Lysistrata – VEIL

Publié par le 29 février 2024 dans Chroniques, Notre sélection, Toutes les chroniques

(Vicious Circle, 1er mars 2024)

J’ai eu du mal à y croire mais au moment d’entamer cette chronique, j’ai réalisé que cela fait bientôt cinq ans que l’on n’avait plus de nouvelles discographiques de Lysistrata ! Hormis via leur projet parallèle avec François Marry (aka François and the Atlas Mountain), sous le nom de Park, dont le disque est sorti… il y a (déjà) deux ans.

Presque une éternité pour un groupe qui enchaînait tournées et disques à un rythme aussi effréné que sa musique trépidante (deux disques et un EP entre 2017 et 2019). Un groupe Post-everything selon sa propre présentation sur Bandcamp. À l’annonce de ce nouvel album, intitulé VEIL, j’admets avoir éprouvé une grosse attente et une curiosité quant aux orientations de ce disque, après le virage plutôt indie opéré avec Park. 

J’ai une habitude avant l’écoute d’un nouvel album. Je regarde le nombre de pistes et leur durée. Inutile, me direz-vous la plupart du temps. C’est pourtant un premier indice du changement opéré par le trio de Saintes avec VEIL. C’est déjà leur disque le plus court (dix titres pour 36 minutes, un seul approche les 6 minutes)… Et il s’avère bien plus surprenant que ce à quoi l’on pouvait s’attendre. 

On trouve ainsi de la guitare acoustique pour accompagner la voix de Ben Amos Cooper sur l’inaugural « Tangled in the Leaves ». Ainsi que de multiples apparitions de claviers et effets synthétiques, une nouveauté, récurrente au fil du disque, culminant avec l’étonnant et final « Livin it up » qui, malgré ses deux minutes, confirme le goût avéré du trio pour l’expérimentation de nouveaux outils, déjà entrevu chez Park. Après avoir écumé les scènes européennes avec un post-hardcore à haute énergie lorgnant parfois vers le post-rock voire le math-rock, le trio, stoppé par le Covid, a rassemblé sur ce nouveau disque des enregistrements et idées qui ont germé entre le printemps 2020… et l’hiver 2023. D’où une profusion d’idées et de morceaux assez disparates pour un disque aussi court. À l’instar de ses collègues belges de label, It It Anita, le trio de Saintes, sans renier ses influences, semble pourtant avoir trouvé sa plénitude. Le chant de Ben Amos Cooper est bien plus assuré, la production n’hésite pas à le mettre en avant d’ailleurs, et le groupe est maintenant capable de chansons parfaites de trois minutes, parfois avec des refrains frondeurs du meilleur effet. Ne reniant rien de sa puissance, de l’urgence et de cette patte mélodique qui nous fait frétiller l’oreille. Le dernier single en date, « Feel the Shine », en porte-étendard. Qui ne manquera pas de vous rouler dessus sans préavis. À écouter très fort évidemment. La basse de Max Roy saute partout et la guitare de Théo Guéneau aligne toujours les arpèges mélodiques comme sur le (parfait) premier single « Horns ». Ou les riffs dissonants (« See Through »). Lors d’une (chouette) interview fin 2019, je me souviens encore les avoir entendus évoquer un certain quatuor (sonique) aujourd’hui disparu. Mais sur la quatrième piste, « Okay » évoquerait presque l’électro minimaliste d’un Notwist (!), avec cette basse ronde, cette pulsation synthétique et les entrelacs de guitares en arrière-plan. Une tension sourde s’empare ensuite de « Rise Up », et ce riff dissonant d’harmoniques semble annoncer un orage noisy. Pourtant prévenu, on finira balayé comme un vulgaire fétu de paille par un maelström de bruit blanc que n’auraient pas renié d’autres voisins (psychotiques) de Vicious Circle. Dantesque. Le tracklisting est parfait par son instabilité. Le groupe s’amuse constamment à souffler le chaud et le froid, la mélodie et le ponçage abrasif, parfois au sein du même morceau (« Acid to the Burn »). Bien aidé par une production au cordeau assurée par Ben Greenberg (déjà aux manettes chez METZ notamment). L’intro inquiète de clavier de « Trouble Don’t Last » débouche ainsi sur un couplet… avec une rythmique palm-mutée massive comme un troupeau de pachydermes. Parfait pour marteler le message, quitte à le triturer vocalement avec des effets. Tant qu’on a l’ivresse… et l’énergie.

Trouble don’t last
Trouble don’t last forever…
…You’d better believe in 
The things that you feel…
…Wipe your tears says the sky
Cause it’s a beautiful life

Les nombreuses écoutes ont confirmé la première (très) bonne impression. Et si « Artifice », et ses presque six minutes, nous rappelle les digressions soniques dont le trio fut capable sur ses disques précédents, force est de constater que ce VEIL souffle un vent de changement aussi inattendu que bienvenu. On aurait bien pris deux ou trois morceaux de plus. Mais on est gourmand aussi. Sur ma liste de concerts printaniers à venir, il y avait déjà It It Anita, une date de Lysistrata vient de tomber. Nice. Je vais prendre quelques vitamines quand même. Sur le nouveau visage de Lysistrata, un voile vient de se lever. Préparez-vous pour la tempête. Feel the Shine.

Sonicdragao

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