Circus Trees – This Makes me Sad, and I Miss you

Publié par le 26 septembre 2024 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(Five By Two, 20 septembre 2024)

Nous ne sommes jamais au bout de nos surprises avec Circus Trees. La fratrie McCarthy, originaire de Marlborough (Massachusetts), a grandi en musique, comme d’autres évoluent dans une linéarité continue. Circus Trees est le fil d’ariane qui permet de passer à travers les étapes de l’existence, l’assimilation du passé face au présent. Au-delà d’un nom interprétable à l’infini, et d’une imagerie théorique, la transition d’un monde vers un autre, celui des désillusions, des espoirs probables, est décortiquée sous plusieurs déclinaisons musicales. Comment ne pas penser à Lady Lamb The Beekeeper (alias Aly Spaltro), tant cette volonté de construire par soi-même avec des moyens rudimentaires une musique libre de toute classification, répond au besoin impérieux d’y exprimer avec humilité des expériences personnelles ? Cette mélancolie est profondément ancrée depuis leur premier album Delusions, paru en 2020.

Ce qui est significatif chez Circus Trees, c’est cette maturité qui fait cruellement défaut chez certains artistes. À l’heure où même la morale fonctionne à l’électricité, « More Than You Could Ask For » nous rappelle que rien n’est acquis d’avance, que nos caprices et nos petites exigences ne sont que lettres mortes face à la destinée (le karma se joue aussi bien de nos résolutions). Le titre démarre sur une guitare acoustique enregistrée sur un magnéto, avant que les voix séraphines de Finola et Edmee s’entremêlent. Le lien avec le titre suivant « Getting Old » est implicite, la thématique autour du temps s’imbrique tout au long de l’album. À mesure que l’on prolonge l’écoute, des rebonds rythmiques, des changements de tempos, des ponts invisibles se nouent. Si les artistes décident d’écrire pour se mettre au service d’impératifs choisis par d’autres, éclairés par une certitude et dirigée par des instances hors champ, on peut aisément dire que la création est démystifiée. « Save Yourself » est loin d’une quelconque élégie plaintive et encore moins une injonction sur l’apprentissage de la vie. L’écriture chez Circus Trees est faite d’émotions vives, engagée dans la délivrance d’épreuves du passé, « Negative Feedback » est en adéquation avec le slowcore qui caractérise le trio, agrémenté d’explosions rythmiques, de riffs grassouillets et de reverbérations magistrales. Pour vous convaincre du bien-fondé de cette chronique, posez vos oreilles sur « Alone » et vous prendrez conscience du mur sonore que les trois adolescentes sont capables de construire en un laps de temps réduit.

Circus Trees ne fait pas dans la démonstration, ne se préoccupe pas d’un succès hypothétique, leurs compositions sont l’expression authentique d’une beauté fragile et solide à la fois. « I’m A Person Too » en est la preuve, Edmee, Eoghan et Finola ont cette capacité à transformer la moindre composition en œuvre absolue.

Franck Irle

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