Interview – Dilly Dally

Publié par le 21 juillet 2016 dans Interviews, Notre sélection, Toutes les interviews

Deux femmes, deux mecs, tous canadiens. Un premier album qui rentre bien dans le chou et dans les têtes. Ils nous plaisent bien les Dilly Dally. Début juin, ils étaient parmi les premiers à ouvrir le festival This Is Not A Love Song. Peu de temps avant, on les a rencontrés durant un petit quart d’heure. Le temps d’une interview totalement immature.

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Vous avez jeté un œil à la programmation du festival ? Il y a d’excellents groupes !

Katie Monks (guitare, chant) : oui, on adore la programmation de ce festival. Vraiment à part.

Liz Ball (guitare) : oui et on connait quelques personnes.

 

Comme les mecs de METZ ?

Liz : oui METZ et Weaves sont de Toronto. Ce sont des amis.

 

Vous allez avoir le temps de profiter du festival ou ce sera juste « vous jouez, vous rentrez » ?

Katie : Oui on va pouvoir profiter de tout le festival et c’est vraiment bien et spécial parce que généralement quand tu joues dans un festival, c’est super rapide, t’y vas, tu fais un peu de presse, tu joues et tu repars. Parce que t’es en tournée ou je ne sais quoi… Là c’est vraiment particulier, on va pouvoir passer les prochains jours ici, sauf Ben qui doit aller à un mariage, ou qui est excité d’aller à un mariage…

 

Alors Ben t’es content d’y aller ?

Ben Reinhartz (batterie) (l’air blasé) : ouais mec, le mariage ! (pouces en l’air)

 

Pas tant que ça (rires) !

Ben : ouais tu sais ce que c’est. Je suis content pour tout ceux qui sont concernés. Mes amis et mon groupe vont voir de supers groupes, mon pote va épouser l’amour de sa vie. Tout le monde est content !

 

Ouais !

Ben : sauf moi, je ne serai jamais heureux.

(Les autres se marrent)

Katie : il pleure…

 

Ne pleure pas tout de suite, après le concert !

Ben : oui je pleurerai après le concert (rires).

 

Garde des forces !

Katie (pleurnichant et imitant Ben) : pourquoi ça m’arrive à moi ?

 

Katie et Liz, vous vous connaissez depuis que vous avez 14 ans. J’imagine que vous avez toutes les deux beaucoup changé depuis, même vos goûts musicaux ont dû bien évoluer…

Liz : j’espère !

 

Comment c’est de se connaître depuis si longtemps et d’être toujours ensemble aujourd’hui ?

Liz : c’est comme la famille !

Katie : oh, maintenant c’est moi qui vais pleurer…

 

Quand je vois vos posts sur Instagram (d’ailleurs vous avez plein de chats fans de votre groupe !)…

Katie : ouiiii, plein de chats fans.

 

… ou le clip de « Snakehead » par exemple, j’ai l’impression que vous tâchez de ne pas trop vous prendre au sérieux, de conserver un esprit drôle et insouciant, non ? Comme si vous aviez toujours 14 ans finalement !

Katie : oui, bien sûr. Surtout que ce morceau est sur le fait d’avoir ses règles, j’essaie de rendre le truc aussi détaché que possible, de « normaliser » un peu le sujet. C’est très décontracté, les gens n’en parlent pas assez alors c’est bien d’en parler de façon marrante. Je ne sais pas quoi rajouter à ce sujet mais… On n’a pas de façade derrière laquelle on s’abrite, on n’essaie pas de passer pour des gens hyper sérieux même si notre musique peut être vraiment profonde et belle parfois… et flippante…

 

… Et rageuse.

Katie : … Et rageuse, et sexy, et douce. Toutes ces choses, toutes ces émotions, que quatre personnes peuvent partager…

 

Le genre d’émotions finalement assez primaires que l’on peut éprouver… à 14 ans.

Katie : oui c’est sûr, il y a ce côté névrosé parfois mais je ne crois pas que ce soit forcément immature ou jeune de s’amuser et d’exprimer tes émotions, que tu sois frustré ou énervé. Ce ne sont que des choses humaines naturelles. Quand tu grandis, les gens pensent que tu dois t’adapter aux autres. Je ne comprends pas ce raisonnement. Je suis simplement une éternelle gosse. C’est peut-être mieux d’être une gosse en cette période bizarre, pour éviter les ennuis…

 

J’ai lu que toi et Liz étiez de grandes fans des Strokes… Je ne sais pas si c’est le cas de l’ensemble du groupe mais en tout cas quand je vous écoute je pense plutôt à de la power pop et des trucs grunge comme les Pixies, Nirvana, Hole… Mais vous étiez trop jeunes pour grandir en écoutant la musique des années 90 !

