NLC & Wolf City – Turning Shadow Into Transcient Beauty

Publié par le 11 janvier 2025 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(Lotophagus, 22 décembre 2024)

Derrière ce projet dont on devine immédiatement l’ambition, une rencontre, une alliance, une osmose. Entre deux entités qui s’apprécient, se respectent énormément et tenaient à marquer les esprits. D’un côté, le duo ambient-néoclassique NLC (pour Nouvelles Lectures Cosmopolites), composé de Julien Ash et Aloïs L. qui, lorsqu’ils ne savent que faire de leurs journées, composent un album (sur le bandcamp du groupe, on en dénombre 24 avant celui-ci… pour la seule année 2024). De l’autre, Wolf City, loup solitaire parisien moins prolifique et plus porté sur le rock (indie, post mais aussi du plus velu, noise ou hard). Sur le papier, ce n’était pas l’évidence même. Sur disque, rien de plus probant.

Une guitare discourt nonchalamment, un narrateur déblatère au plus proche de ses auditeurs. On erre dans les rues new-yorkaises. On pense furtivement au Velvet puis on ne pense plus à rien. Lorsque piano et saxo s’invitent, l’ampleur grandit, l’intensité grimpe, l’auditeur s’agenouille et ouvre grand ses écoutilles. Il sera récompensé d’un refrain, chose rare par ici. « The Gardener » est déjà grand et vous n’êtes qu’au début du chemin. Mais quelque chose nous dit que ce n’est pas tout à fait le fruit du hasard s’il a été placé en éclaireur. Plus expérimentales et déroutantes, tour à tour contemplatives et noisy, les deux compositions qui suivent ne vous happeront peut-être pas si facilement mais elle s’en chargeront aussi, assurément. Sur « Gates of Heaven, Gates of Hell », le ton se durcit, Wolf City fulmine et se fait vindicatif. Mais n’allez pas croire que NLC est allé s’asseoir dans un coin pour observer en silence et contempler les dégâts. Les portes du paradis, c’est lui qui se charge de les ouvrir, les éléments ambients offrant un contraste saisissant avec les flammes de l’enfer attisées par son comparse. Quelques notes de piano et une flute se faufilent ainsi habilement parmi les cris, avant qu’un saxo ne se mêle à l’assaut final aux allures de carnage. À partir de là, on se dit que les dés sont jetés, que plus rien ne peut nous arriver. C’est sans compter sur la délicate « Tunnel Lights », avec cette fois violon et piano à la manoeuvre. Il y a comme un air menaçant qui s’en dégage et quelque chose de merveilleux qui tient du conte. Absolument sublime. Et puis, « Blink of an Eye » vient achever son petit monde 14 minutes durant où l’on nous balade avec cruauté, prenant aux tripes avec son piano qui foudroie, ses cordes pincées, cet archet accablant, cette basse presque dub qui gronde au loin d’abord puis s’affirme de plus en plus distinctement, et prépare l’assaut. La guitare, elle, ne demande qu’à exploser et nous met au supplice sans jamais vraiment s’exécuter. « Blink of an Eye » a tout du monument, le sait pertinemment et le clame fièrement. Avec une lourdeur Sabbathienne, (children of ?) « The Grave » clôt les débats avec gravité. Les ténèbres semblent l’avoir emporté mais la beauté a eu son mot à dire et la cohabitation a tenu toutes ses promesses.

Turning Shadow Into Transcient Beauty a, d’après ses géniteurs, nécessité 26 mois de travail et causé bien des émois et revirements. On veut bien les croire quand on se penche de près sur le résultat qui a tout d’une grande œuvre, faisant autant valser les étiquettes que les certitudes. Les leurs certainement, mais aussi celles de l’auditeur, du chroniqueur et de ses chapelles, ses groupes fétiches et même son bien-aimé top album. Lu, relu, raturé, rectifié, peaufiné, affiné et enfin certifié croyait-il avant que tout cela ne vole gentiment en éclat. C’est aussi pour ça qu’on fait ce métier qui n’en est pas un. Tomber de la chaise de temps à autre. Et attendre impatiemment la prochaine secousse.

Jonathan Lopez

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