Troy Von Balthazar – Aloha Means Goodbye

Posted by on 9 mars 2025 in Chroniques, Notre sélection, Toutes les chroniques

(Vicious Circle, 7 mars 2025)

Chaque nouvelle livraison de Troy Von Balthazar apporte son lot de pop doucereuse idéale pour soigner le spleen existentiel (« Hammertime », « Her American »). De belles chansons mi-triviales mi-poétiques, comme autant de facettes d’un homme-orchestre des plus sensibles, ancienne gloire des années 90, rompu aux guitares sous tranxène façon Chokebore. Si l’on pourrait craindre qu’à force le médicament pour l’âme perde un peu de sa valeur et fasse la place à une version plus générique, il n’en est finalement rien car Troy sait se renouveler ou du moins explorer en profondeur d’autres facettes de sa personnalité, en faisant sienne l’utilisation de différentes techniques, en travaillant les intonations de sa voix ou en changeant un peu la recette avec d’infimes variations, ce qui le rend toujours imprévisible, avec un temps d’avance sur son auditoire.

Le nouvel album, Aloha Means Goodbye, ne fait pas exception. Il apparaît d’abord fragile, presque à nu, avec des structures et un rendu dépouillés, à l’os. Mais c’est un disque qui se construit directement devant celui qui l’écoute, comme s’il avait besoin d’une oreille attentive pour se déployer et abandonner ses faux oripeaux de folk minimaliste ; et enfin montrer sa vraie nature, c’est-à-dire une belle musique de chambre d’une honnêteté folle qui obéit à l’inspiration et aux soubresauts du cœur. TVB a particulièrement travaillé son chant afin de surprendre et d’interpeller. Il n’hésite pas à moduler avec amplitude et se faire tour à tour doux ou bruyant suivant l’émotion qu’il souhaite véhiculer. Surtout, il utilise une diction particulière sur certains morceaux (« Swimmer », « St. Patience », « Poison Juice ») qui en appelle même à l’univers de David Tibet. Un artiste qui semble bien loin des préoccupations de Troy et pourtant, lui aussi a su s’imposer comme un esthète de la pop de chambre.

Même s’il est basé en France depuis plusieurs années et est devenu l’un des artistes phares de Vicious Circle (label de Bordeaux), Troy est originaire d’Hawaï (tout comme Chokebore qui prend son essor à Los Angeles). Si cette provenance n’est pas toujours évidente de prime abord, TVB a toujours glissé çà et là des chansons et des évocations à son lieu d’origine. Et même si le premier réflexe serait d’associer Hawaï à des images de surfeurs qui domptent les vagues sous un soleil de plomb, la mélancolie langoureuse propre à l’univers de Troy apparaît pertinente, car tout endroit idyllique sur Terre est également réceptacle de tristesse et de sentiments mêlés. Encore plus que dans ses disques précédents, TVB y fait une référence directe en glissant le mot Aloha à la fois dans le titre de l’album et dans le dernier morceau. Ce terme, qui renferme nombre de significations, est typique de la complexité émotionnelle de cet artiste dont l’art est irréductible à une seule interprétation.

La musique de Troy Von Balthazar raconte les petites choses de la vie comme les grandes affections de l’âme, elle se fait tour à tour béate et désespérée, tout en restant dans une même tonalité, une même gamme humaine. Son aspect DIY, presque limité, permet une proximité, une route directe vers le cœur de ses auditeurs. Si l’on s’est un jour laissé happer par cet enchanteur, il semble que cela soit pour la vie. Et même si Troy pratique parfois la distance, une sorte d’ironie pas toujours simple à déceler, la réception se fait des plus directes comme s’il était posté là devant nous, sans tricher, sur le seuil de notre chambre, prêt à entonner sa chamber pop futuriste. Enfin, si l’on était encore plus honnête, on appellerait même cela de la paillote pop.

Julien Savès

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