Villette Sonique (Paris), du 24 au 26/05/15
On aurait aimé en voir plus mais Mudhoney jouait samedi soir à l’aéronef de Lille, ça nous fait une bonne excuse (on en reparle dans peu de temps). Pas de Thee Oh Sees et Kevin Morby donc, ni Battles et Clark mais on a malgré tout pu voir de belles choses…
Dimanche 24 mai
Clairement le concert vaut quasiment autant visuellement que musicalement (si ce n’est plus diront les mauvaises langues).
Côté musique, l’énergie est le maître mot, tout le monde est là pour faire la fête et ne surtout pas (trop) se prendre au sérieux. Tambourins, maracas, cuivres sont de sortie et une batterie électronique en sus de la classique des fois que ça manque un peu d’instruments sur scène.
Et nos oreilles dans tout ça ? Ça groove pas mal, entre rythm’n’blues, soul et garage, on ne peut pas dire qu’on s’emmerde. On ne peut pas dire non plus que les chansons nous transportent tant elles frôlent le génie mais l’énergie est là (ah j’ai déjà parlé de l’énergie ?).
King Kahn, entre deux cris hystériques dédicace ses morceaux aux “freaks” (transexuels), aux féministes… et ne se prive pas pour faire passer nombre de messages de tolérance. On ne peut pas reprocher au monsieur de ne pas se mouiller, chose qui semble devenue de plus en plus rare dans le monde de la musique, et c’est tout à son honneur (décidément ce concert ressemble de plus en plus à un concert de Zebda pensent les mauvaises langues).
En fin de concert, le King nous incite à nous accroupir devant son King à lui, Sun Ra, et de simuler en chœur un orgasme, avant que tout le monde ne se lève conjointement pour l’éjaculation (je ne sais plus trop ce que j’écris) alors que la musique explose elle aussi.
Sans doute excité par ces cris (encore que le public s’est montré bien plus timide que lui) King Khan s’offre un rappel et nous laisse apprécier la vue de son gros bidon sous une superbe cape et de son superbe slip genre Superman, mais jaune. Sur un blues lancinant final, le monsieur nous offre moult caresses. Coquin va.
française actuelle livre une musique à la fois percutante mais aussi, surtout, bien foutue, originale et assez brute. Peut-être juste un peu trop sage par moments mais il s’agissait là de la deuxième date seulement du groupe, donc pas étonnant qu’ils ne lâchent pas encore totalement les chevaux.
N’en jetez plus, Marietta fut LA révélation de la journée (pour ne pas dire du festival mais nous avons loupé les deux premiers jours donc on ne triche pas).
Girl Band aura été tout l’inverse, un groupe au post punk dénué d’originalité, vite oublié. Quelques intros indus encourageantes se retrouveront vite plombées par la voix énervante et sans personnalité du chanteur. Next.
Niveau relevé assez nettement par Ought avec une prestation frénétique ressuscitant Television ou le Gang Of Four (qui n’est pas vraiment mort, certes) avec à la clé quelques assauts tubesques de fort bon goût (“More Than Any Other Day” notamment où la voix de Tim Beeler semble assumer un lien de parenté avec David Byrne himself). Le groupe maitrise son sujet et délivre un post punk prenant bénéficiant d’une session rythmique sûre de sa force.
Voilà donc une première journée rondement menée, sous le soleil, avec un programme varié et (sous vos applaudissements nourris), entièrement gratuite.
Lundi 25 mai
Si on avait su on ne se serait pas pressé pour arriver en avance et on aurait ainsi évité deux groupes assez inintéressants (et encore je vous livre la version soft).
Ces jeunes gens ont sans doute beaucoup apprécié les idoles des jeunes des 60s et découvert de grandes sensations sous influence psychotropes. Malheureusement les compositions présentées ici n’offrent pas l’extase supposé et on a vite fait de trouver le temps long. On saluera tout de même la performance du batteur bien dans son truc, doté d’une bonne frappe et d’un groove aisément décelable. On n’ira pas jusqu’à lui conseiller de changer de groupe mais on le pense quand même un peu.
Ça tente des envolées psychés mais qui ne prennent pas, ça tente de plaquer du riff ultime (connoté Zeppelin/Sabbath) mais ça ne prend pas. On n’ira pas jusqu’à leur conseiller d’arrêter la musique mais on le pense quand même un peu.
Et je ne peux m’empêcher d’avoir à l’esprit une citation célèbre de l’ami BCG (qui sévit régulièrement en ces pages) : un groupe avec un nom de merde fait probablement de la musique de merde. A méditer.
Malheureusement cette journée restera un triste souvenir pour Christian Bland, le guitariste. En effet à sa descente d’avion il s’est rendu compte que sa Rickenbacker, fidèle accompagnatrice depuis 13 ans n’avait pas supporté le voyage. C’est donc avec une guitare de rechange, prêtée par une âme charitable qu’il a fait le concert.
Une guitare qui n’avait sans doute pas le même son, un son d’ailleurs bien trop en retrait par rapport à la basse. Et voilà comment on vous gâche un concert qui avait tout pour être énorme. Il y eut quelques beaux moments tout de même heureusement, à commencer par l’imparable “Prodigal Son”. Passover a d’ailleurs été dignement représenté (pas moins de six morceaux), bien plus qu’Indigo Meadow (morceau-titre et “Evil Things” seulement).
