The Beatles – The Beatles

Publié par le 6 décembre 2018 dans Chroniques, Incontournables, Notre sélection, Toutes les chroniques

(Apple, 22 novembre 1968)

Noël approche à grands pas et avec lui sa cohorte de rééditions, compilations, nouveaux packaging en tous genres pour nous faire cracher une fois de plus au bassinet.

Et dans ce grand déballage mercantile, une perle, un pur chef d’œuvre des sixties élaboré par LE PLUS GRAND GROUPE POP de l’histoire de la musique contemporaine. Pas besoin de le citer, vous l’avez deviné il s’agit bien entendu des Beatles et la réédition qui fracasse tout est celle de The Beatles ou White Album ou Double Blanc chez nous les Frenchies.

Pour ses 50 ans, le disque s’est offert un toilettage de première classe. Mené par Giles Martin, fils du producteur historique des Beatles, Georges Martin, décédé il y a quelques années. Et en cette période propice aux cadeaux, la nouvelle livraison de ce très fameux album blanc est quasi simultanée avec le concert donné par Sir Paul McCartney à Paris, dans le cadre de la tournée « Freshen Up », rafraichissante et nostalgique prestation d’un jeune homme de 76 ans entouré de fines lames. Mais j’y reviendrai plus tard. Concentrons-nous plutôt sur The Beatles.

Ce disque donc, que contient-il ? Vous le trouverez dans de multiples versions incluant DVD, inédits, chutes de studio, version acoustiques, indispensables ou superfétatoires, c’est selon et votre point de vue sur les bonus est bien entendu subjectif et très personnel. Mais THE record itself, ce génial fourre-tout dans lequel on retrouve des chansons écrites par Lennon/Macca bien sûr, mais aussi quelques merveilles de Georges Harrison (“While My Guitar Gently Weeps”), et l’unique (et pas inoubliable) composition de Ringo « Don’t Pass Me By », il est comment vous demandez-vous.

Et bien loin d’être une vulgaire compilation des chansons de chacun, comme cela est colporté depuis un demi-siècle, il s’agit d’un feu d’artifice, dont certaines fusées sont sidérantes de modernité. Le travail au niveau du son qui a été fait ici contribue à sa modernité farouche. Les guitares fusent, la basse claque, les cymbales frissonnent et nous avec. Et les voix ! Chant soit apaisé, murmuré ou rugissement de fauve, renforcé par les chœurs des trois autres. C’est juste hallucinant. On ne l’a peut-être pas assez dit, alors je l’écris ! Aujourd’hui les Beatles font partie du patrimoine de l’humanité et ont écrit un paquet de chansons gigantesques.

On y va. Décryptage d’un patchwork de trente titres écrits durant leur séjour en Inde.
Début de la fête avec l’atterrissage d’un Boeing (à l’époque Airbus n’existe pas encore…). Moteurs hurlants relayés par la batterie épileptique de Ringo, les guitares en fête et le piano bastringue martelé par Paul. Vous avez reconnu « Back In The USSR », mélodie démente, chant et harmonies vocales à tomber. 2’44 de bonheur, et l’avion se pose pour laisser John déclamer « Dear Prudence », d’une beauté renversante. C’est certain à l’époque tout cela paraissait presque normal pour eux et pour tous leurs fans. Tout ce qu’ils touchaient se transformait en or. Mais ce qui frappe encore aujourd’hui à l’écoute de ce disque, c’est la modernité des chansons et leur intemporalité. Suit l’excellent et cynique « Glass Onion » sur lequel un Lennon très agressif revient sur quelques histoires qu’il a contées, citant pêle-mêle « Lady Madonna », « I Am The Walrus », « Strawberry Fields Forever », « Fool On The Hill » qu’il faudrait peut-être revoir à travers un oignon de verre. A méditer.

Vue l’ampleur du disque, je le répète, double album (pas fréquent à l’époque), 30 chansons, tout n’est pas du même niveau, et si vous êtes d’accord, ne nous attardons pas sur les plus mineures. Merci. Donc après ce début en fanfare, s’enchainent quelques titres plus banals, même si la potache « Ob-La-Di Ob-La-Da » fait toujours son petit effet sur scène (isn’t it Paul?), on ne peut pas dire qu’on tutoie les sommets avec « Wild Honey Pie » et « The Continuing Story Of Bungalow Bill ». Agréables, sans plus.

