Fontaines D.C. – A Hero’s Death

Publié par le 30 juillet 2020 dans Chroniques, Notre sélection, Toutes les chroniques

(Partisan, 31 juillet 2020)

Un an à peine après l’excellent Dogrel, Fontaines D.C. remet le couvert avec ce très attendu et toujours délicat second album. Maturité, pétard mouillé, transition, chacun choisira son camp au moment de juger ce A Hero’s Death des dublinois.

C’est avec le single du même nom que les hostilités furent lancées en mai par la bande à Grian Chatten, turbulent chanteur au bagout toujours aussi addictif. “Life ain’t always empty” répète-t-il inlassablement en plein confinement. Et le bougre finit par nous donner une furieuse envie de lui montrer à la vie de quel bois on se chauffe. Pas le meilleur titre de cet album à la première écoute (mais il se bonifie peu à peu), et on a pu craindre alors que ce second album pourrait rejoindre la cohorte des disques déceptions. Mais Grian Chatten a cette voix particulière capable de véhiculer une belle palette d’émotions et de porter bien plus haut que prévu le post-punk, classique mais incisif, de son groupe. En outre, le mix ne se prive pas de la mettre au premier plan, peut-être un poil trop, au détriment de guitares plutôt inspirées, mais votre serviteur tâte un peu de la six-cordes, d’où un avis divergent en matière de mixage. Ah ces chanteurs ! Et dès le second single qui ouvre ici l’album, « I Don’t Belong » nous rejoue même la spéciale post-punk canal historique (cette intro !). On a beau connaître notre Unknown Pleasures par cœur, on se laisse facilement berner par ces irlandais malins. D’autant qu’ils dégainaient il y a un mois, en parfait teasing, leur troisième single, le bombastique (!) « Televised Mind » qui va tourner en boucle, au moins autant que « Boys In The Better Land » l’an passé. Riff sourd de basse en intro, guitares diaboliquement incisives, et Grian Chatten qui emballe le tout. Killer tune.

Là où Dogrel paraissait décousu et frondeur, avec une énergie enthousiasmante mais un tracklisting un peu désordonné (ce qui avait aussi son charme), les dublinois serrent le jeu sur ce deuxième opus. Alternant efficacement énergie débridée (« A Lucid Dream » vaguement shoegaze, « Televised Mind », « A Hero’s Death ») et ambiances plus subtiles comme ce « Love Is The Main Thing » à la batterie entêtante et déclamé d’une voix blanche. Ou le délicat « You Said » aux guitares délicieusement irritantes. Ils ne s’autorisent qu’un titre à moins de 3 minutes avec « Oh Such A Spring », qu’on qualifiera, selon l’humeur du jour, de bluette gênante ou de pause mélancolique bienvenue en milieu d’album. On déplorera un seul morceau un poil paresseux : « I Was Not Born », pas inoubliable, qui aurait mieux figuré sur Dogrel. Avec « Living In America », hypnotique et noisy comme on aime, on a presque un jumeau du « Hurricane Laughter » de l’an passé. Mais sur la fin, place à plus de subtilité. Une ballade, « Sunny », brumeuse comme un matin de gueule de bois sur Dublin, mais dont les chœurs féminins et les cordes réchauffent le corps. Sur « No », c’est même le cœur qui est transpercé d’une belle flèche avec ce titre final poignant assez sublime. Quand il chante comme ça Grian Chatten, t’as beau faire le malin avec ta gratte et tes pédales de delay, le gars à la console, il va faire son job et te reléguer un peu plus loin dans le mix.

Au final, constat similaire à celui du dernier LANE. En sortant deux albums en si peu de temps, forcément y’a un poil de déjà-vu (avec l’accent irlandais please). Mais on trouve aussi tellement de qualités sur ce 2e album de Fontaines D.C. que ne pas sortir tout de suite ces titres aurait été bien dommage. Moins frondeur, bordélique et intuitif que Dogrel, A Hero’s Death se démarque par une mélancolie plus prononcée, un son plus lisse et maitrisé et un tracklisting plus élaboré. Maturité, alors ? Outre-Manche, les dublinois resteront un des groupes à suivre assurément, notamment en live (un jour bientôt, peut-être). En revanche, face à la concurrence américaine sur le créneau embouteillé du post-punk en 2020, ils risquent de perdre des places dans les tops de fin d’année. Mais ce diable de Grian Chatten est l’étincelle qui rend ces irlandais plus que sympathiques. Et impossibles à détester.

Sonicdragao

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