Mogwai – The Bad Fire

Publié par le 24 janvier 2025 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(PIAS, 24 janvier 2025)

Nous l’avions déjà écrit au moment de la sortie d’As The Love Continues, la dernière offrande du groupe de rock instrumental de Glasgow : quand une formation dépasse un certain nombre de disques au compteur – disons, sept ou huit – et qu’elle est à ce point installée dans le paysage musical, on ne parle pas plus vraiment de nouvel album, mais de cru. Certes, un cru qui se sera finalement fait attendre, puisque Mogwai aura tout de même mis près de quatre ans à nous livrer ce disque, mais un cru quand même, tant il y a ici quelque chose de l’ordre de l’habitude, de familier, de confortable dans le « déjà entendu »… mais bon, ce n’est pas parce qu’un Saint-Joseph a toujours le même goût de Syrah qu’on va bouder son plaisir… on va juste en admirer les variations, se demander s’il est plus rond, plus charpenté que le cru précédent.

Ce qui frappe d’entrée dès « God Gets You Back », c’est la richesse, la luxuriance, même, du son. On a récemment pu s’entretenir avec Stuart Braithwaite et ce dernier nous a dit avoir voulu offrir un disque ample et chargé. C’est très certainement pour cela que Mogwai est allé chercher John Congleton, un producteur connu pour ses réalisations art-rock avec Sharon van Etten, Shearwater ou St. Vincent. Ce véritable magicien du son est ici à son plus haut niveau. Pas si éloigné que cela de Dave Fridmann, il sait salir le son, faire saturer la batterie, écrêter le signal des guitares de sorte à ce qu’elles semblent sortir des hauts-parleurs — il y a d’ailleurs un morceau qui s’appelle « What Mix Is This? » mais, renseignement pris, ce serait juste une référence à une réflexion entendue dans un restaurant par le batteur Martin Bulloch. Cette approche sonore trouve son point d’orgue sur les morceaux les plus in your face et pop du disque, « Lion Rumpus » et « Fanzine Made of Flesh », lesquels semblent un peu dans la lignée de « Ritchie Sacramento » sur le dernier album.

Seulement, voilà qu’un autre aspect de The Bad Fire nous frappe : la présence de morceaux tels que « Hi Chaos », « Pale Vegan Hip Pain » ou « If You Find This World Bad, You Should See Some of the Others » – titre inspiré de Philip K. Dick et sans doute un hommage de plus de Stuart à son défunt père – qui, loin des ambitions maximalistes affichées par le groupe, semblent bien au contraire renouer avec le minimalisme des tous premiers albums de Mogwai, en particulier des premiers EPs et de Come On Die Young, soit le mode d’emploi du calme/ bruit/calme/bruit dans tout ce qu’il a de plus déchirant, de plus viscéral. Et c’est bien sûr là que Mogwai excelle. Rien que pour ces trois morceaux, The Bad Fire mérite l’écoute, et même l’achat. Si un EP était constitué de ces trois titres-là, ce serait sans doute le meilleur disque que Mogwai aurait sorti depuis le début des années 2000. Ne vous méprenez pas : je ne suis pas en train de suggérer que le reste de l’album est mauvais. Je suis juste en train de vous dire que son cœur est constitué d’un trio de titres de première catégorie, du genre qui nous fait chérir ce groupe depuis presque trente ans, désormais. Autant dire que ces morceaux-là, on les attend de pied ferme lors du concert que le groupe va donner à la mi-février au Casino de Paris.

De plus, il y a d’autres plaisirs sur ce disque, comme le très évident « 18 Volcanoes », qui met bien en exergue la voix de Stuart, alors que sur les autres morceaux chantés, on a surtout pas mal de vocoder rappelant un peu Happy Songs for Happy People (est-ce Barry qui s’y colle ? Je ne sais pas trop, à vrai dire…). Et puis le disque s’achève en apothéose avec le très beau « Fact Boy », lequel approfondit la veine plus moderne, plus « en nappes » du groupe, avec la présence d’un violon féérique. Belle manière de terminer ce qui constitue selon moi, pas juste un bon cru, mais un grand cru de l’un de mes groupes préférés.

Yann Giraud

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