Moaning – Uneasy Laughter
On ne voudrait pas vous faire fuir tout de suite mais autant être honnête : certains vont tomber de haut. Souvenez-vous du premier album éponyme de Moaning, très frontal, aux guitares incisives et incartades noisy. Ça vous revient ? Oubliez maintenant.
Malgré ses velléités post-punk (et il y a toujours synthés sous roche dans ces cas-là), la présence du groupe chez Sub Pop, anciens apôtres du grunge, n’avait rien d’incongru. Leur évolution a, elle, de quoi surprendre. Pour faire simple, les synthés sont partout, les guitares (presque) nulle part.
Ce n’est pas le revirement le plus improbable ni le plus original de l’histoire de la musique, loin s’en faut. Mais on a également du mal à concevoir que ce soit le plus judicieux. On est même persuadés du contraire lorsqu’on entend “Fall In Love” ou “Say Something” qui s’inviteraient sans vergogne sur les pistes de danse les moins regardantes.
Cela étant, après avoir châtié le trio comme il se doit pour haute trahison envers la sacro-sainte six-cordes, reconnaissons lui tout de même un talent intact à composer des morceaux addictifs (“Ego” même s’il pique le riff de “Where Is My Mind” avant de le passer à la moulinette 80s, “Make It Stop”, la plus teigneuse du lot, ou “Running” et son motif mélodique en boucle qui crie “TUBE TUBE TUBE”).
Et si leur force de frappe se retrouve quelque peu diluée, le chanteur-guitariste Sean Solomon, probablement mieux dans sa peau (puisque sobre depuis plus d’un an), semble s’épanouir pleinement dans cette nouvelle direction qu’il a impulsée. Sa voix en impose et sait parfaitement flatter les cœurs brisés mélancoliques (“Stranger”, “Connect The Dots”, “What Separates Us”).
Moaning a donc changé et s’en sort malgré tout avec les honneurs mais si vous frisez facilement l’overdose synthétique (et des morceaux comme “Keep Out” ou “Saving Faces” peuvent mettre rapidement les nerfs à rude épreuve), mieux vaut faire une croix sur ce disque et espérer de jours meilleurs.
Jonathan Lopez