Maudits – Précipice

Publié par le 5 juin 2024 dans Chroniques, Notre sélection, Toutes les chroniques

(Source Atone, 17 mai 2024)

À l’image de la pochette absolument sublime de ce Précipice, Maudits ne fait pas dans l’à peu près. Ce n’est pas nouveau, mais c’est encore plus flagrant ici. Un soin tout particulier est apporté au son, à la dynamique, aux arrangements et aux ambiances. En près d’une heure, le trio parisien affirme avec force qu’il a bien évolué depuis son premier album sans titre (2020) et l’EP Angle Mort (2021), déjà porteurs de belles promesses. Les 11’29 de « Précipice Part 1 » symbolisent d’entrée de jeu toute l’ambition du trio. Ambition rime souvent avec prétention en musique. Ici, on préfère retenir la force évocatrice de ces morceaux qui parlent aux sens, font naître des images à mesure que l’on perçoit des sons. Maudits sculpte ses ambiances patiemment et minutieusement, soigne ses transitions, échafaude ses montées et parvient à garder l’auditeur sur le qui-vive permanent, ne sachant guère quand il va se faire cueillir… mais convaincu que ça finira par se produire.

La seconde partie de « Précipice », culminant à plus de quatorze minutes et traversée par quantité de délectables soubresauts, vient compléter remarquablement la première et constitue ainsi la colonne vertébrale d’un disque pour lequel on peine à trouver un autre qualificatif que « classe ». Maudits fait partie d’une classe indéniablement à part et, hormis un « Séquelles » bien frontal, où l’on se retrouve cerné de guitares belliqueuses, c’est au travers d’ambiances dub ou ambient ou avec l’appui de cordes évocatrices (le violoncelliste Raphaël Verguin très en verve), qu’il se démarque sans peine du tout-venant post-rock/metal, serpent qui n’a de cesse de se mordre la queue et a suffisamment tourné en rond pour qu’on ne lui coure plus après.

Que ce soit la mélancolie prégnante de « Lights End », les guitares aériennes de « Seizure » communiant avec les cordes une fois la chape de plomb levée, la basse très dub d’un « Viela Siella », particulièrement cinématographique et étonnamment trip-hop, Précipice déborde de subtilités et de grâce. Porté par une admirable section rythmique, Maudits dose désormais avec plus de parcimonie ses coups de semonce, ne se contente pas de suivre à la lettre une formule par trop éculée, trace sa propre voie en évitant soigneusement de regarder son rétroviseur, saisit chaque idée comme une nouvelle opportunité d’explorer et nous emmène loin, très loin, au-dessus du précipice et au-delà des clichés.

Jonathan Lopez

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