A.A. Williams – Arco EP
Malgré un bel été indien, il faut se faire une raison… « Les sanglots longs des violons de l’automne blessent mon cœur d’une langueur monotone », comme disait le poète. C’est le moment (parfait) qu’a choisi A.A. Williams pour sortir cet EP intitulé Arco, un peu plus d’un an après son excellent premier album Forever Blue.
Bon, autant le dire de suite, si vous espériez de la nouveauté, c’est raté. Puisque ces 4 titres sont les réinterprétations des titres du premier EP de la britannique datant de 2019. Je ne l’avais jamais écouté, donc je suis (vite) tombé dans le piège de la comparaison et de l’écoute croisée… Et si les corbeaux ne sont toujours pas trop loin, la lumière froide perce encore difficilement un brouillard dense. La voix d’A.A. Williams est ici seulement accompagnée d’un 10-string ensemble. Tout le reste a disparu. Plus épuré, c’est le silence. Débarrassée de toute l’instrumentation discrète mais efficace de l’EP originel (le piano sur « Control » ou la guitare acoustique sur « Belong » et « Cold »), des guitares électriques et de la batterie, la voix se révèle encore plus omniprésente, plus en avant dans le mix. Ça tombe bien, je ne suis toujours pas désensorcelé depuis ma première écoute de Forever Blue. Le choc peut toutefois être brutal si vous venez de passer un mois à poncer le dernier Turnstile en pogotant dans le salon en beuglant « now, it’s a holiday ! ». A.A. Williams signe la fin de partie. Son timbre délicat mais plaintif nous ramène à la fameuse mélancolie automnale et on frissonne quand on imagine les tourments décrits par l’anglaise.
« If I could change all I could
Would it be enough to prove I’m good
Through the years i’ve never told
Anyone that i’ll destroy my own »
Dès « Control », le ton est donné et les envolées de cordes assez superbes n’y changeront rien. Il faut aimer se lover dans cette tristesse insondable. S’immerger sans retenue pour en apprécier la beauté. Et imaginer les cordes sombres de « Cold » se déployer dans une église abandonnée aux vents froids du crépuscule (#fantasmedeconcert). Et quand la voix d’A.A. Williams se fait plus puissante sur la fin, il est temps de pousser un petit soupir. C’est beau. On oublie même de pester contre l’absence de ces guitares électriques sourdes qui convoquaient la tempête sur Forever Blue. J’ai la chair de poule à chaque fois que j’entends le « souffle » des guitares de la dernière minute de « Melt » par exemple. Je n’étais pas convaincu sur le papier de la pertinence du projet mais force est de constater que l’envolée de cordes sur « Terrible Friends » vaut bien celle tout en guitares de la version originelle, la vibe Radiohead en moins toutefois. Le jeu de la comparaison peut être intéressant pour les amoureux du songwriting. Si le premier et dernier titre sont presque identiques en termes de durée (3 et 6 secondes de moins), les deux autres bénéficient d’une petite rallonge d’une trentaine de secondes. Je ne ferai pas de classement pour départager les propositions de ces deux EPs, mais le jeu des différences est savoureux surtout en présence de compositions aussi solides. Si la fin puissante de la première version de « Belong » impressionne (coucou les guitares), A.A Williams sublime la version d’Arco, avec une dernière minute tout en finesse, la voix s’éteignant sous les cordes majestueuses. La chialade.
Intimiste, délicat, sombre mais souvent majestueux, A.A. Williams livre une réinterprétation habitée des 4 titres de son premier EP. On se prendrait même à rêver à une configuration à la Portishead façon Roseland NYC Live. On attend maintenant avec impatience le prochain album de la britannique. Next fall, sans doute.
Sonicdragao