A.A. Williams – Forever Blue

Publié par le 11 août 2020 dans Chroniques, Notre sélection, Toutes les chroniques

(Bella Union, 3 juillet 2020)

On a un peu de mal à s’y faire mais il est désormais de plus en plus fréquent qu’un artiste soit précédé d’une belle réputation avant même d’avoir sorti son premier album. C’est le cas de A.A. Williams qui jusqu’ici ne nous avait offert qu’un EP (réussi, certes) mais qui semblait déjà attendue au tournant. Il faut dire que la demoiselle a déjà collaboré avec Mono (qu’elle retrouvera bientôt sur scène, inch’allah), a tourné aux côtés de quelques petits noms comme Cult Of Luna, Explosions In The Sky ou encore Russian Circles, et durant le confinement, entre deux sorties de singles, elle a offert à ses fans des reprises de Deftones, Radiohead, Nick Cave et autres Nine Inch Nails. Une bonne idée pour donner quelques pistes sur ses influences (plutôt du genre à faire consensus et pas que des francs rigolards, au passage) et, c’est là le plus important, ne pas se faire oublier.

On avait succombé face à Emma Ruth Rundle, on s’était laissé ensorceler par Chelsea Wolfe, il va falloir compter désormais sur A.A. Williams dans la famille des chanteuses tourmentées qui s’empoignent de votre cœur en quelques vers. Et plonger tête baissée dans ce Forever Blue. Le timbre est envoûtant, l’ambiance quelque peu moribonde mais suffisamment travaillée et incarnée pour nous happer efficacement. Car les morceaux de A.A. Williams portent son empreinte, ses cicatrices, sa personnalité.

Et s’il ne fait aucun doute que la voix de double A suffirait à nous embarquer soutenue par quelques accords discrets (écoutez donc les reprises mentionnées plus haut, s’il faut vous en convaincre), les morceaux chargées d’une pesante mélancolie (« Melt » en tête) ne se contentent pas d’un simple accompagnement acoustique, prennent leur envol à grands renforts de cordes (« All I Asked For (Was To End It All) », « Glimmer ») et sont traversés par des montées progressives et explosions soudaines libératrices. Certains y verront peut-être une surcharge dans la mise en scène, railleront le trop plein d’émotions, la recherche de la larme facile, on préfère se réjouir de la puissance évocatrice du disque, soigné jusque dans ses moindres détails, comme un blockbuster parfaitement agencé. Auquel il est aisé d’associer des images et bien difficile de résister. Vous l’aurez compris, le lien entre la musique de A.A. Williams et le post rock/metal est criant et ce n’est donc pas si surprenant d’entendre débarquer le chant guttural de Johannes Persson de Cult Of Luna qui vient terrasser une éventuelle monotonie qui guette, le temps d’un « Fearless » colossal.

Autre invité, Tom Fleming, ancien bassiste de Wild Beasts, qui vient seconder joliment la complainte de la dame sur un morceau un peu plus épuré (cordes caressées et arpèges soyeux font le gros du travail sur ce somptueux « Dirt »).

On est donc bien embêté pour trouver quelque chose à redire à ce Forever Blue qui justifie haut la main les attentes placées en lui. Un disque résolument plombant mais indubitablement étincelant, dont le seul défaut serait peut-être d’être justement un peu trop bien ficelé, que la maitrise prenne le pas sur le lâcher prise. On souhaite à d’autres d’essuyer le même genre de reproches pour leur premier album.

Jonathan Lopez

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