DJ Muggs the Black Goat – Dies Occidendum
Ah te revoilà, toi ! DJ Muggs, l’une de mes idoles en matière de hip hop, responsable de mes premiers frissons sur des instrus démentielles, doté d’une patte incontestable, qui a fait les beaux jours du meilleur groupe rap de l’univers : Cypress Hill. Toi, DJ Muggs, vile ordure, également responsable du pire souvenir de mon immense carrière journalistique. Souviens-toi, tu m’as reçu au téléphone comme un moins que rien, rabaissé plus bas que terre et remis en question mon métier, si ce n’est mon existence tout entière. Une déception à la hauteur de mon admiration. Je pourrais mettre en pièce ton nouvel album considérant que le plat a suffisamment refroidi pour que j’exerce mon impitoyable vengeance mais ce serait trop facile. Je ne mange pas de ce pain-là. J’ai toujours su séparer l’homme de l’artiste et, peut-être qu’au fond, tu n’étais pas très en forme ce jour-là. Un petit coup de mou (ou un spliff trop chargé), ça arrive aux meilleurs. C’est donc sans a priori que je lance l’écoute de ce Dies Occidendum.
Visiblement, il convient désormais de t’appeler The Black Goat. Soit. Je ne suis pas contrariant.
Après une intro qui vaut principalement pour son sample vocal fleurant bon le film d’angoisse (avec le chant faussement innocent de la grand-mère timbrée qui fait bouillir ses petits-enfants dans une marmite), vient “The Chosen One” à l’atmosphère hantée qui renvoie tout droit à la période bénie de Temples of Boom. Et ça le fait. Quel bonheur de te retrouver dans ce registre où tu excelles et que tu exploites largement ici ! Cela aurait dû m’enchanter (ensorceler serait probablement plus juste), malheureusement on se retrouve vite engoncé dans une succession d’ambiances linéaires qui manquent cruellement de moments mémorables. Et le temps semble parfois long comme une année sans concerts.
On peut également regretter que le boom bap dans lequel tu as fait tes armes soit relégué au profit de beats trap dans l’air du temps qui sonnent tous plus ou moins interchangeables. S’amorce ainsi un long tunnel au cours duquel on ne croise rien de bien folichon même si on rouvre l’œil et dresse l’oreille en de rares occasions (“Nigrum Mortem” où les beats s’entrechoquent tandis que guitares et orgues se contorsionnent de concert ou ce “Annicca” aux cordes hitchcockiennes et à la sirène franchement malaisante).
C’est à peu près tout. 10 titres, 35 minutes dont 5 de chants de grillons à la fin, ça fait pas lourd. Le fait de proposer un album entièrement instrumental était intéressant, encore eût-il fallu que lesdits instrumentaux soient un peu plus marquants. Il n’est pas question ici de parler de mauvais disque (en es-tu seulement capable ?), mais je doute fort que quiconque s’en souvienne dans quelques années et qu’il dépasse le statut d’anecdote au regard de ta gigantesque discographie. D’autant que récemment, tu as encore sorti plusieurs collaborations vraiment réussies (y compris la toute dernière avec Rome Streetz).
Allez, sans rancune bro. Je suis juste mal tombé, comme ce jour-là où nous avons discuté. Un petit coup de mou, ça arrive aux meilleurs. Mais je n’aime pas rester sur un échec. La prochaine fois, tu me retournes la tête comme au bon vieux temps et on se rabiboche.
Jonathan Lopez