Alors que pouvaient-ils balancer pour relancer la machine ? Certainement la plus belle chanson de Harrison « While My Guitar Gently Weeps ». Et les sanglots de la guitare d’Harrison continuent de résonner 50 ans après. Un titre renversant interprété par un groupe gigantesque. On ne le dira jamais assez, alors je l’écris (ça fait deux fois !), mais les Beatles étaient un vrai groupe, pas l’assemblage de quatre talents hors pair. Même si les compositions étaient le fait d’individus, leur interprétation sur disque (puisqu’ils ont abandonné la scène dès 1965) étaient celle d’un groupe uni, scellé par l’amour de la musique. C’est certainement ce qu’ils regretteront le plus après leur séparation.

Après cette bombe, une nouvelle salve de grandes chansons débute avec ce très grand morceau de Lennon, « Happiness Is A Warm Gun » que j’adore personnellement, repris magnifiquement par les Breeders sur Pod, et de nouveau sur la scène du Trianon il y a deux semaines. Chanson au rythme lent, lancinant, très « junky style », guitare geignarde, chant plaintif « I need a fix cause I’m going down » dans sa première partie avant de décoller vers des bang bang shoot shoot « when i hold you in my arms, with my finger on the trigger… ». Bonheur transformé en arme de destruction massive.

Puis revient le tour de Paul avec « Martha My Dear », chanson à tiroirs et chausse-trappes, piano, cordes, cuivres à la délicatesse surannée. Loin du Rock mais avec toujours la capacité à nous embarquer quel que soit le style approché. Tant de perfection laisse parfois sans voix. Comme ce « Blackbird » interprété seul par Paul à la guitare acoustique. Ce morceau d’une beauté tellement simple qu’elle est sidérante est toujours un très grand moment des concerts de McCartney. Constat fait encore le 28 novembre dernier. « We Are (still) Only Waiting For This Moment To Arise ».

Passons rapidement sur quelques titres en deçà du reste pour écouter « I Will ». Très belle ballade acoustique, d’une simplicité confondante, aux guitares cristallines et aux percussions volontairement discrètes. Et enfin « Julia » qui clôt le premier disque. Témoignage d’amour éperdu de John à sa mère. Chanson juste sublime dans une version très épurée, uniquement voix et guitare acoustique. « When I cannot sing my heart, I can only speak my mind ». Julia. Fin du premier acte.

Acte II. Top ! C’est notre anniversaire. “You Say Its Your Birthday And I Would Like You To Dance” hurle Paul. Grosse énergie sur ce morceau très festif. Let’s Rock’n’Roll.

Ralentissement de la machine sur “Yer Blues” de John Lennon. Morceau traversé de guitares sales, presque saturées, et habité par la voix hallucinée de John. Le titre est enregistré quasiment live et ça s’entend, jam qu’ils auraient pu étirer beaucoup plus, car l’enregistrement est stoppé net, alors qu’ils continuent de jouer.

On croirait que ce second disque est un « best of » tellement il regorge de pépites. « Everybody’s Got Something To Hide Except Me And My Monkey » rock compulsif, « Sexy Sadie » ballade d’une sensualité bouleversante, avec un Lennon au chant envoûtant. Enfin arrive certainement LE titre du disque. Précurseur. Fondateur. Métal en fusion. McCartney hurle comme si sa vie en dépendait, vomit ses tripes dans un délire de guitares plombé par une basse agressive. L’air est saturé de larsens, de violence. Ringo fracasse ses cymbales pour finir et hurle « I got Blisters on my Fingers ». En gros, j’ai des ampoules plein les doigts. En 1968 personne n’avait encore enregistré un tel brûlot, et le gentil Paul qui a composé la plupart des ballades/chefs d’œuvre du Groupe cassait son image avec cette tuerie. Beaucoup d’histoires, voire de légendes autour de l’enregistrement de cette chanson. Pas loin de 18 versions gravées, dont une de près d’une demi-heure qui devait être tout simplement hallucinante ! Après « Helter Skelter » le monde a changé, les Beatles aussi, et on allait bientôt tourner la page.