Un peu trop même pour deux hurluberlus qui n’ont rien trouvé de mieux à faire que de se foutre sur la tronche. En venir aux mains quand on écoute une musique aussi cool, il faut le faire. Nonobstant cet incident, l’ambiance était très bon enfant et l’atmosphère embrumée des morceaux n’aura pas empêché certains de slammer, sans doute en prolongement du show des Thee Oh Sees vendredi, forcément très agité.
Un peu plus tard, alors qu’on trippait devant les projections kaléidoscopiques fort à-propos sur “Molly Moves My Generation”, rebelote. Pshiuttt.
Plutôt beaux joueurs, les Black Angels qui auraient pu se tirer en tirant une tronche de dix mètres de long ont patienté et la batteuse a maintenu tout le monde sous tension en martelant ses fûts comme pour faire revenir le courant. Et devinez quoi ? Ça a marché. Involontairement le groupe nous a offert une chouette montée en mode unplugged/plugged avant de dérouler le reste du morceau et de plier les gaules sur quelques vers de “Paint It Black” de qui vous savez. Et il était bientôt l’heure de rejoindre nos cahutes.
Mardi 26 mai
Je ne connaissais rien de Grouper avant ce mardi. Et je n’ai pas eu la révélation de ma vie ce soir-là.
Il faut d’abord préciser que Grouper est l’œuvre d’une jeune demoiselle seule, laquelle dans un étrange dispositif, s’assit par terre en mode feu de camp mais avec des machines en lieu et place du feu. Visuellement il n’y a donc rien à voir à part un grand écran derrière elle qui projette des images dont on a compris la teneur au bout de 2 minutes. Musicalement c’est pareil, les morceaux tissent lentement des ambiances éthérées qui peuvent envoûter mais qui, à terme, tournoient un peu indéfiniment sur eux-mêmes pour ne pas aboutir sur grand chose. On comprend la démarche de l’artiste qui préfère s’effacer au profit des images projetées pour mieux nous imprégner de cette atmosphère particulière mais pour ma part ça aura plutôt eu l’effet inverse. Regarder quelqu’un assis qui triture des boutons de temps en temps et gratte trois cordes à l’occasion ne restera pas comme un souvenir impérissable.
Peu de temps après, voilà Sun Kil Moon qui débarque emmené par le très grand (dans tous les sens du terme) Mark Kozelek. Débute alors un moment magique.
Kozelek est accompagné de Neil Halstead à la guitare et au chant (oui, Mr Slowdive !), d’un bassiste et d’un batteur. Alors qu’on pouvait s’attendre à un concert très intimiste avec tout le monde assis et des versions dépouillés, nous avons eu tout l’inverse. Et ce fut incroyable.
Ça a commencé par “Mariette”, un délice pour les oreilles. Le son est absolument parfait, les musiciens aussi. Tout du long nous avons eu droit à une alternance entre de superbes ballades comme celle-ci et des morceaux plus énervés… comme “Richard Ramirez Died Today Of Natural Causes” complètement revisité par rapport à la version de l’album Benji. Une version ROCK qui dépote avec un Kozelek au charisme affolant qui de temps en temps hausse le temps alors que son “backing band” (qui vaut bien mieux que ce terme péjoratif) balance la purée. Ledit Kozelek chante parfois les mains dans les poches, ou s’active à la guitare, toujours avec une classe folle et cette voix qu’on bénit le ciel de lui avoir offert (et pourtant je ne suis pas croyant).
Il se montre également très bavard et très drôle, nous faisant le remake de Whiplash en cherchant qui est mal accordé et en jouant au psychopathe (ce qui ne lui va pas si mal au fond). “Heureusement que je n’ai pas mon couteau… !” Pour un psychopathe, le gars a un sacré don pour se rendre attachant et nous faire fondre avec une version fabuleuse de “He Always Felt Like Dancing” issu de son album avec Jimmy LaValle. Les morceaux sont habités, le lieu convient parfaitement, la sonorisation est impressionnante, on en est presque à essayer de déceler d’improbables moments moins réussis tant ce concert est grand. Ce ne sera certainement pas “I Watched The Film The Song Remains The Same”, son hommage à Led Zep, encore et toujours formidable de justesse. “Dogs” qui revient sur sa vie sentimentale mouvementée, fait à son tour parler la poudre et on se dit que chacun de ces morceaux pourraient finalement avoir 5 vies différentes sans qu’on ne trouve rien à redire.
Le groupe revient pour un dernier morceau et Kozelek nous promet que “ce sera magique” et que “ça va (nous) retourner le cerveau” (“blow your fucking minds“). Et je vous le donne en mille, il a tenu parole… Notre enchaînement de concert se sera donc achevé en apothéose avec cette prestation immense porté par un artiste totalement unique.
On commence à être habitué à ce que Villette Sonique lance l’été de la meilleure des manières, cette dixième édition n’aura pas dérogé à la règle. On a déjà hâte d’être à l’année prochaine !
JL
Photos de Ryad Jemaa
Eh oui. Pas de bras, pas de chocolat. Cerise sur le gâteau (elle est facile), la voix plus que pénible du chanteur, genre d imitation Polnareff sous proZac. Et dire que j ai raté thee oh sees…. quelque fois la vie est duré.