Interview et live report – José González

Publié par le 15 novembre 2021 dans Interviews, Live reports, Notre sélection, Toutes les interviews

Deux jours avant son concert au Trianon (voir plus bas), j’ai pu rencontrer José González sur la terrasse d’un hôtel parisien. Il a accepté de répondre à nos questions avec honnêteté et bienveillance lors d’un entretien tout en simplicité où nous avons aussi bien parlé de sa carrière musicale, de son passé de doctorant et de punk hardcore que de la pandémie, d’écologie ou de politique.

“J’ai toujours l’ambition de faire de la musique intéressante, dans le sens où ce n’est pas qu’une question de plaisir, mais aussi de prendre les gens à rebrousse-poil, ce qui se rapproche du punk ou du hardcore qui cherchent à ne pas mettre les gens à l’aise.”

© Olle Kirchmeier

Comment êtes-vous passé de doctorant en biochimie à chanteur de folk ?
En 1997, j’ai commencé à étudier la Biologie à l’Université de Gothenburg et en parallèle j’avais des groupes et je faisais de la guitare en solo, mais c’était plus comme un passe-temps. Je commençais à me dire qu’il était temps de passer à quelque chose de plus sérieux pour payer le loyer. (Rires) J’ai passé 6 ans, de 1997 à 2003 à l’université, d’abord sur un master puis des études de doctorat. Je travaillais en laboratoire de virologie, j’étudiais la structure de l’ADN et les interactions de protéines, tout en travaillant avec mon groupe à côté, j’ai aussi sorti un EP avec Junip et un autre en mon nom propre en 2001. Ce disque a été repéré par 2 mecs de Stockholm qui avaient une expérience en major. L’un m’a contacté pour me proposer de sortir mon premier album, qui a bien marché en Suède, alors je suis allé voir mon professeur pour lui demander de prendre une pause d’un an et demi, pour peut-être reprendre ensuite. Il n’y avait aucun problème de son côté. Mais une fois que « Crosses » s’est mise à passer partout à la radio et à la télévision suédoise, c’est devenu évident pour nous deux que je ne reviendrai pas.

Vous n’avez jamais fini votre doctorat ?
Non, j‘en étais à la moitié de mon doctorat : aucun résultat, aucune publication, c’était comme une libération ! (Rires) Et je ne compte pas y revenir, c’est derrière moi. Je me dis qu’il y a tellement de personnes qui font de la recherche beaucoup plus vite, et ce que j’ai appris a déjà beaucoup vieilli, donc je suis heureux de ma nouvelle profession, qui est beaucoup plus relax.

Il se passe beaucoup de temps entre la sortie de vos albums, surtout dans un contexte où les plate-formes encouragent les musiciens à être le plus productif possible. Pourquoi ?
La principale raison, c’est que je suis lent pour écrire, je prends du temps et d’habitude j’écris juste les chansons pour l’album, sans aucune face b. Ce qui est un problème, principalement pour le label qui a besoin de musique pour travailler. C’est la raison principale, en fait. Et puis, j’ai pris l’habitude d’écrire, enregistrer, sortir, tourner et faire une pause, ce qui me prend généralement trois ans. Il y a aussi des exceptions. J’ai sorti des disques en 2003, 2007, 2010, 2013, 2016 et maintenant… donc c’est vrai que cette dernière pause a été plus longue ! (Rires)

C’est une nécessité artistique, en quelque sorte ?
Oui, j’ai sorti suffisamment d’albums maintenant pour comprendre que c’est compliqué d’avoir suffisamment de temps sans interruption. Ce n’est pas que je reste assis pendant 3 ans à écrire mon album, c’est plus que j’ai besoin de quelques mois sans interruption pour me mettre en route et pour aller au bout.

Le titre de votre album est-il Local Valley ou Valle Local ? J’ai vu les deux…
L’album s’appelle Local Valley, j’avais juste la chanson « Valle Local » en espagnol dans la tracklist et le titre me semblait bien. J’ai choisi la version anglaise du titre car l’album est principalement en anglais. La chanson a pour thème deux tribus qui se battent sans pouvoir discuter, mais le titre de l’album reflète plus l’idée de notre petite Terre, ce minuscule caillou dans l’espace. Il a un sens plus profond que celui de la chanson.

