Mudhoney – Digital Garbage
Mudhoney a sorti en janvier un disque live qui, bien que très plaisant et de bonne qualité, nous laissait un peu sur notre faim. Mais ce n’était pas sans la promesse d’un nouvel album cette année. L’album arrive en cette fin de mois de septembre et, ne tergiversons pas, il valait le coup d’attendre.
Mudhoney fait partie de ces groupes qui n’y vont pas par quatre chemins. Il suffit de quelques morceaux pour savoir exactement la musique qu’ils aiment et celle qu’ils veulent faire. Pour l’auditeur, c’est pareil, quelques écoutes suffisent pour savoir si on accroche ou non, et même s’ils ont des disques meilleurs que d’autres, je pense que vous ne perdez pas grand chose à les éviter si vous n’aimez pas ce que vous entendez. A contrario, si vous aimez, vous pouvez vous plonger sans crainte dans l’ensemble de leur discographie.
Malgré cela, il serait réducteur de considérer que le groupe fait toujours la même chose. Ils ont coloré leur son tour à tour de blues (Tomorrow Hit Today), de psychédélisme (Since We’ve Become Translucent), ajouté des cuivres (Since… et Under A Billion Suns), supprimé une guitare (The Lucky Ones) et Vanishing Point, le dernier en date, ressemblait fort à une tentative expérimentale tout en restant dans le domaine swamp-punk-fuzzy habituel.
Qu’en est-il de Digital Garbage, donc ? Et bien, encore une fois, c’est du Mudhoney pur jus ; si vous aimez Mudhoney, vous adorerez, sinon vos resterez froid (mais si vous n’aimez pas Mudhoney, je vous encourage tout de même à consulter). Malgré cela, on a l’impression que l’album est un retour aux sources ; non pas aux sources de leur discographie en tentant de refaire un Superfuzz Bigmuff bis, mais bien aux sources du groupe en pondant presque l’album punk qu’ils n’ont jamais fait. Je dis “presque”, car ce disque est également fort de leurs expériences passées, comme si les expérimentations de Vanishing Point, et l’ensemble de leur carrière, avaient bien été digérées. On fait difficilement meilleur album pour fêter les 30 ans d’un groupe.
Punk, cet album l’est également dans les textes. Mark Arm est plus critique que jamais, lui qui au début n’écrivait que des chansons avec les mots “sick” et “dog”, et son esprit vif fait des merveilles. Tout le monde en prend pour son grade, la génération youtube avec “Kill Yourself Live” (“Tue-toi en direct, fais-le pour les likes“), les complotistes avec “Paranoid Core”, les religieux sur “Messiah’s Lament” et “21st Century Pharisees”, le capitalisme avec “Prosperity Gospel” (“Baise la planète, nique tes enfants, deviens riche, c’est gagné“), la race humaine entière avec “Next Mass Extinction” (“Rien ne nous remplacera à la prochaine extinction de masse“) et je ne serais pas surpris que “Hey Neanderfuck” parle d’un type qui se prénomme Donald. Musicalement, Steve Turner et Guy Maddison, avec leurs riffs d’orfèvres, donnent l’écrin qu’il fallait à ses brûlots, mais savent aussi tisser des ambiances bien sombres sur “Night And Fog” et calmer le jeu quand nécessaire. Le tout, court comme il se doit, s’achève sur un “Oh Yeah” cool en diable. De quoi remplacer le “Fix Me” de Black Flag qui clôturait les setlists du groupe. Et j’ai personnellement hâte de voir ce que donnent “Please Mr. Gunman” ou “Paranoid Core” sur scène.
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