Chat Pile + Agriculture @ Le Trabendo (Paris), 28/04/25

Posted by on 31 mai 2025 in Live reports, Non classé

© Élodie Denis

Un lundi soir à Paris, du côté du parc de la Villette, c’était un peu the place to be. La faute à Chat Pile et à son putain de vent en poupe qui emporte tout le monde sur son passage, nous y compris. Il est toujours un peu vexant d’être en accord avec la masse, quand bien même celle-ci est finalement modeste et ne compte en son sein que des belles et bonnes personnes… nous y compris.

Ce fameux soir, un lourd parfum d’entre-soi flottait dans les méandres du Trabendo. Les quadras et les quinquas papotaient en attendant le début des concerts, pendant que les quelques trentenaires présents portaient les sacs et découpaient les oranges, en jetant de temps en temps un œil aux défibrillateurs mis à disposition, au cas où… 

Tant de fraternité débonnaire méritait bien une première partie au nom aussi doux qu’incongru : Agriculture. Nous est revenu en mémoire cet encart lu dans le numéro 68 de l’incontournable new Noise, dans lequel un des membres du groupe expliquait ceci : « J’ai coutume de faire la comparaison avec les boissons et leurs versions light. Elles sont censées avoir un goût similaire, mais sans les mauvaises calories. La musique d’Agriculture, c’est la même chose : du black metal musicalement, mais sans souffrance ni mal-être. » (Rires) Rires indeed, mais on leur a quand même donné leur chance et bien nous en a pris.

Peut-être parce qu’on n’est pas les plus fins connaisseurs du genre black metal, on a trouvé la performance d’Agriculture largement convaincante et il est vrai qu’il y avait quelque chose en elle de chaleureux et d’étrangement réconfortant, loin de l’imagerie usuelle du genre. Du black metal sans gluten, inclusif et conscient, que demande le peuple ? Les Californiens ont su se mettre une partie du public dans la poche, car leur « entre-deux » est parfaitement exécuté et l’alternance entre émotion et coup de pression parfaitement dosée. On a trouvé ça sympa jusqu’à ce que les solos à rallonges fassent leur entrée. A partir de là, tout naturellement, notre esprit s’est mis en veille… veuillez ne pas quitter.

À la fin du concert, on a râlé un peu, histoire de se donner de la contenance, mais après coup on ne retient que le positif. Il ne se passe pas une journée depuis lors, sans que l’on soit sur le point d’écouter un album studio d’Agriculture. Le fait de n’avoir toujours pas passé le cap tient plus d’une flemme chronique que d’un quelconque jugement de valeur. 

Rien à voir avec Chat Pile dont on a pas mal écouté les deux albums. Sans aller jusqu’à dire qu’on les a poncés, car d’une part on est trop vieux, et d’autre part ce serait largement exagéré, mais on les a tout de même suffisamment écoutés pour être au premier rang de leur premier concert parisien. En réalité, nous n’étions pas du tout au premier rang mais c’est une façon de parler, vous l’aurez compris.

Le groupe attaque avec « I Am Dog Now », le titre qui ouvre leur deuxième excellent album Cool World et qui donnera le ton à une soirée. Chat Pile déroule son sludge noise avec une précision indéniable. Les gars savent jouer dur et juste et le chanteur Raygun Busch tient son rôle de pôle magnétique avec charisme et humour. C’est lui qui cristallisera le mieux la divergence des avis concernant la soirée. Si la majorité est tombée plus ou moins d’accord pour dire que la performance de Chat Pile était excellente musicalement, tout le monde n’a pas apprécié de la même manière le numéro de monsieur Cinéma servi par Busch entre chaque chanson. De Bertrand Tavernier à Agnès Varda en passant par Les Visiteurs et le Diner de Cons, le chanteur de Chat Pile a profité de son passage à Paris pour déclarer sa flamme au cinéma hexagonal. Ça a saoulé certains, nous on a adoré cette alternance de fureur et de discussions de salon à mourir de rire. Il y avait un côté Tom Waits à ce déballage d’anecdotes dont on s’est demandé si elles n’étaient pas ressorties tous les soirs accolées à un autre film ou à un autre moment. OK, ça faisait partie du show et ça a pris une tournure bien caincaine à laquelle on ne s’attendait pas forcément, mais comme on ne s’attendait à rien, on n’a pas été déçu. Les rabat-joie de la soirée argueront que tout ce blabla cassait le rythme et péchait par redondance, on ne leur répondra rien et on se contentera de mettre le plus de mépris possible dans notre regard désolé porté sur leur médiocre personne. Quoiqu’ils en pensent, le rythme était tenu et bien tenu. Sur scène, le riff principal de « Why », tiré du premier LP, God’s Country, sonne plus que jamais comme un rip off réussi de celui de « Dam that River »* d’Alice in Chains, ce qui en soi suffit largement à tout pardonner à Chat Pile. Les interprétations de « Wicked Puppet Dance », avec un super Luther Manhole (guitare), ou encore de « Masc » avec la section rythmique en transe, étaient suffisamment puissantes et habitées pour aider à reprendre aisément le fil d’un concert qui nous a convertis définitivement à la cause Chat Pile.

Un peu moins d’un mois avant que le Thunder n’atteigne les finales de la conférence ouest, le quatuor originaire de l’Oklahoma a largement remporté la victoire sur le public parisien lors de ce qui était leur premier passage dans la plus belle ville du monde. Les esprits chagrins ne pèsent pas lourd au regard du sentiment de libération extatique qui fut le nôtre à l’issue du concert. Ne leur en déplaise, on attendra désormais patiemment le retour de Chat Pile dans notre ville et c’est sûr que ce coup-ci on prendra notes des conseils ciné de Busch, quitte à se retaper Le Dîner de Cons, film qu’on a jamais trop apprécié, la faute à Francis Huster qui nous file de l’urticaire. 

Max

* « Oooooooh you couldn’t dam that river !!! » (NdR : Layne Staley meilleur chanteur du monde)

Setlist : I Am Dog Now – The New World – Wicked Puppet dance – Pamela – Shame – Frownland – Brutal Truth – Camcorder – Why – Tropical Beaches, Inc – Masc – Funny Man – Dallas Beltway.
Rappel : Garbage Man

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