Bryan’s Magic Tears – Smoke & Mirrors

Publié par le 17 novembre 2024 dans Chroniques, Notre sélection, Toutes les chroniques

(Born Bad, 15 novembre 2024)

Les larmes magiques de Bryan coulent à nouveau, des larmes de joie, encore plus épaisses, cotonneuses, sensuelles et mélodieuses. Depuis les rives de la Mersey, en passant par Rouen pour s’arrêter à Paris, Bryan’s Magic Tears (BMT) poursuit son élévation dans les nuages de guitares avec sa quatrième production. Une montée en puissance peu égalée présentement pour un groupe français, depuis son très bon dernier album, Vacuum Sealed, qui montrait déjà son savoir-faire dans l’art de « regarder ses pompes » à la sauce Stone Roses. Le shoegaze est maintenant à la mode, des centaines de groupes plus ou moins inspirés peuplent les playlists des plateformes, à coup de navettes calme/tempête/calme. BMT ne suit pas le troupeau et sort du lot avec une approche qui sent les heures d’écriture et respire la sincérité, à base cette fois de passages électroniques ciselés et d’harmonies vaporeuses. Les références sont là, c’est évident, Rachel Goswel (de Slowdive), Kevin Shields (My Bloody Valentine), Ian Brown (Stone Roses), les frères Reid (JAMC) rôdent mais Benjamin Dupont (chanteur et guitariste) et Lauriane Petit (bassiste et chanteuse, et quelle basse) les ont laissés à la porte. L’attitude un peu slacker du premier album est derrière eux, le groupe maîtrise son sujet sonique. Loin de la poudre aux yeux (Smoke and Mirrors, le titre de l’ouvrage), il devrait leur ouvrir grand les portes des grands rassemblements indé, et ce ne serait que logique. Si le Pointu Festival existait encore (meilleur festival de France dont les retraités de Six-Fours-les-plages ont eu la peau), on aurait pu savourer leur shoegaze de compétition entre la Méditerranée, la pinède et le rosé tiède. Et vivre un moment suspendu, comme dans cet album.

Après un « Crab Kiss » introductif, un hors-d’œuvre aérien qui laisse entrevoir la beauté du reste du disque, on embarque avec une basse ronde et saturée sur « Stream Roller » avec un Benjamin Dupont très inspiré et maniant à la perfection son timbre mélancolique. Mais c’est « Stalker » qui assoit définitivement le disque, un festival qui convoque Ride, Swervedriver, Slowdive, Stones Roses, Blonde Redhead avec ses virages soniques pris à toute vitesse, guitares en avant et voix nébuleuse. Sur « Beauty and the Beat » (on passe vite sur le jeu de mot), le duo guitariste/bassiste est magnifique d’interaction et de légèreté, que ponctuent des geysers de distorsion. « Deep Blue », comme son nom l’indique, creuse loin, en quasi clôture du disque. On entre alors dans le royaume tordu et cabossé de MBV, mais BMT ne copie pas le Saint-Valentin sanglant, il lui rend hommage à sa manière. Car les cinq Parisiens ont maintenant construit leur propre univers, et le prouvent avec l’élégant morceau final « Lady D » qui se révèle au fil des minutes, pour une conclusion qui nous laisse sur un petit nuage. Longue vie à Bryan, on n’a pas envie de redescendre.

Maxime Guimberteau

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