BIG|BRAVE – A Chaos of Flowers

Publié par le 21 avril 2024 dans Chroniques, Notre sélection, Toutes les chroniques

(Southern Lord, 19 avril 2024)

Septième album pour le trio canadien BIG|BRAVE en quatorze ans d’existence, huitième en comptant celui en collaboration avec The Body, et à peine plus d’un an après la sortie de son prédécesseur, A Chaos of Flowers reprend l’odyssée électrique entamée par le groupe à ses débuts en l’abordant de façon plus intime et avec davantage de retenue, mais toujours en sévère tension.

Portée plus que jamais par la voix de Robin Wattie, ce nouvel album offre des moments de contemplation inquiets et de colère contenue, et fait la part belle à la mélodie blanche et à l’introspection saturée. A Chaos of Flowers signe le retour à la production de Seth Manchester, devenu au fil du temps le quatrième membre du groupe. Il est grandement responsable de l’attrait qu’a sur nous la musique de BIG|BRAVE depuis quelques années et il nous éblouit une fois encore par son traitement impressionnant du son des guitares et par l’anxiété qu’elles parviennent à diffuser, qu’elles soient tranchantes ou lancinantes. Sur le très beau « canon : in canon », par exemple, le groupe fait preuve d’une délicatesse dont il n’a pas l’habitude alors qu’en arrière-plan transparaît toujours cette rage sourde qui peut éclater à tout moment.

Le souci, c’est qu’elle n’éclate jamais vraiment et on peut ressentir de la frustration en se souvenant des moments les plus bruitistes de nature morte ou encore de la performance du groupe lors de la dernière édition du festival du Frisson Acidulé. A Chaos of Flowers souffre par moments d’un manque d’agressivité qui le relègue malheureusement en deçà de son prédécesseur. On n’ira pas jusqu’à parler de déception, car le disque possède bon nombre de qualités, mais on restera sur notre faim et son impact sur nous se révèlera finalement léger. Même les invités, pourtant prestigieux, Marisa Anderson et Tashi Dorji à la guitare et Patrick Shiroishi au saxophone, peinent à marquer le disque de leur empreinte que l’on espérait pourtant plus prégnante.

On découvrira heureusement avec surprise le titre « chanson pour mon ombre », à l’origine un poème de la poétesse féministe Renée Vivien, de son vrai nom Pauline Mary Tarn. Une autrice largement inspirée par Baudelaire, amie de Colette et connue principalement pour ses traductions de la poétesse antique grecque Sappho. Héritière à dix neuf ans de l’immense fortune de son père, elle vécut une vie délétère dans le grand monde parisien, entre débauche alcoolique et travail acharné, avant de se laisser mourir de faim à la suite d’une tentative de suicide au laudanum, à seulement trente-deux ans. Son image de poétesse maudite et son œuvre tout à la fois classique et d’avant garde, correspond d’une certaine façon à l’idée que l’on peut se faire de BIG|BRAVE dont l’œuvre est constamment tiraillée entre plusieurs forces contraires, et comme tordue de l’intérieur par une énergie auto-destructrice. Sur ce titre, pour la première fois de sa carrière, Robin Wattie s’essaye au chant en français et son interprétation bouleversante est à mille lieues de la torture perpétrée en son temps par Léo F. et dont on retrouve aujourd’hui les crimes dans toutes les brocantes et autres ventes de disques d’occasion de France et d’Ile-de-France. Ça valait bien un coup de griffe au patriarcat et il s’agit indubitablement du sommet du disque. Il masque brillamment les quelques fadeurs qui ont alimenté nos reproches un peu plus haut.

A Chaos of Flowers n’est finalement qu’à moitié convaincant alors que nature morte nous avait totalement bluffés. Si le changement de paradigme est à souligner, on ne peut pas dire qu’il soit totalement réussi. N’est pas Bardo Pond qui veut. Toutefois, connaissant ce dont sont capables sur scène les trois de BIG|BRAVE, on leur maintient notre confiance pour nous donner tort à la première occasion. 

Max

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