Pixies – The Night the Zombies Came
J’écris pour Exit Musik depuis dix ans cette année, et j’avoue qu’il est difficile d’entretenir la flamme et de se renouveler, surtout quand on n’écoute qu’une poignée d’artistes différents et qu’on se retrouve à ne parler majoritairement que de leurs disques. Vous pouvez le vérifier, c’est moi qui ai signé la chronique de tous les nouveaux albums des Pixies depuis le départ de Kim Deal. Mauvaise pioche, diront certains, mais n’écoutons pas les mauvaises langues.
Depuis qu’on les a quittés en bonne entente avec un Doggerel assez calme mais que les trouvailles mélodiques et de composition suffisaient à rendre enthousiasmant, nous avons été pris de court par le départ de Paz Lenchantin, remplacée par Emma Richardson de Band Of Skulls. Ensuite, c’est lors des concerts Bossanova/Trompe Le Monde où « The Vegas Suite » a été jouée, que nous avons eu vent d’un nouvel album. Bref, tout ça pour dire que la vie des Pixies a été mouvementée et qu’on pouvait légitimement se demander quel impact cela aurait sur l’album à venir.
Il y a dix ans, j’avais justement écrit la critique d’Indie Cindy, qui polarisait beaucoup les auditeurs. Certains y voyaient un coup de génie, d’autres une arnaque totale et j’écrivais en substance que c’était un peu les deux, mais pas en termes musicaux. Ma thèse est qu’il ne s’agissait pas d’un album des Pixies en soi mais d’un album de Frank Black accompagné d’une partie des Pixies*, ce qui était à la fois une arnaque vis-à-vis des attentes des auditeurs mais aussi un coup de génie pour mettre un coup de projecteur sur une carrière solo parfois injustement snobée. Aujourd’hui, la nouvelle sortie des Pixies ne déchaîne pas vraiment les passions, ni par l’événement qu’elle représente (les albums s’enchaînent plutôt régulièrement depuis dix ans), ni par sa musique puisque visiblement deux petites chansons jouées à Rock en Seine auraient suffit à plomber l’ambiance pour les journalistes musicaux présents ce soir-là.
Pourtant, The Night The Zombies Came est loin d’être mauvais, ni même plan-plan puisqu’il n’est pas une copie conforme de Doggerel, qui lui-même n’était pas un copier-coller du précédent. On pourra lui reprocher un « King Of The Prairie » qu’on a l’impression d’avoir déjà entendu plusieurs fois sur les dix dernières années, des longueurs sur les ballades « Mercy Me » ou « Chicken » et pour la première fois une redite mélodique entre le refrain de celle-ci et celui d’ « Hypnotised », d’autant plus flagrante que les deux titres s’enchaînent. À part ça, il n’y aucune raison de s’indigner.
Certains diront peut-être qu’il n’y a pas de raison de s’enthousiasmer non plus, mais tout dépend du niveau de vos attentes. Si vous attendez un chef-d’œuvre intemporel digne des quatre albums avec Kim Deal, alors certes vous allez au devant d’une grave déconvenue. Or, visiblement, peu de gens sont dans cette situation. Pour les autres, vous ne trouverez qu’un album honnête porté par un auteur-compositeur dont le talent reste certain (en attestent des chansons comme « The Vegas Suite », « Motoroller » ou « Johnny Good Man ») et un backing band solide. Bref, exactement ce que vous pouvez trouver à foison dans la discographie de Frank Black.
Par le menu, on peut noter que le groupe est toujours aussi efficace sur les titres uptempo (« Oyster Beds », « You’re So Impatient » et la country-esque « Ernest Evans »), que l’ambiance générale est très western avec cette touche surf à la Morricone qui a fait les grandes heures des Pixies même si le style des morceaux n’est pas homogène, variant des couplets robotiques d’ « Hypnotised » au crépusculaire « Jane (The Night The Zombies Came) ». Dans l’ensemble, on reste sur un recueil à la fois cohérent et diversifié de chansons pop, dans le sens où les mélodies sont accrocheuses et travaillées, avec la patte zarbi à laquelle nous sommes habitués depuis le temps.
Au final, il n’y a rien de révolutionnaire sur ce nouveau Pixies (et si c’est encore ce que vous attendez de leur part, vous avez 35 ans de retard), mais il ne s’agit pas non plus d’un groupe en pilote automatique. Si vous cherchez un bon album dans leur style, avec un songwriting qui est loin d’être fainéant et une qualité mélodique élevée, dans la continuité mais assez différent des précédents pour ne pas avoir l’impression qu’on vous refourgue toujours le même disque, alors il serait dommage de bouder celui-ci, comme le nombre d’œuvres de qualité équivalente qui jalonnent la discographie de Frank Black.
Je sais qu’il s’agit de plus en plus d’un travail collectif, mais j’ai quand même l’impression qu’il s’agit plus ici d’une continuation de sa carrière solo, une continuation assez plaisante pour entretenir la flamme. Il y a eu Frank Black and The Catholics, il y a aujourd’hui, comme je l’écrivais il y a 10 ans, Frank Black et les Pixes* et en ce qui me concerne, je ne considère pas qu’on ait perdu au change.
Blackcondorguy
*Les Américains utilisent l’expression « there’s no I in team », littéralement « il n’y a pas de I dans le mot team » pour désigner le fait que l’ego (le « I » qui est à la fois la lettre I et son homophone qui signifie «je ») n’a pas sa place dans le collectif. Kim Deal et Frank Black ayant eu leurs déboires d’ego, on peut considérer qu’ils sont les deux « I » des Pixies. Avec le départ de Kim, il n’y a plus qu’un « I » dans les Pixies, d’où l’idée de renommer cette nouvelle mouture « Pixes ». Ça aura pris 10 ans, mais je vous avais dit que je vous expliquerais.
Nos innombrables articles sur Pixies (chroniques, discographie, interviews, live reports)
Il n’y avait pas deux leaders des Pixies à l’époque de Doolittle, puisque c’est déjà Black Francis qui écrivait toutes les chansons, ne délirons pas. Ce n’est pas le départ de Kim Deal qui a changé la donne, mais plus simplement le temps : les Pixies (mâles) ont chacun près de 60 ans, alors leur demander de refaire Surfer Rosa (ils avaient 22 ans !) est ridicule. Leur nouvel album est quasiment génial à condition d’oublier un peu leur passé glorieux.
En fait Kim Deal l’avait bien exprimé lors de la reformation, elle n’était pas très dans le mouvement de faire de nouveaux titres PIXIES, il y a eut Bam Thwok…et Franck Black a continuer a pousser l’idée de nouveaux titres. Ils ont commencé de bosser sur des titres du futur Indie Cindy, un soir ils ont partagés un repas, puis le lendemain Kim DEAL leur annonçait qu’elle avait fait son chemin avec eux, et qu’elle souhaitait arrêter là pour reprendre ses projets (sans animosité pour le coup). Elle n’a pas donné d’avis sur les nouveaux titres, mais personnellement je pense qu’elle a bien fait, car depuis lors j’entends du : Frank Black and the Catholics avec les musiciens des Pixies (et parfois la patte)… Car oui de temps à autres le génie guitare de Joey ressurgit, quelques envolées de basses, des constructions alambiquées…mais franchement pour moi si cet album est musicalement solide, porté par un groupe qui est sincère (et si je n’attends pas le PIXIES des origines…) ben BOF, BOF, BOF….