J.C. Satàn + Jessica93 @ Le Hangar (Ivry, 94), 07/10/16
Il y a 10 jours se tenait la 10e édition de La Jimi, « le rendez-vous annuel des indés et de l’autoproduction » (non, ce ne sont pas les initiales, nous non plus on ne sait pas pourquoi ça s’appelle la Jimi). Au programme du côté d’Ivry, concerts, showcase, salon avec débats, distros de labels indés, fanzines… Bref, un chouette rendez-vous de passionnés !
Le vendredi soir, une belle affiche avec d’éminents représentants de la scène rock alternative française. Début des hostilités à 19 heures tapantes avec Jessica93. Fraichement entouré de deux nouveaux comparses, lui qui jusqu’ici avait toujours officié seul au sein de ce projet, Geoffroy/Jessica arbore une superbe casquette Chicago Bulls qu’il possède sans doute depuis son 15e anniversaire. Il a beau avoir de nouveaux copains, il n’a rien perdu de son goût prononcé pour la mode. A sa droite, le bassiste n’a rien à lui envier avec un t-shirt Puma collection 92 rentré dans un treillis militaire. Imparable. Le dernier de la bande est tout au fond à gauche, on ne le distingue pas bien. M’enfin on n’est pas venus là pour un défilé de mode.
Beaucoup de nouveaux morceaux lors de ce concert de 45 minutes (ça passe vite) et Who Cares fait visiblement déjà partie de l’histoire ancienne (tristesse).
Mais la formation a beau avoir évolué, le son est toujours le même et il rentre toujours dans le crâne à coups de marteau piqueur. Notre ami bassiste se régale avec de bonnes vieilles lignes de basse implacables.
Geoffroy envoie un petit sms avant de lancer le riff d’« Asylum », les autres suivent et nous voilà bien. Parés pour l’asile. Soyons honnêtes, il y avait quelque chose de résolument kiffant (parlons djeuns un peu) à le voir auparavant tout faire tout seul avec son looper et sa boîte à rythmes (qui elle est toujours là), jongler entre basse et guitare. Ça avait son charme. On craignait un peu la déception mais l’alchimie existe bel et bien entre les trois lascars et les morceaux sont toujours aussi dérangés et prenants.
Les regards restent malgré tout majoritairement braqués sur Geoffroy et sa présence magnétique surtout quand il nous envoie des vapeurs shoegaze avec son chant pris dans une brume nommée reverb ou quand il claque du solo ténébreux et répète son terriblement enivrant/envoûtant/perturbant « you’re all gonna dance with me » (l’infernale « Surmatants »).
Un dernier petit raffut sur le dernier morceau inconnu, qui nous fait espérer, non sans une certaine impatience, l’arrivée prochaine du nouvel album.
Pas grand chose à raconter sur Cheveu dont la prestation m’avait laissé un douloureux souvenir à Rock En Seine en 2014 et dont les albums ne m’ont jamais convaincu. Certains titres ne sont pas aussi déplaisants qu’on pourrait le craindre mais pas de quoi s’exciter tout de même. La salle s’est toutefois bien remplie et le groupe bénéficie d’un soutien chaleureux. De notre côté, pause bières, clopes pour certains et échange toujours sympathique avec Arthur de J.C. Satàn (avec qui nous avions déjà taillé le bout de gras beaucoup plus longuement et « on the record ») puis avec le chanteur de Frustration. C’est toujours sympa de voir ces groupes se soutenir entre eux et s’apprécier mutuellement.
Et puis vient l’heure de la double baffe aller retour. C’est marrant avec J.C. Satàn, on sait toujours à quoi s’attendre mais ça fait toujours le même effet. On pouvait légitimement se dire que le groupe serait quelque peu éreinté par une tournée à rallonge qui les a même vus fouler le sol asiatique le mois dernier. Que nenni.
Comme d’habitude, l’énergie déployée est ahurissante, aucun temps d’observation, tout le monde est happé par la puissance du combo bordelais. Dans le public c’est la guerre, les gens volent au-dessus de nos têtes, un petit coup de latte dans les dents mais c’est vite oublié.
Le duo Arthur/Paula est toujours aussi génial. Arthur est tout en intensité. Dans son chant et sur sa gratte à qui il fait subir bien des sévices. Paula et son charisme, son chant habité, son attitude presque théâtrale, quand elle se montre aussi dense que détachée au milieu du public (« I Will Kill You Tonight »).
Même les moments d’atermoiements sont meublés avec talent, comme pendant un long réglage sur une batterie défaillante transformé en freestyle folkisant de bon goût par un Arthur décidément pas embêté avec une guitare entre les mains. Ces jeunes gens sont à la fois fort sympathiques et fort talentueux. Ils pourraient se contenter de dérouler tout en maitrise mais le plaisir est tel que ce n’est jamais tout à fait comme la fois d’avant. Et ça parait toujours un peu mieux…
Comme « Waiting For You » qui est toujours attendue de pied ferme (un, deux, trois jeu de mot) et surpasse les attentes. Le clavier de Dorian rend fou, Arthur rentre en transe… Fascinant. Et puis, bien sûr, il y a « Satan II », « More Power », « Crystal Snake »… Violence, hystérie, je contemple la fosse qui ressemble à un champ de ruines. J’ai pris de la hauteur, je la contemple depuis… Et ba dis donc je suis encore sur scène moi ?! Et c’est moi qui danse comme ça là ? Faut croire que oui…
Difficile de contenir certaines envies soudaines dans des moments de communion et de joie si intenses.
Le lendemain, on compte les bleus, on se souvient avoir hurlé dans le micro à la fin, avoir grattouillé la six-cordes d’Arthur et surtout on coche la prochaine date de J.C. Satàn sur l’agenda. Ce sera à la maroquinerie avec Kaviar Special. Le rendez-vous est pris.
JL, photos Alain Dutertre