Katie : oui je n’ai pas grandi en écoutant ça. Enfin, je me rappelle que Nirvana a sorti un single en 2001 je crois [sûrement « You Know You’re Right », ndlr], donc bien après la mort de Kurt, je me rappelle de cette compilation de Nirvana et j’ai un livre sur Kurt Cobain car je le trouvais vraiment fascinant mais non effectivement ce n’est pas vraiment mon époque. Je suppose que c’est notre son de guitare notamment qui est inspiré de cette période, qui passe par ce filtre nostalgique. Parce qu’on aime beaucoup ce type de sonorités, j’ai beaucoup d’affection pour les vieux albums de Pixies ou Sonic Youth. Mais effectivement moi et Liz nous sommes devenues amies parce qu’on est allées à un concert des Strokes mais c’était il y a 10 ans, donc on a écouté beauuuuucoup d’autre musique entre temps.

 

“Il y a ce sentiment d’urgence dans l’écriture. Quand tu écris un morceau c’est genre « baaam », ça te vient et il faut sauter sur ce moment pour l’écrire. Où que tu sois, il te faut juste trouver la guitare la plus proche”

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Et dans ton chant tu as pu être influencée par quelqu’un comme Frank Black ?

Katie : (me coupe) non.

 

Sur des morceaux comme « Snake Head » ou « Purple Rage » je trouve qu’il y a de vraies similitudes dans l’intensité, ce mélange de rage et de vibes pop. Non, ce n’est pas le genre de chanteurs qui a pu t’influencer ?

Katie : nooon. Je trouve que son chant sonne beaucoup plus « à l’américaine » (rires). Je ne crois pas lui avoir emprunté son style de chant, sûrement pas intentionnellement en tout cas. C’est très dur pour moi de savoir avec précision d’où mon chant peut provenir, qui a pu l’influencer. J’ai grandi en écoutant beaucoup de musique différentes, beaucoup de rap… Je ne sais pas, c’est compliqué [Liz se marre et parle d’autre chose avec Ben, Katie l’interrompt « quoi ? », « rien, pardon ». Des vraies gamines on vous dit !] Je passe beaucoup de temps à simplement essayer de faire bien sonner mon chant et exprimer ce qu’il y a au fond de moi. Donc je ne pense vraiment pas sonner comme qui que ce soit d’autre, pour être honnête. Réponse d’insolente, désolé !

 

(Rires) Non c’est très bien. Bon je vais essayer de m’adresser un peu à vous tous, cette fois. Le groupe s’est formé en 2009 et vous n’avez sorti Sore que l’an passé. Qu’avez-vous fait pendant tout ce temps ? Car vos morceaux sonnent « urgents », vous avez vraiment mis très longtemps à les enregistrer ?

Katie : non. On a enregistré l’album en 11 jours. Les chansons ont été écrites assez rapidement, mais les textes sont généralement écrits quand quelque chose se produit dans ma vie, que j’ai le sentiment d’avoir une révélation ou j’essaie d’exprimer un sentiment merdique que j’éprouve, ou que mes amis éprouvent. Oui, il y a ce sentiment d’urgence dans l’écriture, bien sûr. Quand tu écris un morceau c’est genre « baaam », ça te vient et il faut sauter sur ce moment pour l’écrire. Où que tu sois, il te faut juste trouver la guitare la plus proche, c’est ça qui est super avec l’écriture musicale. Il y a des guitares partout, il faut juste en attraper une, ensuite tu vas aux toilettes, tu t’enfermes et tu fais ton truc. Oula c’est vraiment dégueulasse ce que je raconte (rires).

 

Donc durant vos premières années, vous répétiez principalement ? Vous ne pensiez pas être suffisamment prêts pour enregistrer des morceaux ?

Katie : on a enregistré un album en 20…13. 2013 ou 2012.

Liz : 2012.

Katie : mais il n’est jamais sorti. « Candy Mountain » était dessus. C’est le single que nous avons sorti chez FatPossum, et « Green » était dessus aussi et quelques autres chansons que nous avons ré-enregistrées avec Ben et Tony… Certaines ont été ensuite gardées sur Sore.

Clairement, ça nous a pris du temps de montrer aux gens notre vision, d’exécuter tout ça, avec l’artwork…

 

Alors, le premier on aura une chance de pouvoir l’écouter un jour ?

Katie : non, top secret !

 

Même sur scène, vous n’en jouez pas ?

Ben : si, on en joue quelques-unes.

Liz : certains singles que nous avons enregistrés durant cette session sont sur internet et on les joue.

 

Ah oui, car j’ai un ami qui vous a vus jouer à Paris hier, et il m’a dit que vous aviez joué certains morceaux qu’il ne connaissait pas. C’était du nouveau ou uniquement ces anciens morceaux ?

Ben : des anciens.

Liz : mais vous pouvez les trouver sur internet, « Alexander », « Candy Mountain »…

 

OK, on les trouvera ! A propos de votre pochette, il y a une interprétation à en faire ? Si je devais mettre des mots sur ce visuel je dirais quelque chose comme « ne les laisse pas te mettre des diamants dans la bouche ou tu finiras pas saigner »…

(Ils éclatent de rire) Ben : c’est cool !

Liz : coool.

 

J’ai raison ? Ça peut être un avertissement pour vous à l’avenir ? Ou alors je suis juste un peu taré…

Katie : non c’est super.