C’est la première fois à ma connaissance que vous chantez en espagnol et en suédois. Pourquoi ?
C’était amusant de réessayer. J’avais essayé pour l’album précédent mais je m’étais retrouvé coincé et j’avais eu la flemme, donc j’avais laissé l’idée de côté. Mais cette fois, j’ai essayé, et ça a fonctionné sans problème, et je suis heureux d’avoir enfin écrit des chansons dans mes deux langues maternelles. On parle espagnol à la maison, et j’ai toujours vécu en Suède. C’est comme si je me dévoilais un peu plus sur cet album.

Est-ce différent pour vous d’écrire ou de chanter dans ces langues plutôt qu’en anglais ?
Avant, c’était difficile, pour des raisons idiotes. D’abord, j’étais un ado écrivant dans cette troisième langue qui n’était pas la mienne, et qui est devenue comme un bouclier pour me protéger de moi-même. C’est devenu une langue plus énigmatique et l’espagnol ou le suédois me paraissaient plus directs. Je pense qu’avec les années, j’ai muri, et je suis plus à l’aise avec mes différentes versions en tant que personne et en tant qu’artiste. Et puis, plusieurs fois pendant les tournées, je m’en voulais de ne pas avoir écrit de chanson en espagnol. Notamment en Amérique Latine, les gens sont surexcités quand on chante dans leur propre langue. Et puis il y a aussi ce problème sensible de l’impérialisme (rires) où je n’ai pas l’impression d’avoir pris parti, c’est simplement que je suis plus à l’aise avec l’anglais, mais sans raison particulière, donc d’une certaine manière, je sentais qu’il était temps d’écrire en espagnol et en suédois.

On trouve une reprise de Junip [ndr : groupe dont José González est membre] sur Local Valley. C’est la première fois que vous reprenez une chanson que vous avez vous-même écrite. Pourquoi cette reprise ?
Ce n’est pas tout à fait la première fois. J’avais une chanson qui s’appelle « Time To Send Someone Away » sur mon deuxième album, qui était au départ une collaboration avec un producteur de hip hop suédois. Mais c’est la première fois que je fais une reprise de Junip et que je la mets sur un de mes albums. D’une certaine manière, j’avais l’impression que j’avais fini l’album, mais j’avais besoin de chansons pour lui apporter plus de profondeur et cette chanson est une de mes préférées, et puis je l’ai écrite, donc c’est comme si elle était à moi. (Rires) Je ne me verrais pas faire un album complet avec ce genre de reprises, mais là ça sonnait bien sur celui-ci d’avoir une touche plus personnelle sur la fin, avec en plus la reprise de Laleh, la chanteuse suédoise qui a écrit « En Stund PÂ Jorden », qui a aussi un ton similaire.

“Nous allons atteindre 10 milliards d’habitants et nous devons trouver un moyen de vivre ensemble. Donc si on ne pense qu’à son propre lopin de terre, on risque de tomber dans le protectionnisme, économique et culturel qui de mon point de vue n’est pas nécessaire. Il y a de nombreux exemples sur Terre d’endroits où les gens peuvent cohabiter dans une même région.”

© Hannele Fernström

Avez-vous une approche différente quand vous composez en groupe ou en votre nom propre ?
Ça dépend des chansons, des démos, mais j’ai une approche différente, oui. J’ai l’impression qu’après le deuxième album de Junip, j’avais besoin de refaire quelque chose tout seul. En partie parce que, quand j’écris des paroles, j’essaie de penser aux autres membres du groupe, ce qui les intéresse, ce qu’ils pensent. Ils ont toujours été ouverts, ils me laissent écrire ce que je veux, mais je souhaite que ça trouve un écho chez eux, alors qu’avec ma propre musique, je suis complètement libre. Je peux aller où je veux.

