Jesu/Sun Kil Moon – Jesu/Sun Kil Moon (Caldo Verde)

Et rend le tout passionnant. C’est là où le terme « génie » prend tout son sens.
Mark Kozelek est un grand malade. Il pourrait nous lire la recette du jus d’abricot pendant 17 minutes, nous raconter qu’il a vu un chien pisser sur le trottoir, partir dans une longue description de la laisse rouge de ce dernier, il pourrait nous raconter cette fois où à l’école un camarade de classe avait mis une casquette et lui avait demandé s’il avait regardé l’épisode 6 de Hartley, coeur à vif… J’affabule mais c’est l’idée. Et on retrouvera peut-être ces passionnantes histoires sur le prochain album de Sun Kil Moon.
Il nous lit la lettre d’un fan, un certain Victor de Singapour, se marre devant les critiques adressées par ce dernier à la presse britannique (“Last Night I Rocked the Room Like Elvis and Had Them Laughing Like Richard Pryor”). Il raconte de belles journées passées (« Beautiful You ») notamment celle où il s’est pour la première fois baigné dans la baie de San Francisco après qu’une vague « lui ait gelé les couilles » car « une fois les couilles gelées, le plus dur est fait. Le reste du corps peut affronter le froid« , avant de parler de sa découverte des boucles ambiantes envoyées par Broadrick pour un morceau du disque (oui celui-là même qu’on écoute en ce moment, si ça c’est pas de la mise en abyme !?). Je n’affabule pas cette fois, c’est tout à fait vrai.
Un jour on apprendra peut-être que ce que raconte Mark Kozelek n’est qu’un ramassis de conneries. Mais on s’en cogne à vrai dire. Car on l’aime notre conteur.
Et pourtant Mark Kozelek est un chieur. Il pond un disque par an et chacun nécessite 88 écoutes pour commencer à être à peu près assimilé, à commencer par celui-ci qui dure… 1h20. Et le pauvre chroniqueur se trouve dans l’obligation de se l’enfiler en boucle en bouffant ses chocapic, en prenant le tram, en dédaignant son « vrai » travail, sa famille, ses amis. Le pauvre chroniqueur s’isole casque sur les oreilles, s’ostracise du monde extérieur, devient la cible des quolibets. Mais le pauvre chroniqueur est finalement reconnaissant envers Mark Kozelek car par les temps qui courent un artiste de la trempe de Mark Kozelek est une bénédiction.
JL