Karkara – All Is Dust

Publié par le 25 mars 2024 dans Chroniques, Notre sélection, Toutes les chroniques

(Stolen Body, 22 mars 2024)

Toujours pas remis du (formidable) nouvel album de SLIFT, on a pu apercevoir que la tournée des Toulousains comportaient quelques dates où la première partie est assurée par un autre groupe de la ville rose : Karkara.

Un trio dont l’album précédent (Nowhere Land en 2020) nous était déjà passé entre les oreilles, en bon amateur de sonorités psyché.

Avec ce troisième album, intitulé All Is Dust, on aurait tort de réduire ce groupe à la simple condition de « groupe de première partie ». Si la proximité stylistique avec SLIFT est parfois troublante – les deux groupes partagent d’ailleurs le même vidéaste pour leurs clips – c’est surtout par le biais de quelques sonorités caractéristiques : riffs fuzzy, délires à la wah-wah, explosions stridentes ou un traitement vocal singulier. Et cette combinaison instable mais imparable de heavy rock et de musique hypnotique. Entre stoner, doom et psyché voire krautrock. Sur des titres qui se foutent bien du chronomètre (ici six titres pour 45 minutes). Si l’on s’attarde un peu sur l’artwork, on pourra peut-être, et même sans prise de substance psychotrope, se souvenir de la pochette d’un autre grand disque, Polygondwanaland, des australiens (fous) de King Gizzard & The Lizard Wizard. Et si leur influence se fait plus diffuse sur ce nouveau disque, une vibe orientale subsiste parfois rappelant alors aussi le Flying Microtonal Banana des Aussies. Les neuf minutes inaugurales de « Monoliths » constituent ainsi le début d’odyssée sonore parfaite. Sur une base rythmique basse-batterie au cordeau, la guitare tresse des arabesques psyché comme autant de méandres dans ces paysages désolés qu’évoquent les textes. Le disque évoque en effet le périple d’un personnage vers Anthropia, cité utopique, dans un univers post-apocalyptique où l’humanité a épuisé ses dernières ressources. Les riffs rectilignes et urgents de « The Chase » tracent les lignes de cette fuite désespérée.

« I must be in hell
Empty of souls
It’s just a pile of waste
Inside the city walls…
… I’m gonna start the race
They’re gonna start the chase
I need to lose the wolfs »

Et si le titre semble alors ralentir comme pour reprendre haleine, un saxophone menaçant vient déchirer tout espoir d’accalmie dans un final dantesque. Nous voilà « On Edge ». La tension ne retombe jamais, le trio jouant habilement avec les ambiances d’un riff triomphant à un souffle synthétique inquiet. Mais survient alors « Moonshiner » qui s’ouvre sur des bribes électroniques comme des chants d’oiseaux. Le vent a chassé les nuages et l’espoir semble renaître tout le long de ces (presque) dix minutes. 

« Now I’m free
It’s beautiful
I finally see
My blessing place »

La basse ronde et une batterie sûre tressent un canevas rythmique sur lequel la guitare tisse nombre de motifs mélodiques que n’auraient pas renié quelques Australiens déjà évoqués plus tôt. Plus les écoutes avancent, plus il semble que ce titre marque un point de bascule dans ce périple sonore, pour une deuxième partie de disque plus lumineuse. Et c’est tout naturellement le titre le plus triomphal avec le refrain le plus marquant que l’on retrouve ensuite. Soit « Anthropia » et ses sept minutes parfaites, un single sorti il y a déjà un mois. Mais le trio nous réservait encore quelques surprises sur le conclusif « All Is Dust ». Huit minutes d’un nouveau road trip sonore entre hurlements sauvages (« All is dust, no way »)… et l’incursion presque incongrue d’une trompette hispanisante ! Comme un air de Calexico dans Mad Max. Déroutant mais assez jouissif. Et cette même sensation que chez SLIFT : un trio en osmose qui ose tout. Des accords massifs annoncent pourtant le glas, inévitable, déclamé par une voix robotique :

« After all he has seen
Walking thought losted lands
Researching tirelessly
For a new Holy land
He realized with no words
But despair and disgust
From the beloved old world
All is gone All is dust »

En guise de conclusion, dans les crédits du disque, le groupe définit cet enregistrement comme une expérience immersive. Et conseille à l’auditeur : « Play it loud and appreciate the chaos around you. » 

Pas mieux. SLIFT nous avait invités à lever les yeux vers les étoiles. Karkara nous rattrape par la manche et nous ramène à notre pauvre condition de terrien.

Sonicdragao

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