C’est donc principalement sur la question des paroles ?
Oui, je pense, car Junip est un groupe, donc c’est très important que chacun contribue à la musique. C’est d’ailleurs une des raisons pour laquelle nous nous sommes séparés. Puisqu’Elias, le batteur, a quitté le groupe, on avait l’impression que ce n’était plus le moment d’écrire d’autres chansons. Nous sommes donc en pause permanente. (Rires)

Justement, je me demandais où en était le groupe, puisque ça fait longtemps que vous n’avez rien sorti.
Oui, notre dernier album date de 2013. Nous sommes complètement inactifs, donc peut-être qu’on s’y remettra à un moment, mais pas maintenant.

Vous avez enregistré plusieurs reprises qui ont été très bien accueillies. Avez-vous eu des retours des artistes originaux ?
Pour quelques-unes, oui. Olof et Karin Dreijer [ndr : du groupe suédois The Knife, dont José González a repris « Heartbeats »] habitaient dans la même ville que moi en 2003, donc je suis allé les voir pendant qu’ils travaillaient en studio avec un ami et je leur ai remis un cd gravé. Ils ont aimé, Karen m’a même envoyé un texto pour me dire qu’elle avait adoré. (Rire gêné) Depuis, ça a été différent selon les reprises. Le plus cool, je pense, ça a été Kylie Minogue, car elle a beaucoup apprécié ma reprise [ndr : de « Hand On Your Heart »], elle se remettait d’un cancer et a été touchée par ma version, donc elle m’a invité pour écrire un autre duo pour son documentaire. Ce fut très chouette.
Je ne réussis plus à me rappeler d’autres réactions là tout de suite. Je n’ai jamais eu de retour de Massive Attack. Peut-être qu’ils n’aiment pas ma version. (Rires)

On est nombreux à l’aimer, en tout cas.
Oui, chacun ses goûts !

Avez-vous déjà entendu la reprise de « Down The Line » par les Gutter Twins ?
Oui, Greg Dulli et Mark Lanegan ont écouté cette chanson à un moment où il était temps que quelqu’un fasse des reprises de mes chansons à moi. Ils ont fait cette reprise sans m’avoir prévenu, puis ils m’ont invité à un festival qu’ils chapeautaient et j’ai pu les rencontrer. Cette fois, ce n’est pas moi qui ai rencontré quelqu’un que j’avais repris, mais l’inverse. C’était cool.

Je l’aime beaucoup. C’est par cette chanson que j’ai découvert votre musique.
Ah cool, c’est génial !

Vous avez commencé la musique en jouant dans des groupes de punk hardcore. Avez-vous songé à incorporer ce style dans ce que vous faites, ou l’incorporez-vous déjà d’une manière qui n’est pas perceptible au premier abord ?
Exactement, je ne ressens pas le besoin de revisiter le hardcore mais j’ai l’impression de retrouver dans ma musique des éléments de quand j’écrivais des riffs et des paroles pour des groupes hardcore. Par exemple, « Head On » sur mon nouvel album : quand j’ai commencé à l’écrire, ça ressemblait à ce que je faisais quand j’écrivais des paroles de hardcore, ce type de phrases courtes, presque incomplètes, comme des mots criés. Et j’ai toujours l’ambition de faire de la musique intéressante, dans le sens où ce n’est pas qu’une question de plaisir, mais aussi de prendre les gens à rebrousse-poil, ce qui se rapproche du punk ou du hardcore qui cherchent à ne pas mettre les gens à l’aise.

Plus généralement, le fait d’être influencé par plusieurs genres différents a-t-il enrichi ta musique ?
Avec mon premier album, je cherchais vraiment à écrire mes chansons de façon assez linéaire et répétitive, avec des structures et variations couplets/refrains plus simples, plus proches du hardcore que de la musique instrumentale que j’écoutais. Mais ça a aussi un impact dans la manière dont je joue de la guitare. Je faisais à la fois de la basse dans un groupe de hardcore et j’apprenais la guitare classique, donc j’ai aussi introduit des techniques classiques dans les riffs et arpèges de chanteur-guitariste folk. J’ai aussi amené des influences de musique brésilienne, d’Afrique de l’Ouest, et je pense que c’est une manière de diversifier mon jeu de guitare.

