Chat Pile – God’s Country
Dès l’entame, le type semble presque résigné, trainant son foutu spleen dont il ne sait que faire (« Slaughterhouse »), quand il ne se montre pas totalement dépité du sort réservé à bon nombre de ses congénères laissés pour compte (« Why do people have to live outside » sur l’étouffant « Why »). Riffs de plomb, humeur massacrante, idées noires ressassées avec entêtement… Vous pouvez ranger vos tenues bicolores.
Comme souligné par l’estimé rédacteur en chef de new Noise* du nom d’Olivier Drago, il y a parfois du Korn (« Tropical Beaches, Inc. », le riff excessivement crasseux de « grimace_smoking_weed »), d’autres joyeux drilles donc, dans Chat Pile. Mais que cela n’enchante pas outre mesure les fans encapuchonnés de la bande à Davis s’ils en sont restés là (en 99, j’entends), et fasse encore moins fuir les récalcitrants à toute nu metallerie, tant l’affaire est ici autrement plus corsée et moins aguicheuse. Chat Pile ne vendra jamais des millions d’albums, il s’adresse à « ceux qui savent » et pourraient enchanter ceux qui souhaitent être mis au courant. Ce God’s Country est un rappel édifiant que dans la noise, on ne blague pas, que les gnons se collent tout autant si ce n’est plus, à 4 cordes qu’à 6, que si on veut morfler, il n’y a qu’à se tenir préparé. Et dans tout malheur, cordes (vocales et en acier) molestées et désespoir exhibé, il y a du plaisir à prendre. Sans masochisme aucun. Par amour de son prochain, parce que l’odeur du sang a toujours été attractive, si elle ne fait pas tourner de l’œil. Et parce que Chat Pile, sous ses airs de rustre et de colleur de beignes primitif, a davantage à proposer que des armes affûtées. Le quatuor hargneux from Oklahoma ne se contente pas d’aligner les riffs malsains et les coups de gueule sévères, tel un vulgaire copycat d’Unsane, comme je pioche dans mon dictionnaire des synonymes de branlées ultimes. Sinon, on aurait déjà arrêté l’écoute et vous auriez quitté cette page. Vous êtes encore là ? Téméraires, êtes-vous.
Continuons donc. God’s Country, disions-nous, frappe juste également quand il se pare d’atours post punk, à l’humeur méchamment désabusée, jusqu’à ce glaçant « waiting to die » sur fond indus vicié (« Pamela ») et ce « Anywhere » à propos duquel on oserait presque écrire tube, si ce terme n’était majoritairement réservé qu’aux merdes innommables. Mais pour tout amateur de je-m’en-foutisme accentué, il y a incontestablement matière à se délecter. Vacillant entre indus et nu metal (ah ben, on a prévenu), à deux doigts de tomber dans l’une de ces deux marmites bouillantes, « Tropical Beaches, Inc. » fait virevolter. Raygun Busch (nom du bonhomme qui vocifère) fait, quant à lui, étalage d’un large registre, aussi convaincant dans un spoken word alllumé et ravagé, n’attendant que l’immolation (« I Don’t Care If I Burn »), que lorsqu’il invective tel un Eugene Robinson en rut dans ce « grimace_smoking_weed » parfois assez terrifiant dont les 9 minutes claustro en diable, confinent à l’hystérie.
Bref, à moins d’être un peu timbrés, vous ne vous fendrez pas la poire, mais si votre audition ne vous fait pas (encore) défaut (ça viendra, à force de vous enfiler ce genre de sauvageries), vous n’allez pas être déçus du voyage en pays divin.