent Reznor. Son mentor à lui, du moins sa référence, c’est David Bowie. Déjà ça aide à partir du bon pied, c’est mieux que d’idolâtrer Garou. Il a notamment écrit « I’m Afraid Of Americans » avec lui (Bowie hein, pas Garou). Reznor est particulièrement fan de l’album Low, il a d’ailleurs déclaré qu’il l’écoutait en permanence durant l’enregistrement de The Downward Spiral. On y vient à cet album.

Avant tout, que les choses soient claires, ce n’est pas un disque à mettre entre toutes les mains. S’il vous faut une preuve supplémentaire, lisez ce qui suit. Un an après la sortie de son premier album, Pretty Hate Machine (1991), Reznor achète une maison au 10050 Cielo Drive à Beverly Hills, en Californie. Le pied, une belle baraque pour profiter du soleil californien et des palmiers ? Non, en fait il s’agit de l’endroit où se sont faits massacrer l’actrice Sharon Tate et ses quatre convives par la « famille » Manson. Voilà un lieu pour travailler dans la sérénité. Il y composera l’EP Broken et The Downward Spiral.

Avec cet album (ou plutôt ce halo, c’est comme ça que ça s’appelle dans l’univers NIN), Trent Reznor couche sur bandes toutes ses angoisses, son mal-être, son état d’esprit auto-destructeur… Bref il y met ses tripes et ça donne un album-concept strictement personnel, sombre, crade, torturé, presque terrifiant parfois.

Le premier morceau se nomme « Mr Self Destruct » et c’est pas pour rien. La batterie nous mitraille la tronche et la guitare saturée sur le refrain nous file des décharges à n’en plus finir. Reznor nous dit qu’il nous contrôle (« and i control you ») et c’est le cas. Il a pris possession de notre esprit et va nous trimballer où bon lui semble. On est déjà bien remués et ça va durer tout l’album.

« Nothing can’t stop me now » chante-t-il sur « Piggy ». Il le sait et le monde entier ne va pas tarder à l’apprendre.

Sur « Heresy », il hurle « God is dead and no one cares. If there is a hell I see you there » (« Dieu est mort et tout le monde s’en fout. Si l’enfer existe, on se retrouve là-bas. »). Pas un tendre le Trent. Et pas le plus fervent des cathos vous l’aurez compris. À propos de la religion, il déclarait dans une interview « Il y a dans ce monde certaines choses qui me paraissent franchement injustes, comme par exemple cette putain d’hypocrisie autour de la religion. Je ne comprends pas que les gens puissent croire les yeux fermés à toute cette merde qu’on leur sert. On les nourrit à tout ça pour qu’ils n’aient pas le choix de penser différemment. “Sois un bon garçon et tu iras au ciel”: tant mieux si ça marche pour vous. Moi, ça ne marche pas et ça m’emmerde. » Et on n’a pas parlé du riff de ce morceau, il est juste monstrueux.

Poursuivons l’écoute de ce merveilleux disque. « March Of The Pigs » joue avec notre cœur en alternant la surpuissance dévastatrice et les breaks sublimes au piano. Du grand art.

« Closer » est l’hymne sexuel par excellence avec sa basse so groovy et ses textes assez audacieux (« You let me violate you. You let me penetrate you. (…) I wanna fuck you like an animal. I wanna feel you from the Inside. » Est-il vraiment nécessaire de traduire ?). Un morceau génial, jouissif qui vous donnera envie d’aller violer la voisine (mais faut pas le faire hein, surtout qu’elle est pas jojo).

« I Do Not Want This » et son final apocalyptique démontre que le personnage est un peu dérangé. (« I wanna do everything, I wanna be everywhere, I wanna fuck everyone, I wanna do something that matters » / « Je veux tout faire, je veux être partout, je veux baiser tout le monde, je veux faire quelque chose qui compte »)

« A Warm Place », entièrement instrumentale, tout en délicatesse est une perle de plus dans cet album qui les collectionne. Un petit moment de répit aussi au milieu d’un océan de violence. Une atmosphère planante aux synthés, typique de Reznor mais qui rappelle aussi méchamment « Crystal Japan » de Bowie, encore lui.

L’énorme « Reptile » ressemble plus à un pachyderme qu’à un… reptile. On a le sentiment de se faire hacher menu sous la basse étouffante, les bruitages robotiques et flingues qui se chargent.

Co-produit avec Flood (U2, PJ Harvey, Depeche mode…), The Downward Spiral impressionne par sa précision diabolique. L’attention apportée aux moindres détails est incroyable. Le CD regorge de bruitages en tous genres, de samples, de cris, etc. qui contribuent à renforcer cette atmosphère étouffante. Il n’y a qu’à écouter « Ruiner » et « Eraser », autres monuments de cet album et de la musique industrielle tout court, pour s’en rendre compte.

Le halo se conclut sur l’exceptionnel « Hurt » où Reznor démontre qu’il n’est pas qu’un génial touche-à-tout, mais aussi un grand chanteur (on l’avait déjà un peu remarqué…). Maintes fois repris, notamment par Johnny Cash, superbement. Un des plus beaux morceaux de l’histoire de la musique, dirons-nous simplement pour situer les choses.

Mais on a beau citer tous ces morceaux fantastiques, la vraie force de ce halo est de former un ensemble extrêmement cohérent qui s’écoute d’une traite. Comme un voyage au plus profond de l’esprit tourmenté d’un homme de grand talent.

The Downward Spiral fait rentrer définitivement Mr Reznor dans la cour des très grands. Un artiste perfectionniste, inclassable. Unique.

Jonathan Lopez

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