Quel impact la pandémie a-t-elle eu sur vous en tant que musicien ?
L’album était prêt aux alentours de mars 2020. J’avais toutes les chansons mais je ne les avais pas encore enregistrées donc avec la pandémie, j’ai vite su que j’allais avoir beaucoup plus de mois pour travailler dessus. Cela m’a donc affecté car je me suis permis d’essayer encore plus de versions des mêmes chansons, même quand j’étais satisfait de la première. J’ai pu faire de nouvelles versions de « Visions », « Tjomme » ou « Swing » qui ont rendu l’album plus complet. Ça m’a donné plus de temps, en tant que producteur, pour réfléchir à l’album, le rendre plus varié, rendre l’ensemble moins similaire, ce qui je pense est un défaut de mes autres disques. Donc j’ai vraiment essayé de diversifier celui-ci.

Cela a donc été positif, en quelque sorte ?
Oui, je ne l’aurais pas fait si je n’avais pas eu du temps. Alors avec le temps offert par la pandémie, j’ai eu le plaisir d’expérimenter. Mais j’ai passé la plupart de mon temps avec ma famille ou à lire des livres, donc je pense que la pandémie m’a surtout affecté en me donnant du temps pour réfléchir. Je ne voyageais plus, donc j’avais plus de temps pour moi.

Vous êtes très engagé sur les questions de la nature et de l’écologie. Face la crise climatique imminente, êtes-vous plutôt optimiste ou pessimiste ?
Non, je suis vraiment pour la collaboration. Nous devons vraiment définir l’ampleur du problème, dans quelle mesure il pourrait s’aggraver mais aussi définir ce que nous faisons bien et que nous pourrions faire davantage pour éviter le pire scénario. J’ai été invité à Paris en 2015 [NdR : pour la COP 21] par une institution suédoise qui a tenu des rencontres informelles avec des scientifiques suédois et moi. (Rires) Et je me souviens qu’à l’époque, les gens étaient inquiets mais avaient de l’espoir et je crois qu’il y a eu quelques douches froides depuis. Avec la pandémie, nous avons compris que même si les gens restent tous chez eux, ça ne résoudra pas le problème, donc il faut trouver une autre solution. Je suis optimiste quand je vois que certains pays ont réussi à détacher leur croissance économique de leur empreinte écologique, et c’est ce que nous devons observer. Quelles sont les histoires qui fonctionnent ? Celles que nous pouvons reproduire et accélérer. Heureusement, nous avons dévié du pire scénario, nous nous éloignons d’une augmentation de 4° pour nous approcher de 2,7°, et peut-être qu’avec la dynamique de Glasgow, nous pourrons nous approcher davantage de 2°. Mais je pense que c’est aussi important de bien calibrer l’horizon fatidique, car il y a des gamins qui pensent que 2030 sera le point de non-retour, soit on s’en sort, soit c’est la fin, leur famille va mourir et leur maison brûler. Or, ce n’est pas vraiment ce que nous dit la science.
Je crois que c’est important de se calibrer sur ce problème, mais aussi d’en considérer d’autres. Qu’on ne se concentre pas que sur le changement climatique, mais aussi sur des problèmes plus réduits qui nous font face. Pas que les problèmes, d’ailleurs, mais aussi le potentiel qui s’offre à l’Humanité. Donc, je pense qu’il y a beaucoup de raisons d’être optimiste. Pas dans le sens « on reste dans le canapé et on ne fout rien », mais d’un point de vue possibiliste. Il faut qu’on s’y mette.

