Joy Division – Unknown Pleasures (Factory)

Publié par le 17 octobre 2012 dans Chroniques, Incontournables, Toutes les chroniques

unknown-pleasuresJ’ai un peu honte de le dire mais je me suis réellement mis à Joy Division il y a quelques années grâce à l’excellent film Control consacré à la vie de Ian Curtis. , Bien sûr, je connaissais ce groupe et certains singles mais je ne m’étais jamais vraiment penché sérieusement sur son sujet. Depuis je remercie chaque jour Anton Corbijn de m’avoir sorti de mon ignorance.

Joy division s’est formé en 1976 à Manchester, ville industrielle, sans aucun charme, dont le climat et la grisaille filerait le cafard à Bozo le clown… Pas étonnant dès lors que c’est en cette charmante bourgade qu’est né un des groupes les plus sombres de l’histoire de la musique.

Pourquoi ce nom Joy division alors, si le groupe ne respire pas vraiment la joie ? “Les divisions de la joie” désignaient pendant la guerre 39-45 le lieu dédié à la satisfaction sexuelle des soldats allemands dans les camps de concentration. Pas franchement fun.

Il faut dire que le leader charismatique de Joy division, Ian Curtis, était un garçon pour le moins tourmenté et le voir observer une sorte de fascination morbide pour la période la plus sombre de l’histoire mondiale n’est pas si surprenant… Le nom initial du groupe était d’ailleurs Warsaw, Varsovie en anglais, ville célèbre pour avoir hébergé le plus grand ghetto juif de la seconde guerre mondiale.

Mais revenons à nos moutons. Après avoir essayé plusieurs batteurs, c’est Stephen Morris qui finit par s’imposer au sein du groupe, composé également du guitariste Bernard Sumner, du bassiste Peter Hook et donc de Ian Curtis. Les quatre musiciens entrent en studio en avril 1979 pour enregistrer leur premier album, Unknown Pleasures. Un album qui fera date.

La pochette vous est sans doute familière. Réalisée par le graphiste Peter Saville, elle est inspirée du graphique des signaux enregistrés par le premier pulsar (étoile à neutrons). Une image choisie par Bernard Sumner et qui, d’après Saville, constitue « un magnifique symbole énigmatique ». À l’image du groupe donc.

L’album s’ouvre sur « Disorder », morceau incroyable doté d’une intro basse/batterie ahurissante. « I’ve been searching for a guide to come and take me by the hand » (« J’attendais un guide qui viendrait et me prendrait par la main »). Tels sont les premiers mots de Curtis. Des mots lourds de sens illustrant, déjà, son mal-être. Mais c’est bien lui qui nous prend par la main et nous emmène dans un univers inconnu jusqu’alors. Un univers ténébreux et fascinant à la fois. Et le piège se referme pour le bon dans la foulée avec le glacial « Day Of The Lords ». “Where will it end?” interroge Curtis.

Sa voix grave, monocorde, venue tout droit d’outre-tombe, est évidemment l’une des caractéristiques irremplaçables du son Joy Division et son chant empli de mélancolie fait des merveilles sur « New Dawn Fades », un titre sur lequel Robert Smith a dû faire bien des rêves pornographiques. Mais c’est bien la basse de Peter Hook, omniprésente, répétitive, entêtante, qui donne toujours le la, agrémentée du jeu minimaliste de Bernard Sumners, qui sort parfois un peu de ses gonds et y va même de son solo génial sur l’oppressante “Shadowplay”.

Et puis comment rester de marbre face à “She’s Lost Control”, titre proprement hallucinant et renversant. Batterie martiale, basse obsédante qui n’a jamais sonné si aigüe, et un Curtis qui semble pourchassé par ses démons. La reverb appuyée nous fait d’ailleurs entendre des voix d’esprits. Peut-être la voix de cette femme, rencontrée peu de temps auparavant par Curtis, morte d’une crise d’épilepsie. Le même mal qui rongeait le chanteur… C’est d’ailleurs pour elle qu’il a écrit ce morceau, comme pour exorciser ses démons et s’éviter un sort semblable à celui de la jeune femme.

L’apport de Martin Hannett est indéniable. Ingénieur du son génial, soucieux du moindre détail (notamment sur les sons de batterie et les effets divers), il a réussi à sublimer le son de Joy Division et à renforcer son univers si particulier.

Cet album intemporel, d’une noirceur absolue, est si intense, si puissant qu’il finit par nous happer irrésistiblement. On suffoque parfois, mais on en redemande, toujours. 

JL

 

Écoutez “Shadowplay”
Shadowplay by Joy Division on Grooveshark

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