Ventura – Ad Matres

Publié par le 29 août 2019 dans Chroniques, Incontournables, Notre sélection, Toutes les chroniques

(Vitesse, 30 août 2019)

Il sort le 30 août, il est attendu depuis de longues années et pourtant vous n’en avez probablement rien à carrer. Grave erreur !
Tout nouveau disque de Ventura se doit d’être accueilli en fanfare. Parce qu’il ne cessera de tourner jusqu’au prochain, qu’il débarque dans 5, 10 ou 20 ans.

L’attente sera moins longue, espérons-le, que les six ans qui viennent de s’écouler. Et la gestation moins douloureuse puisque si Ad Matres confirme, après Ultima Necat, le penchant du groupe pour les langues mortes, il salue avant tout la mémoire de la mère disparue d’un des membres. Ajoutez à cela le départ du batteur et vous obtenez un contexte extrêmement pesant qui se ressent assez nettement. Il est donc ici question de deuil, forcément. De nouveau départ aussi, évidemment.
Ne cherchez pas de successeur à “24 Thousand People” ou “Nothing Else Mattered” qui vous clouaient au sol en deux ou trois minutes. Ne guettez pas en vain l’immédiateté, prenez le temps de vous immerger, encaissez les coups puis relevez-vous, comme ils ont su le faire. 

L’introduction se déroule dans le calme, un apaisement en guise de leurre, un recueillement en forme de pleurs dans cet “Acetone” qui n’a de Mudhoney que le nom et prend plutôt une allure slowcore à la quiétude toute relative.
Puis, Philippe et son chant qui transpire l’intranquillité, entre en scène accueilli par un riff tournoyant redoutable. Pour évoquer le vide, le mal-être (“I am void, self-centered and paranoid“). Premier coup de massue.
Déboule ensuite un petit chef-d’œuvre dans la plus pure tradition Venturesque. Arpèges vicelards, tension sous-jacente… et le refrain libérateur qui vient tout balayer. Le tout s’achève inévitablement dans un fatras incommensurable. Ça s’appelle “Faith & Hope & Charity” et c’est merveilleux. Vous écoutez Ventura. Que peut-il bien vous arriver de mieux ? On est d’accord. 

“Johnny Is Sick” se morfond ensuite dans une langueur anesthésiante avant la déflagration soudaine. Il parait que le batteur est nouveau ? Il semblerait que ces trois-là se connaissent déjà par cœur, pourtant. On ne va pas vous faire tous les titres, vous avez une idée du tableau…
N’oublions surtout pas la shoegaze “The Dots Better” à la mélancolie terrible, capable de vous plomber le jour de la naissance de votre enfant. Ne dédaignons jamais “To Stand No Has One” et son intro sublime avec un Philippe qui se demande bien “Where’s everyone running?” et ce pont d’une classe indécente. 
Des sommets de noirceur sont atteints sur “To Suffer”. Le clou s’enfonce un peu plus chaque fois que ces mots sont répétés (un nombre incalculable de fois, évidemment) mais la beauté finit toujours par émerger des décombres, s’extirper de la violence. C’est triste et ravissant à la fois, cette musique te chope les tripes et fait joujou avec, te trimballe dans tous les sens, te fait passer pour la pire des loques avant de te redonner le sourire, t’enterre puis vient te secourir quand l’espoir est infime. Comme ce “Pionner” qui suit dont l’entrainant duo basse-batterie se voudrait rassurant… Avant que “Nothing’s Gonna Change My Love For You (I’m Afraid)” ne vous replonge une fois pour toutes la tête au fond du seau..

Les épreuves de la vie laissent des traces indélébiles, celles d’un groupe ne s’effacent pas du jour au lendemain, celles d’un disque comme celui-ci marquent durablement. Du point de vue purement qualitatif, faisons simple… Rappel du barème Ventura : un morceau moyen est un super morceau, un bon morceau est un morceau fabuleux, un mauvais morceau n’existe pas. Ce disque ne comporte que des bons morceaux. Pour Ventura. Faites le calcul : tous les autres groupes ont du souci à se faire.

Jonathan Lopez

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