Upright Forms – Blurred Wires

Publié par le 21 juillet 2024 dans Chroniques, Incontournables, Notre sélection, Toutes les chroniques

(SKiN GRAFT, 28 juin 2024)

On savait que l’on pouvait toujours se tourner vers Nick Sakes pour prendre immanquablement une dérouillée des familles. Il suffisait pour cela de ressortir Face of Collapse de Dazzling Killmen (certains optaient pour un disque de Colossamite mais on doit admettre qu’on le faisait beaucoup plus rarement…).

Ce que beaucoup ignoraient (ou avaient oublié), c’est que celui-ci était également capable de bien des subtilités et de percées mélodiques d’une remarquable efficacité. Il l’avait déjà prouvé avec Sicbay, trio de Minneapolis le temps de trois formidables albums, entre 2001 et 2005. Le voilà qui récidive avec son nouveau trio Upright Forms, et rien, absolument rien, ne parvient à entacher notre enthousiasme à l’égard de ce premier album, Blurred Wires. A-t-on écrit « nouveau trio » ? Ce n’est qu’à moitié vrai puisqu’il y a deux ans, Upright Forms (qu’il forme avec Shaun Westphal à la batterie et Noah Paster à la basse et au chant) envoyait une première missive de qualité supérieure nommée « They Kept on Living » sur la compilation Sounds to Make You Shudder concoctée par son label SKiN GRAFT pour Halloween. Morceau enlevé au refrain scandé poing levé (et vous en ferez de même, on préfère vous prévenir), accompagné d’un synthé orgueilleux (farfisa ?). On le retrouve ici avec bonheur, superbement entouré de neuf autres titres du même acabit.

Le style Sakes demeure inchangé avec ses attaques pleines de mordant, un chant et un jeu de guitare reconnaissables immédiatement. Tout mélodique qu’il était, Sicbay demeurait assez déjanté et il fallait parfois s’accrocher pour suivre le trio dans ses bifurcations soudaines. Upright Forms simplifie les structures, arrondit les angles sans perdre en originalité, va à l’essentiel sans délaisser les dissonances, charme sans réellement s’assagir. Ainsi, dès l’entame « Heaven Knows » fonce allègrement dans le tas et multiplie les opérations séductions : intro/refrain, montée pré-refrain, break, final frisant l’euphorie (de l’auditeur). Tout con, trop bon. La tension et le rythme soutenu ne sont pas en reste sur les couplets de « My Lower Self », lequel conserve toutefois un refrain libérateur à entonner dans les bouchons en klaxonnant comme un demeuré ou en carburant sur la voie de gauche : « Knocked off the radar, Fired up the quasar ». En moins de deux minutes, « Chopped Even » ou « Biology of Time » échappent de peu à l’excès de vitesse mais constituent autant de redoutables assauts. On parlait plus haut de « subtilités » et on ne vous avait pas menti. On pense à « Long Shadow » et ses formidables arpèges venant rompre avec l’exhibition de muscles saillants. Quant au refrain, il est une fois encore des plus contagieux.

Et puis, il y a ce fabuleux « Drive at Night » d’abord gorgé de tension avant que, subitement, à mi-chemin, Noah Paster (déjà pas en reste avec ses lignes de basse qui en imposent) ne vienne donner la réplique à Sakes et transformer cette ballade nocturne en tube indie pop comme on n’en fait plus (suffisamment). Plus autant que dans les 90s en tout cas. Surchauffe de la touche Repeat à prévoir. Dans un registre similaire, « Animositine » pourrait peut-être même l’emporter puisque cela fait des semaines qu’elle refuse obstinément de quitter notre esprit. Et de bon matin, nous voici chantant avec allégresse en se brossant les quenottes : « If you wanna change your mind about dying. Go talk to the ghost with the petrified pose. » Comme quand ton groupe punk anglais préféré (on ne voudrait pas t’influencer) torchait la plus chouette des pop songs. Dans la foulée de cette merveille, « Regular Multiplier » passe à nouveau la (sur)multipliée et contribue à l’équilibre d’un disque parfaitement pensé et remarquablement exécuté.

A-t-on le droit d’aligner tant de réjouissances sur un seul et même premier effort ? A priori, rien ne l’interdit. Certains l’ont fait par le passé et s’en portent parfaitement bien. Contrairement aux apparences, on n’a pas affaire ici à un best of et il pourrait donc s’avérer difficile de réitérer l’exploit lors du retour dans les bacs mais on a envie d’y croire. Et on a d’ores et déjà hâte de voir Upright Forms relever le défi.

Jonathan Lopez

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