En tant que fils d’immigrés ayant fui l’Argentine pour échapper à une dictature militaire, comment voyez-vous la montée de l’extrême droite en Europe ?
Je vois ce mouvement nationaliste et alt-right [NdR : du nom d’un mouvement d’extrême droite américain] comme quelque chose de très problématique, pour plusieurs raisons. La principale, c’est que nous vivons dans un monde, une zone limitée, et que nous atteignons des niveaux de population inédits dans notre histoire, nous allons atteindre 10 milliards d’habitants et nous devons trouver un moyen de vivre ensemble. Donc si on ne pense qu’à son propre lopin de terre, on risque de tomber dans le protectionnisme, économique et culturel qui de mon point de vue n’est pas nécessaire. Il y a de nombreux exemples sur Terre d’endroits où les gens peuvent cohabiter dans une même région.
Je ne dis pas qu’on doit autoriser tout type d’expression culturelle, je pense qu’il est important d’éviter plus de relativisme, mais c’est aussi bon de comprendre qu’on peut habiter ensemble dans les mêmes zones si on suit des règles de base.
Ces mouvements sont donc problématiques car, parfois ils tendent à être populistes et à diviser le monde entre eux et les autres. Ils ne cherchent pas une formule qui marche pour tout le monde, mais juste pour eux et je ne crois pas que ce soit une façon utile d’avancer.

Désolé pour cette question très politique.
Non, je crois qu’elle est importante et je suis content d’en parler. C’est important de voir le danger que représentent certains mouvements, mais également de poser à plat chaque argument et de ne pas être dogmatique. Ça concerne toutes les tendances politiques. Par exemple, je considère que toutes les technologies peuvent nous aider à faire face au changement climatique, y compris le nucléaire. Or, le nucléaire est perçu de façon très négative par la gauche et les partis verts en Europe ; pas tous, mais la plupart. Je pense donc que c’est important d’y réfléchir point par point pour voir où on se retrouve et où on ne se retrouve pas. Ça inclut de discuter avec, ou d’essayer de comprendre, les partis plus à droite pour voir où ils se situent, s’ils sont à droite d’un point de vue économique, ou s’ils sont simplement racistes. C’est bien d’en parler, même si certains partis politiques peuvent faire peur.
Il y a une chanson en suédois sur mon album, « Tjomme », qui parle des on-dit et des annonces de catastrophe. Il y a quelque chose de particulier chez l’extrême droite d’héritage chrétien ou évangélique, comme Bolsonaro ou Trump, enfin, du moins Steve Bannon. Avoir une vision alternative du monde peut être problématique quand on pense que l’Histoire est cyclique. Je suis pour un futur où on dépolitise la politique. (Rires) Où on se concentre sur ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, avec comme objectif l’épanouissement humain et plus tellement l’argent.

Interview réalisée par Blackcondorguy

Merci à José González et à Aymeric de City Slang.


José González @ Trianon (Paris), 05/11/21

L’année dernière, je concluais mon expérience de concert avant la pandémie par un concert de rock énervé debout dans une salle puant la sueur et la bière. Mon deuxième concert après la pandémie est en place assise où je suis accompagné par un placeur rémunéré uniquement en pourboire dans un théâtre parisien qui sent le bon goût et les bonnes manières. Le contraste n’est pas dû à un embourgeoisement soudain et extrême mais plutôt au fait que je suis prêt à changer mes habitudes si c’est pour écouter de la musique qui me transporte autant que celle de José González.

Comme je n’étais néanmoins pas prêt à modifier toutes mes habitudes, je suis arrivé peu après le début de la première partie, la chanteuse norvégienne Siv Jakobsen. J’avais déjà écouté son album sorti cette année, et j’avoue que je n’avais pas été transporté plus que ça, je m’étais même lassé au bout de quelques chansons. Heureusement, le format court correspondait mieux à mon humeur. Sa voix est en place, son chant cristallin est juste, les accords de guitare, dont elle change très souvent soit dit en passant, sont doux, le tout donnant un ton chaleureux et mélancolique en parfait accord avec l’ambiance de la soirée. Même si ça ne m’a pas fait changer d’opinion sur l’artiste, c’était une première partie tout à fait honnête. 

Arrive l’entracte, qui finit par trainer un peu, mais raisonnablement, et juste quand on commence à s’impatienter de voir le roadie chevelu tester les deux mêmes micros et la chaise placés en hauteur, l’homme de la soirée entre enfin en scène. Il nous assène en guise d’entrée en matière un “With The Ink Of A Ghost” sans surprise, puisque c’est l’ouverture de concert habituelle ces derniers temps, mais toujours aussi beau. En revanche, un petit étonnement vient quand il déclare pendant un couplet “oh, c’est un peu pire qu’hier.” 

