Une fois n’est pas coutume, pour ce bac d’occaz de fin d’année, BCG n’a pas déterminé ses choix en fonction des années de sorties d’albums (années en 1, 2, 3…) mais s’est appuyé sur les suggestions de camarades aux goûts (plus ou moins). Voici ses impressions.
Dans le bac d’occaz’ #22 : les suggestions de fin d’année 2
Backyard Babies – Total 13 (1998) : suggéré par Happy Friday
Chère Happy,
Merci d’être tellement assidue à cette rubrique que tu m’as fait deux propositions. Ou alors, c’est que je n’ai pas assez d’amis. Alors, autant la dernière fois tu m’avais trouvé quelque chose d’assez inattendu et très intéressant, autant cette fois tu as plutôt tapé dans ma zone de confort, mais avec un disque dont l’intérêt est limité.
En fait, ce disque des Backyard Babies évolue dans un style qui m’est très familier, un rock burné qui porte haut et fort les influences des Ramones et des Stooges période Raw Power, avec un petit quelque chose de californien, comme le faisaient quelques groupes scandinaves à la même époque. Le problème, c’est que parmi ces groupes scandinaves il y a notamment Turbonegro, une de mes références absolues, et que la même année que ce Total 13, Turbonegro sortait Apocalypse Dudes, et c’était quand même beaucoup mieux dans le genre. Du coup, difficile d’accrocher à Total 13, qui en plus lorgne plus vers le rock d’ado vénère, plus californien, parfois limite métal. Ceci dit, j’écoute ce disque 15 ans trop tard, mais je suis sûr que j’aurais pu l’adorer à une époque.
Ty Segall Band – Slaughterhouse (2012) : suggéré par JL et les adorateurs de Ty Segall
Chers JL et cie,
Difficile d’approcher l’écoute d’un artiste avec lequel on m’a autant gavé sans une once de mauvaise foi, je l’avoue. Il n’empêche que je pense avoir fait preuve de remise en question plus d’une fois dans cette rubrique, et certains groupes ont été réhabilités à mes yeux même s’il a fallu de nombreuses années. Ceci étant dit, j’ai écouté Slaughterhouse dont tu m’as dit qu’il était parmi les sommets de Segall et…
J’aurais pu me défouler un peu et tirer à boulets rouges sur ce disque, avec un peu de mauvais esprit, mais je vais me contenter de dire ce que j’en ai pensé le plus simplement possible : Segall et son groupe proposent une musique qui mélange des influences punk et pop 60s anglaise avec un son garage crado. C’est un style dans lequel il est loin d’être le seul à officier, et il fait indubitablement partie des figures de proue, mais pour avoir récemment écouté Blood Visions de Jay Reatard qui date de 2006, et qui est dans un genre assez similaire, je trouve que Slaughterhouse tient difficilement la comparaison. Car beaucoup de titres m’ont effleuré sans me toucher, et les morceaux qui ont les meilleures mélodies (“I Bought My Eyes” et “Tell Me What’s Inside Your Heart”) sont inutilement longs, dépassant presque du double la durée qui les aurait rendus vraiment cool. Le seul morceau qui déroge à la règle, “Wave Goodbye”, voit le groupe se mettre à du gros rock 70s à Fuzz tendance Black Sabbath ; là, pour le coup, ça n’évoque plus du tout Jay Reatard, mais ça me rappelle beaucoup Witch, dont l’album Witch est sorti en 2006, mais sans tenir la comparaison non plus. J’écarte volontairement le dernier morceau de 10 minutes, une plage de jam noisy ; l’astuce de gonfler la tracklist avec un morceau qui n’en est pas vraiment un est déjà vue, et le Ty Segall Band ne s’en sort pas avec les honneurs.
Pour peu qu’on adore ce style, ce qui n’est pas spécialement mon cas, les 30 minutes de Slaughterhouse doivent être plutôt plaisantes, et je n’irai pas jusqu’à dire que Segall n’est pas bon dans son genre, ni, vu la productivité du gars, que sa carrière se résume à ce disque. En revanche, quand on écoute de plus loin cette scène, ce disque a un gros goût de déjà entendu et en ce qui me concerne, déjà entendu en mieux. La seule chose positive que j’en retiens, c’est ce morceau “Diddy Wah Diddy”, dont la seule utilité est de rendre irrecevable les critiques de JL concernant les titres supposés ridicules des chansons des Hives.
Mon cher JL, je sais ce que tu vas dire, et bien sûr qu’un groupe n’a pas à être novateur pour être bon. Je cite Witch qui ne fait que reprendre exactement le style de Black Sabbath. Mais pour que ça passe, il faut des morceaux forts, et je n’en trouve pas ici. Donc oui, je compare, avec ceux qui ont suivi la même démarche et l’ont, à mon avis, mieux mise en œuvre. Je vous invite à comparer et à vous faire votre propre avis.
PS : Certes, les deux disques n’ont absolument rien à voir, mais je te confirme cette vieille querelle : je préfère cent fois le disque King Tuff de l’artiste éponyme paru en 2012.
Grant Hart – The Argument (2013) : suggéré par Anonyme
Cher Grant Hart,
Je m’excuse d’être resté sur un avis un poil mitigé concernant Hüsker Dü, et de ne jamais avoir eu la curiosité d’explorer votre carrière solo. Je regrette de n’avoir jeté une oreille à The Argument qu’après votre décès, en en lisant de très bonnes critiques par-ci par -là. Et je suis désolé de vous comparer avec Bowie, ce que beaucoup ont du faire en écoutant ce disque.
Je m’excuse avant tout de ne pas savoir trouver les mots qui convaincront les gens qui liront ce texte d’écouter ce double album, car je me rends bien compte que ceux qui me viennent sont assez décevants. The Argument aurait pourtant de nombreuses raisons de me déplaire, il est long, éclectique, maitrisé, tout pour faire fuir les plus punk. Et pourtant, derrière sa richesse, on y ressent une émotion sincère, envoutante, appuyée par une voix fragile évoquant la fin de carrière de David Bowie. Ce disque est terriblement touchant, c’est une musique qui se ressent, et je ne peux m’empêcher, en voyant qu’il est sorti en 2013, de le comparer avec The Next Day, qui pour le coup ne m’avait pas touché du tout. Et si ce mois-ci, je n’ai fait que comparer les disques de mon bac d’occaz à ceux d’autres artistes, celui de Grant Hart est le seul qui, non seulement tient la comparaison, mais qui me procure même plus d’émotion. Je ne pensais pas un jour aimer un double disque avec une instrumentation aussi variée, des expérimentations électros et des morceaux si longs. Je pense qu’au final, la seule chose qui compte, ce sont de belles chansons.