 

Mais il n’y a donc pas de signification derrière cette image.

Katie : tu sais, l’art, il y a plein de manières de l’interpréter. Cet album, tout ce projet… Il y a de la simplicité, et autre chose derrière. C’est vraiment dur de rendre l’art simple et attirant. Mais il y a toujours plusieurs couches, plusieurs interprétations possibles. Je ne peux l’exprimer pour cette pochette, j’espère qu’elle a une signification différente pour chaque personne, ce n’est pas tout noir ou tout blanc. Il y a énormément d’expressions sur cet album, au niveau des textes, de l’énergie, de la musique. Et particulièrement aussi pour cette pochette. Mais elle est venue d’une vision que j’ai eue quand j’étais à moitié endormie, après avoir eu une relation sexuelle avec quelqu’un avec qui ma relation était en train de battre de l’aile. Alors tu vois…

 

“C’est vraiment excitant que les gens me voient et se disent « qu’est-ce que c’est que cette fille qui fait ce qu’elle veut ? ». C’est très amusant de jouer ce rôle.”

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Ah oui en effet. Tu as beaucoup regardé ou écouté le mouvement des riot grrrls ?

Katie : Non.

 

Tu n’as jamais eu besoin d’exemples auxquels t’identifier pour te dire « je peux chanter dans un groupe de rock » ?

Katie : non. J’ai eu la chance de grandir dans une famille et d’avoir des amis comme Liz et d’autres amis du lycée qui ensuite se sont retrouvés dans une scène à Toronto, avec Ben et Tony et plein d’autres amis, tous d’un grand soutien et pas du tout sexistes. Tous me félicitaient d’être simplement moi-même tout le temps, de m’exprimer quelles que soient les modes dans lesquelles j’étais. J’ai toujours été privilégiée et chanceuse de grandir dans cet environnement.

 

Oui ça s’est fait totalement naturellement.

Katie : oui (rires). C’est pour ça que je suis toujours une enfant !

Liz : natureeeeelle.

 

Et en tant que groupe avec une femme chanteuse, vous ne ressentez pas de responsabilité à ce propos ? Ou est-ce qu’au contraire c’est chiant en 2016 de toujours avoir à exprimer un message féministe ?

Katie : je ne dirais pas que c’est chiant. Je pense que ça se produit naturellement parce qu’il y a si peu de points de références pour cela. Ça n’a pas été fait un million de fois.

 

Tu es toujours comparée à Courtney Love…

Katie : exactement. Alors que je n’écoute pas du tout Courtney Love… Mais il n’y a simplement pas beaucoup de femmes qui vont au-delà de ce qu’on attend d’elles, c’est si simple pour moi de me balader sur scène, être moi-même et c’est vraiment excitant de pouvoir le faire. Et d’avoir ce supplément d’excitation pour les gens, les femmes, les mecs, qu’ils se disent « qu’est-ce que c’est que cette fille qui fait ce qu’elle veut ? ». C’est très amusant de jouer ce rôle. Culturellement, j’imagine qu’il faut que ça se produise, qu’il y a l’espace disponible actuellement pour ça. Dans l’industrie de la musique, le monde, partout, il y a cet espace qui attend que quelqu’un se promène sur scène, et c’est très amusant d’être cette personne. Comme beaucoup d’autres femmes qui le font aussi actuellement. Je ne veux pas en nommer, ça ferait comme si on fait toutes partie d’un club…

 

Pour conclure, j’ai lu un truc bizarre à propos de votre prochain album. Vous avez dit que ce serait un mix entre Nine Inch Nails et Sinead O’Connor.

(Katie se marre) Ouais !

 

C’étaient des grosses conneries hein ?!

Katie : non c’est pas des grosses conneries, c’est très probable.

 

(Super convaincu) Ah ouais ? Est-ce qu’on est prêts pour ça ?

Liz et Katie : êtes-vous prêts pour ça ? (rires) [Ça sonne mieux en anglais, “are you ready for it ?“]

Ben : est-ce que Trent Reznor est prêt ? Tu le connais ?

 

Non, j’aimerais bien.

Ben : il faut que je l’appelle pour lui demander. Voir s’il est prêt.

 

C’est un peu trop tôt pour parler de cet album ? Que ce soit du Nine Inch Nails ou juste un autre album de Dilly Dally…

Liz : il mûrit dans nos esprits mais nous n’avons pas encore de morceaux.

Katie : on était sur la route.

 

Oui vous avez une longue tournée.

Liz : on va écrire cet été.

Katie : on fait de notre mieux, on essaie. (rires) On est trop occupés avec les réseaux sociaux.

 

N’attendez pas 7 ans avant le prochain s’il vous plait !

Katie : non, non. 2017. Quelle heure il est ? Je crois qu’il faut que j’y aille.

 

Oui, vous devez y aller ! 18 minutes, on est trop en retard !

Katie : ça te dérange si je pars en courant ?

 

Non, non, vaz-y, cours !

Merci beaucoup, salut !

 

Interview réalisée par JL, photo TINALS.

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