Très vite, il nous explique le sens de cette phrase : depuis la veille, et son concert en Belgique, sa voix fait des siennes. Son concert précédent a été “un pari”, selon lui, et celui-ci s’annonce encore plus mal. 

De fait, la voix du chanteur va devenir le leitmotiv de cette soirée. Il fait part ouvertement de sa difficulté à atteindre certaines notes, et invitera occasionnellement le public à compenser en chantant avec lui, notamment sur le classique “Heartbeats”. Galère, me direz-vous ? En fait, pas tant que ça, tant la musique et l’ambiance sont excellentes. Le public tape des mains, encourage l’artiste et ne s’offusque nullement des notes fragiles. La salle s’enflamme presque littéralement pour “Down The Line” mais aussi pour la nouvelle venue “El Invento”, qui s’intègre tellement qu’elle nous ferait presque oublier qu’on vient de se taper 7 chansons qui pourraient composer un best of du guitariste suédois (avec “Valle Local” intercalé au milieu). On est sur un nuage.

Malheureusement, on va devoir redescendre lorsque la voix refait des siennes après quelques notes de “The Void”. Cette fois, José González nous dit précipitamment qu’il a besoin de faire une pause. Il quitte la scène, les lumières se rallument, et la salle se retrouve dans une forme de stupeur et d’inquiétude.

Cette inquiétude est heureusement de courte durée. Après quelques longues minutes, l’artiste reprend place et se lance dans la fin du set, accompagné d’animations vidéos d’une utilité questionnable, mais qui ne gâcheront en rien le plaisir. “Head On” met encore une fois une ambiance de feu sur le public, les autres titres sont superbes hormis “Lasso In” avec sa boucle de percussion qui sera sans doute ce qui m’emportera le moins loin ce soir-là. 

Le set se conclut par une reprise de “Blackbird” parfaitement fidèle mais que le public prendra beaucoup de plaisir à chanter. Le rappel sera sans surprise non plus, avec encore un morceau du dernier album sur boucle de percussions (donc toujours pas le point fort du concert) “Tjomme”, et l’excellent morceau “Killing for Love”. Pas original, mais largement satisfaisant, surtout quand on voit les efforts de l’artiste pour mener le concert jusqu’au bout.

C’était mon premier concert de José González, et je suis comblé. Le son était sobre mais parfait, avec suffisamment de reverb sur la voix, d’amplification sur la caisse de la guitare et le pied de l’artiste pour donner l’impression qu’il n’était pas seul, mais juste ce qu’il faut pour que ce ne soit jamais trop. La prestation n’a pas été parfaite, mais tellement humaine qu’elle en était magnifique. Et c’est aussi pour ça qu’on ne se contente pas d’écouter des disques. Si le propre des grands artistes est d’être excellents même dans les pires conditions, alors le suédois a prouvé qu’il était de ceux-là.

Pour le reste, quand les plus grands regrets d’un concert sont deux morceaux sympas avec des boucles là où on aurait préféré voir de vrais percussionnistes et un “Line Of Fire” annoncé “pour plus tard” suite à une requête du public et qui ne sera jamais joué, on serait idiot de faire la fine bouche. Apprécions ce genre de soirées pour leurs moments de grâce et oublions les côtés sombres. “Don’t let the darkness eat you up.”

Et si vous ne faisiez pas partie des chanceux dans la salle ce soir-là, vous pouvez vous rattraper avec le podcast de radio nova. La performance est plus courte, mais la voix est parfaite ! 

Blackcondorguy

Setlist : With the Ink of a Ghost – Stay in the Shade – Lovestain – Valle Local – Down the Line – Crosses – (Unknown) (chanson ou intro arrêtée au bout de quelques mesures) – Heartbeats (The Knife cover) – Cycling Trivialities – El Invento – The Void (interrompue) – (Pause) – The Void – Horizons – Head On – Lasso In – Leaf Off / The Cave – Blackbird (The Beatles cover). 
Rappel : Tjomme – Killing for Love. 

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