Yawning Sons – Sky Island

Publié par le 19 avril 2021 dans Chroniques, Notre sélection, Toutes les chroniques

(Ripple Music, 26 mars 2021)

Yawning Sons = Yawning Man + Sons of Alpha Centauri. Soit un supergroupe anglo-américain. Pour la petite histoire, Kyuss reprenait « Catamaran » sur …And the circus leaves town (1995), un titre composé par Gary Arce et Mario Lalli (que l’on trouve donc ici), vétérans du stoner rock dans… Yawning Man, un groupe culte formé dès 1986, et adepte de jams interminables lors des légendaires generator parties, soirées sauvages dans le désert californien du côté de Joshua Tree (où cet album a été enregistré). Sons of Alpha Centauri est un quatuor anglais plutôt tourné vers le rock instrumental (entre post-rock et post-metal). Le décor est planté.

Ce Sky Island sentait donc bon le rock vagabond, le voyage psyché dans le désert(-rock), à l’image d’un artwork évocateur et réussi. Amateurs de reverbs éthérées, de guitares clean aériennes, de titres contemplatifs mais passionnants, ce disque est un pur bijou. Mais ne vous méprenez pas. L’album offre aussi de belles surprises au gré de 8 titres, bien plus variés que l’étiquette desert ou post-rock ne le laisserait supposer. On trouve ainsi des titres (très) efficaces comme l’inaugural « Adrenaline Rush » où le combo basse ronde-guitares aériennes transporte autant que ce refrain ample presque tubesque. Dans un registre très indie-rock, « Shadows and Echoes » emprunte la même voix imparable avec plus de douceur toutefois, voix féminine (Wendy Rae Fowler) et guitares mélodiques en avant. Là où ce supergroupe aurait pu accoucher d’un album mal dégrossi, fourre-tout indigeste de styles disparates, il s’en échappe au contraire une cohérence redoutable. La production est parfaite, le son vaste comme le désert. Les « guitar tones », gavés de reverb et de delay, invitent parfois à la méditation comme sur ce « Passport Beyond The Tides », très ambient avec ses nappes de claviers et ses envolées psyché. Mais l’ensemble respire surtout la collaboration réussie, l’effort collectif abouti de musiciens en osmose. « Digital Spirit » en est le parfait exemple. Riff répétitif, harmonies vocales étudiées, petite percussion que l’on n’attendait pas vraiment par ici, guitare lead vagabonde, la basse ronde. Ça groove. Ce désert est bien accueillant. On est souvent plus près du Pink Floyd psyché 70’s que de Kyuss quand même.

Le rythme est lent, et l’électricité ne va jamais faire souffler un vent d’enfer. Mais le crescendo de « Gravity Underwater », avec son riff de guitare délicieux, résonne comme le chant d’une sirène. Tu dois me suivre dans le désert. Il y a quelque chose d’envoûtant et d’hypnotique dans ces entrelacs de guitares, dans la finesse des arrangements et les dynamiques subtiles. Rien de pompier, tout est fluide, il règne une ambiance sereine et les morceaux semblent flotter délicatement au gré du souffle brûlant du désert. Et il suffit que le groupe allonge les compositions pour que l’on bascule dans le sublime. On trouve ainsi 3 longues pièces (7 à 8 minutes) quelque part entre post-rock éthéré, indie-rock aérien et stoner psyché. Avec parfois un peu plus de sable dans ces guitares soignées. Le rythme poisseux du début de « Low in the Valley » est ainsi presque surprenant. Mais les harmonies vocales (une réussite sur tout l’album) et ces guitares évanescentes se chargent vite de ramener la lumière, notamment sur une deuxième partie de titre remarquable (l’outro !). « Cigarette Footsteps » est un crescendo hypnotique pas loin de la grande tradition du post-rock. Le groupe y a juste ajouté des voix. Mais le titre fonctionnerait tout aussi bien sans. Sur la fin, une guitare lead bluesy délicieusement overdrivée vient pimenter l’affaire. 8 minutes de classe. « Limitless Artifact » propose sur la fin un instrumental dynamique de 7 minutes, nouveau festival de six-cordes, décidément le point cardinal principal dans ce périple désertique.

On est en avril mais j’ai déjà mon album de l’été. Pourtant sur les terres sacrées du stoner, Yawning Sons signe un disque contemplatif et atmosphérique. Post-desert-rock. Parfaite bande son pour les crépuscules caniculaires. Quand le corps et l’esprit fatigués se laissent aller à la langueur. J’imagine déjà une plage déserte entre chien et loup, le ressac des flots et ce Sky Island. Et une petite bière.

Sonicdragao

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