The Muffs – No Holiday

Publié par le 29 décembre 2019 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(Omnivore, 18 octobre 2019)

Dans la famille power pop californienne qui a brillé dans les années 90*, je voudrais la grande sœur. Rebelle, charismatique, qui a trainé dans tous les coins cool de la côte ouest (rappelez-vous qu’elle a fait partie des Pandoras), qui rit et gueule aussi fort que les mecs, et qui n’a rien à leur envier une fois qu’elle a une guitare entre les mains, mais qui sait tout aussi bien nous tirer la larmichette si elle le souhaite.

Après avoir fait partie du groupe de filles le plus cool de la côte ouest, elle est allée former sa propre bande et nous a impressionnés en prenant une planche et un coussin bien confortable pour poser son postérieur entre la chaise du punk et celle de la pop, de la façon la plus assumée possible. Grande classe !

Certes, elle a eu ses errances, on se souvient de son passage express chez les Pixies où elle n’a pas vraiment su trouver sa place. C’est triste, parce que c’est quand même la classe de faire partie des Pixies mais il était évident que cette Kim-là n’était pas faite pour remplacer l’autre. Il parait que Frank Black l’a virée parce qu’elle a eu l’audace de se jeter dans la foule à un de leurs concerts. Quand on y pense, la réaction de Black est aussi compréhensible quand on l’a déjà vu sur scène que celle de Kim Shattuck quand on a un peu suivi le parcours de la musicienne. Bien sûr qu’elle va avoir envie de se jeter dans la foule !

Quoi qu’il en soit, Kim a décidé, après une longue pause, de reprendre du service avec The Muffs et on ne va pas s’en plaindre. L’album est une réussite, totalement à l’image du groupe : joyeusement foutraque, avec un savoir-faire mélodique irréprochable, aussi convaincant sur ses morceaux de 30 secondes que sur ceux de 4 minutes (il n’y en a pas de beaucoup plus longs, ça reste un disque punk), sur ses moments électriques (« Pollyanna », « To That Funny Place ») que sur ses instants acoustiques (« Happier Just Being With You », « The Best »), sur ses passages énervés (« Down, Down, Down ») que sur ses accalmies (« Sick Of This Old World », « Earth Below Me ») ou ses moments de détente complète (« Lucky Charm »). Il se dégage de l’ensemble quelque chose de l’ordre de ce qu’on peut ressentir en écoutant un disque de Guided By Voices : à la fois le plaisir d’écouter une collection de chansons accrocheuses et attachantes et l’impression d’entrer dans l’intimité artistique de son créateur, comme si une relation proche se mettait instantanément en place entre l’auditeur et les musiciens, renforcé par des morceaux comme ce « Sky » final.

J’aurais conclu cette chronique là-dessus en disant qu’après une longue pause, les Muffs nous faisaient le plaisir de revenir en grande forme avec un disque vraiment cool, mais malheureusement les évènements en ont décidé autrement. Le 2 octobre 2019, Kim Shattuck s’est éteinte à l’âge de 56 ans, succombant à la maladie de Charcot.

De ce fait, cet album complété peu de temps avant sa mort prend des allures de testaments. Il est alors impossible de ne pas y trouver une seconde lecture, cherchant à chaque recoin ce que la musicienne essayait de nous transmettre. Et comme je ne voudrais pas rentrer dans les analyses ou interprétations foireuses, je me contenterais de ceci : No Holiday est un disque plus lumineux que crépusculaire, plus joyeux que triste, alors si message il y a, ce peut-être de retenir le positif plus que le négatif.  Mais même si on ne veut pas aller aussi loin, c’est un bon disque d’un bon groupe, et si vous avez un tant soit peu de curiosité pour l’œuvre de Kim Shattuck, ce serait dommage de ne retenir que son passage hasardeux chez les Pixies ou même ses débuts chez les Pandoras alors qu’elle nous a laissés des albums comme celui-ci.

Blackcondorguy

*Famille où on retrouve également Redd Kross et That Dog.

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