Squid – Bright Green Field
Il y a 15 mois – oui 15 mois, you know the fucking story – j’assistais à mon dernier concert. Je découvrais, au bout d’une belle soirée du festival Génériq du côté de Belfort, le groupe britannique Squid. Avec quelques dizaines de personnes non masquées, serrées parfois, et qui commandent des bières à un comptoir (imagine all the people).
Malgré un horaire tardif (concert débuté à minuit, fini vers 1h30, on n’a plus vingt ans, but fuck the curfew), la performance du quintet fut enthousiasmante. Bien qu’averti du statut de possible prétendant au titre honorifique de next big thing outre-Manche, la surprise fut totale. Et ce premier disque ne va pas modifier ma première impression. La musique inventive et protéiforme du quintet fait toujours son petit effet. A l’instar de Black Country, New Road, Squid joue un post-punk (?) aventureux, capable de s’infiltrer dans de nombreux territoires (funk, électro, ambient…), notamment avec l’appui de cuivres jazzy, d’une basse bondissante et d’un batteur-chanteur au bagout assez jubilatoire.
Les 11 titres (enfin 9 + 1 mini-intro + 1 interlude jazzy) forment un ensemble ambitieux, mais pas évident à cerner dès la première écoute. La seconde moitié synthétique et inattendue de « Boy Racers » a de quoi dérouter par exemple. On est bien souvent pas loin du domaine arty, sans être trop guindé non plus. Ce n’est pas tous les jours qu’un groupe anglais propose un disque aussi audacieux. Après l’intro et un « G.S.K. » parfait qui synthétise en 3 minutes le talent des anglais, le groupe place une triplette (3 des 4 titres qui culminent à 6-8 minutes) qui va faire des envieux. « Narrator », premier single de 8 minutes trente (!) impressionne. Entame groovy avec le flow addictif d’Ollie Judge, puis un long crescendo accidenté que les cris de Martha Skye Murphy et les hurlements de notre batteur bien énervé emmènent vers un des sommets de l’album. Le clip vaut le détour et renseigne mieux sur la musique labyrinthique du quintet que l’artwork verdoyant et paisible. « Boys Racers » déroute ensuite avec sa structure bipolaire, écartelée entre math-rock et abstraction synthétique. « Paddling » enthousiasme avec un patchwork musical digne de ce que l’on avait apprécié chez les canadiens de Crack Cloud l’an passé. La deuxième partie de l’album est assez déroutante, et c’est un euphémisme. Je la trouvais plus faible après les premières écoutes mais ce disque semble parti pour être un grower, et force est de constater que l’album ne me semble plus aussi long maintenant. Alors que « Documentary Filmmaker » ou « Global Groove » joue (presque) l’apaisement, entre divagation jazzy et ambient, « 2010 » lâche sans crier gare une mine noisy au milieu du salon, avant que « Peel St » ne joue les Foals dissonants. Vous avez dit déroutant ? Et les 8 minutes finales emballantes de « Pamphlets » ? Taillées pour la scène. Toujours bien vu de mettre son meilleur titre (?) en dernier. Je vais les mettre pas loin des 8 minutes de l’« Opus » de Black Country, New Road dans le top chansons 2021.
On va la faire courte. Ce Bright Green Field sera clairement un des albums anglais de l’année. Il y a ici assez d’idées et d’audace pour renvoyer nombre de groupes britanniques à leurs chères études. Les étiquettes valsent allègrement, et ces jeunes morveux s’en moquent éperdument, trop contents de leur mauvais tour. Squid devait revenir à Belfort, aux Eurockéennes, cette fois-ci devant quelques milliers de festivaliers. Ce ne sera pas pour cet été (F.U.C.K.). Mais on prend date pour la prochaine fois. Avec impatience.
Sonicdragao