Mia Vita Violenta – A Matter of Perception

Avant de m’attaquer à leur premier album, je n’avais que des a priori positifs envers Mia Vita Violenta. D’abord car le nom du groupe renvoie au premier album formidable d’un autre groupe qui ne l’est pas moins, même s’il a bien changé depuis ses débuts (il y est question de couleur de cheveux…). Ensuite, car à défaut d’avoir écouté leurs premiers EP, je me remémore une très belle soirée au cours de laquelle le trio (devenu quatuor) partageait l’affiche avec Drive With a Dead Girl et Thalia Zedek dans une Cantine de Belleville inondée par un dégât des eaux. Personne n’égale Thalia mais les trois groupes avaient assuré et laissé un goût de reviens-y, quitte à se mouiller les pieds. Pourtant, nous nous étions quelque peu perdu de vue depuis avec MVV. L’occasion enfin de vérifier si sur disque, l’impression est aussi bonne que sur les planches.
Le démarrage est massif. Batterie offensive, grésillements qui vont se dissiper peu à peu pour laisser place à des guitares incertaines distillant la menace et à un duo vocal inspiré. D’entrée de jeu, cette pièce de près de neuf minutes (« Dysfunction ») regorgeant de tension, d’instants de soudaine légèreté, de cris lourds de sens, dit tout de l’agilité du groupe à voguer sur des flots agités le plus naturellement du monde. Le majestueux « Forward Fall » place le curseur un peu plus haut encore et nous sort le grand jeu. Art de la syncope, du contre-pied. Douceur et folle intensité. Batterie effleurée, cymbales étincelantes et même un solo au milieu du chaos qu’on n’avait pas anticipé mais qui, ma foi, s’apparente à une bonne idée. Du post-hardcore classe avec une savante maitrise des temps forts et rebondissements multiples. Rien de tel pour chasser l’ennui que d’inviter régulièrement l’imprévu. Si on chipotait un brin, on pourrait noter que cette faculté à relancer la machine régulièrement, à en remettre une couche peut aussi être assimilée à une volonté d’en mettre plein la vue et que certains morceaux auraient (PEUT-ÊTRE) gagné à être davantage épurés. Ce ne sont que supputations (et question de perception ?) car il faut reconnaitre que cela fonctionne déjà très bien ainsi et que les morceaux les plus emballants/impressionnants sont aussi les plus longs… « Breathe In » ne manque ainsi pas d’inspiration et (rebelote) trouve toujours une meilleure idée que de s’achever. On a vérifié entre temps, ce savoir-faire ne date pas d’hier. Sorti en 2018 (oui ça remonte un peu), le troisième et dernier EP Grey Seas (et notamment son remarquable morceau-titre) ne bénéficiait pas d’une production si aboutie mais en imposait. C’est encore plus flagrant sur A Matter of Perception. Au-delà des idées, l’osmose est prégnante. Des voix qui se répondent efficacement, des guitares qui communiquent, des dissonances qui sonnent dense. En fin de course, « Detachment City » conclut en beauté faisant mine d’instaurer relâchement et contemplation avant de mettre feu à l’édifice. Le(s) chant(s) fougueux de Romain Saccoccio et Paul Deligny évoque(nt) parfois Lysistrata qui faisait étalage également d’un art du contrepied et d’un attrait pour l’alambiqué avant de simplifier son jeu dernièrement. À bon escient diront les tolérants, à tort selon les esprits retors. En tout cas, on peut se demander si la doublette « Breathe In » / « Fade Out » n’est pas un clin d’œil au deuxième album du groupe de Saintes, Breathe In/Out.
On pense également à des références imposantes comme Unwound puisque dès qu’il est question de post-hardcore, les noms les plus illustres surgissent. Des noms qui titillent l’égo de ceux qui s’en inspirent, qui facilitent la tache des scribouillards fainéants et donnent envie aux auditeurs, au risque de les décevoir. Mia Vita Violenta n’a nullement la prétention d’égaler les plus grands mais il vient de confirmer nettement les bonnes impressions initiales. Les revoir sur scène pour mesurer les progrès effectués tient maintenant de l’obligation.
Jonathan Lopez