L’Effondras – Anabasis
On avait découvert le label Medication Time Records il y a peu grâce à la sortie de l’excellent album de Bruit, The Machine Is Burning And Now Everyone Knows It Could Happen Again, assurément un des disques français de l’année. Coup double avec cette nouvelle sortie, Anabasis, 3e LP du groupe lyonnais L’Effondras.
Nous ne sommes qu’au mois de juin, mais mon année musicale est déjà profondément marquée par des disques essentiellement instrumentaux. 2021, année post-rock ? En fait, pas vraiment. Il y a dans ce disque de L’Effondras comme dans ceux de Mogwai, GY!BE, Aalborg, Yawning Sons, Bruit, Grive ou Choir (et la liste va sûrement s’allonger), bien plus d’audaces et d’influences que la classique bipolarité des disques de post-rock ennuyeux. Quand on choisit de se passer volontairement de la parole et/ou du chant, sans pour autant renoncer à faire passer un message parfois, la musique est au centre. Elle devient cette matière organique, évocatrice, alchimie fragile, équilibre plus ou moins précaire de dynamiques parfois contraires. En presque 40 minutes et 5 titres, L’Effondras parle peu (seul le dernier titre « Norea » comporte du chant) mais en dit beaucoup. La formule est courte (batterie-2 guitares) mais le spectre sonore est large, une des guitares étant une baryton pas avare niveau puissance et impact. L’apport de Raoul Vignal (auteur ces jours-ci d’un très bon disque solo plutôt folk, Years in Marble) offre une palette débordant d’un cadre purement post-rock dans lequel on aurait tort de mettre cet album. Le groupe peut ainsi aller à l’essentiel comme sur « Aura Phase » (le morceau le plus court), qui dévoile sans temps mort des guitares énergiques sur un tempo de cavalcade. Les autres titres (entre 7 et 11 minutes) prennent plutôt leur temps pour se dévoiler et offrir de beaux paysages sonores à la manière du dernier Yawning Sons qui navigue habilement entre les styles. Le final « Norea » qui accueille un peu de chant présente un trip élégiaque délicatement shoegaze dans sa première partie avant qu’une bourrasque de guitares furieuses ne fasse souffler une belle tempête. Amoureux de la 6-cordes, de tones aériens gavés de delay et de reverb, il y a de quoi vous rassasier aussi sur ce disque. Dès « The Grinding Wheel » qui ouvre avec brio l’album. Arpèges mélodiques, riffs frondeurs, changements de rythmes, et une tension sourde que l’on devine prête à exploser au moindre impact massif de la batterie. « Anhedonia » déambule aussi lentement sur ce terrain mouvant mais la marée monte, la tempête gronde avant une vague éclaircie ambient sur la dernière minute qui mène à « Norea ». Comme souvent dans les bons disques de rock instrumental, on trouve une odyssée sonore qui culmine au-delà des 10 minutes et qui jongle habilement avec le temps et les rythmes. Silences parsemés de petites mélodies comme soufflées par le vent, chaos maîtrisé de guitares furieuses, crescendos hypnotiques (ce riff rond de la guitare baryton !), on trouve tout cela sur les 11 minutes du splendide « Ce que révèle l’éclipse ». Masterpiece. Un titre à rallonge de plus pour ma playlist 2021… et une parfaite description pour un album d’ombres et de lumières.
Encore une (très) belle découverte made in France ! On ne le dira jamais assez, mais la scène hexagonale fourmille de groupes talentueux, tous styles confondus, que l’on ne se lasse pas de découvrir, mois après mois, avec gourmandise. L’Effondras rejoint ma liste « coup de coeur 2021 » et va se placer en bonne position des grands disques de rock instrumental d’une année prolifique dans le style.
Sonicdragao
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