Encore une merveille de ballade avec « Long Long Long » chantée par Georges qui pouvait enfin glisser quelques-unes de ses compositions sur les disques du Groupe. Il sera le grand frustré des Beatles. Musicien génial, compositeur inspiré, capable de fulgurances, il aura traversé l’ère Beatles sans pouvoir apporter tout ce qu’il souhaitait. Juste après la séparation du groupe, il sortira d’ailleurs un triple album All Thing Must Pass. Tout était dit.

Suit le very groovy et bluesy « Revolution 1 » qui prenait le contrepied de la révolution en cours dans le monde. N’oubliez pas 68 ! Lennon dit carrément « When you talk about destruction, Don’t you know you can count me out »… révolutionnaire pacifique. Just Music.
Une petite dose de jazz thirties avec “Honey Pie” pour élargir la palette de styles couverte sur l’album avant une nouvelle contribution de Georges Harrison avec « Savoy Truffle », petite gourmandise Rythm and Blues gorgée de sucre et de cuivres.

“Revolution 9” est un collage sonore, concocté par John et Yoko, Harrison a un peu trempé dans l’histoire. Délire qui fleure bon les drogues hallucinogènes que beaucoup de gens consommaient allègrement à l’époque. Franchement, aujourd’hui difficile d’écouter les 8 minutes d’affilée sans prendre peur. Cris, pleurs, rires, voix répétées à l’infini, bandes passées à l’envers, messages codés (certainement). En un mot flippant. Comme ils ne se refusaient rien, ils ont assumé ce délire. Evidemment pas ce qu’interprète encore McCartney sur scène. Heureusement…

“Good Night” referme ce voyage. Chanson pour sa mère à la fin du premier disque. Chanson pour Julian son fils (“Hey Jude”) à la fin du second. Ringo se colle au chant. Sa voix grave étant plus pertinente avait jugé Lennon. Good Night Everybody. Mais vous pouvez tout recommencer à zéro, reprendre l’avion et retourner chez les Soviets.

En attendant, Paul est bien vivant ! Constat fait ce mercredi 28 novembre à l’Arena de Nanterre. Entouré d’un gang solide, il déroule une setlist qui conquiert sans difficulté les 40 000 spectateurs présents ce soir-là. Quelques titres tirés du Blanc d’ailleurs : “Back In The USSR”, “Birthday”, “Blackbird”, et la bombe “Helter Skelter”. Nombreux morceaux des Beatles et des Wings qui emportent la palme de l’émotion. Mister Macca est un homme facétieux, drôle, super classe et quel musicien ! Même si la voix est désormais un peu moins solide, le batteur (rude gaillard qu’on croirait sorti de Pirates des Caraibes) le supplée parfaitement, puisqu’il double en lead vocals quasiment tout le show.

McCartney alterne les morceaux seul au piano, ou à la guitare acoustique (“Blackbird”), voire au ukulele pour la très belle intro de “Something”. Il empoigne aussi évidemment le plus souvent basse ou guitare électrique avec le même talent.

Délire pyrotechnique sur « Live and Let Die », chant et lumières sur « Let It Be ». Et communion avec la foule sur « Hey Jude ». Retour sur scène pour un rappel de 5 titres, dont une version très très heavy de « Helter Skelter ». On peut avoir 76 ans et continuer à aimer faire beaucoup de bruit avec ses potes ! Longue vie Mister Paul et merci pour votre contribution au patrimoine mondial de la musique ! Pensées émues pour John et Georges sans qui rien n’aurait été possible évidemment….

PS : pour la réédition si vous claquez quelques euros, prenez au moins la version qui contient les Esher Demos, versions acoustiques de l’ensemble du disque. De très jolis instants saisis live, sans rien autour. Parfait pour écouter ce que font les grands musicos en toute simplicité.

El Padre

LIRE LA CHRONIQUE DE SGT. PEPPER’S LONELY HEARTS CLUB BAND

1 commentaire

  1. we’re only in it for the money ?????

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