Clavicule – Incoming Blaze
N’allez pas croire que la vie de journaliste musical n’est faite que d’invitations en carré VIP aux côtés des grands de ce monde et de voyages tous frais payés à New York pour interviewer ses idoles. Notre quotidien est également fait de frustrations. La principale : ne pas pouvoir parler de tous les albums que nous aimons parce que ce type de voyage ça prend du temps, qu’il faut aussi soigner son réseau donc échanger avec ceux qui comptent… Bref, le temps c’est de l’argent, du réseautage, des coupes de champagne et tant pis pour le petit groupe qui nous envoie son album même s’il est drôlement cool. Clavicule en a fait les frais avec son précédent album (le deuxième) déjà largement digne d’intérêt, mais celui-ci nous semble être un grand bond en avant encore. Pas question que vous passiez à côté de cet Incoming Blaze qui reprend les meilleurs aspects de Full of Joy, plus qu’honnête album de garage punk, et va plus loin tout en cavalant aussi vite et en tapant encore plus fort.
On ne rechigne jamais à s’enfiler du bon garage sans prétention mais avouons qu’on est plus regardants qu’il y a quelques années quand on en a bouffé plus que de raison, au prix de quelques indigestions. Mais quand le groupe présente un garage plus ambitieux, sans renier son efficacité, on a envie de lui ouvrir grand les portes de notre salon. Après une intro où chacun s’observe, guettant le premier coup de feu, vient l’attaque tonitruante de « All These Boys ». On a besoin de disques comme celui-là qui vont nous fournir notre dose d’euphorisant pour la journée. Car dès l’arrivée du riff, on sait où on est, où on va. On sait que ce refrain fédérateur nous suivra.
« I Know » est peut-être meilleur encore. En tout cas, son final incandescent mérite très probablement le détour en live… We know that they know. Ça prend, ça monte et ça nous explose à la face. De façon attendue, espérée même.
Rebelote avec « Eat the Light » au riff qui tue d’emblée ce qui peut suffire à certains. Nous exigeons davantage et nous l’obtenons. Ces morceaux n’ont clairement pas qu’une belle énergie comme unique atout en main. Clavicule a toujours un penchant prononcé pour le garage californien, c’est indéniable, mais il affine sa formule, soigne ses breaks, dévore les espaces, libère de la place à ses instruments et est toujours porté par cette envie irrépressible, ce souffle, cette volonté de foncer sans regarder derrière.
On trouve également du plus poppy comme « Stress Notice » qui, contrairement à ce qu’il sous-entend, ressemble davantage à un parfait remède pour lutter contre les tracas quotidiens, avec son riff très surf music et son refrain formidablement entraînant. En fin de course, après avoir soigné ses bleus, « In Decline » paraît tout mignon, avec une touche presque shoegaze dans un premier temps… Mais cela ne dure pas, vous vous doutez bien. Ils font les sympas et ils finissent par nous gueuler dessus.
Ne tombons pas dans l’enthousiasme béat non plus, si l’album se tient parfaitement d’un bout à l’autre, son efficacité s’effrite quelque peu sur sa face B, moins tranchante (même si « Scum Manifesto » ou le bien heavy « Thrive in Distance » font plus que le boulot). Incoming Blaze décélère somme toute assez rarement et gagnerait peut-être encore à diversifier ses angles d’attaque pour éviter toute sensation de redondance (« In Decline » constitue une piste intéressante). Son chanteur principal a pour lui une énergie jamais démentie et ô combien indispensable ainsi qu’un véritable sens de la mélodie mais manque un peu de charisme et de personnalité. Mais au vu des progrès déjà effectués par le quatuor, on est plus qu’impatients de vérifier s’il est capable de repousser encore un peu ses limites sur le prochain album.
Jonathan Lopez