Cypress Hill – Back In Black

Publié par le 17 mars 2022 dans Chroniques, Notre sélection, Toutes les chroniques

(Bmg Rights Management, 18 mars 2022)

La veille de mon anniversaire, j’ai reçu dans ma boite mail un lien d’écoute du nouvel album de Cypress Hill. Il y a vingt ans, ce cadeau aurait fait de moi le plus heureux des hommes, là je me suis contenté d’un sourire timide, dissimulant mal une inévitable pointe d’inquiétude. Retrouver le flow inimitable de B-Real et la patte de ce groupe que je chéris depuis des décennies constituera toujours un plaisir certain mais je me dois d’admettre qu’à l’exception du dernier en date, Elephants on Acid (2018), un bon ton au-dessus, Cypress Hill semblait sur une pente dangereusement déclinante depuis près de vingt ans, à tel point que ledit album n’était pas loin de ressembler à un miracle. Et vous savez ce qu’on dit à propos des miracles… Sur Elephants on Acid, Cypress renouait avec l’enfant prodige DJ Muggs, bien meilleur derrière les platines qu’en interview, et très inspiré ces derniers temps alors qu’il multiplie les collaborations avec les MCs tous azimuts. Cette fois, son agenda de ministre ne lui a pas permis de s’enfermer dans le studio avec ses plus anciens comparses. À moins que ce soit une envie de changement. Toujours est-il que Black Milk a eu la lourde tâche de lui succéder et, sans faire injure à son talent ni son CV (Slum Village, Lloyd Banks, Pharoahe Monch), les garanties n’étaient évidemment pas les mêmes. Le titre de ce nouvel album, Back in Black, au-delà d’une énième référence rock, était plutôt de nature encourageante. Le noir leur va si bien et leurs albums baignés dans des atmosphères lugubres demeurent des chefs-d’œuvre inégalés (pensez Black Sunday et Temples of Boom). Évidemment, on nous fait le coup du revival à chaque fois, donc autant briser d’emblée le semblant de suspense : rien n’atteint ici la perfection des disques sus-cités, même si on sent bien une volonté de stimuler notre fibre nostalgique (on y reviendra). Sur ce disque, Cypress va à l’essentiel. Pas de tentative hasardeuse de dubstep, de featuring reggae ou (nu) metal. Du pur hip hop, sans excentricité. Toutefois, le risque quand on ne propose à l’auditeur que 10 morceaux et à peine plus d’une demi-heure de musique, c’est qu’on n’a guère le droit à l’erreur. Pas de place pour une interlude ou deux, ni pour trois morceaux faiblards comme c’est souvent le cas dans les (trop longs) albums rap. D’interlude, il n’est pas question ici (ouf). Pour ce qui est des morceaux faiblards, en revanche… À mi-album, alors que tout se passait plutôt bien, déboulent coup sur coup « Come With Me » reprenant le refrain du « Hail Mary » de Tupac (un choix qui, à tout le moins, interroge), « The Original » qui ne l’est absolument pas et un « Hit ‘Em » très minimaliste et vite oublié. Dur enchainement sur lequel on n’est pas loin de piquer du nez. Comme si le Dr Greenthumb n’avait que du CBD à offrir. Et puis, très vite, on revit le phénomène classique des singles qui, lors de leur sortie, n’émeuvent guère et qui, finalement au milieu de l’album, s’imposent comme les titres les plus marquants. Jamais très bon signe. Ainsi, le « vrai » single « Open Ya Mind » où B-Real se la joue Peter Tosh (« Legalize and I’ll advertise ») et dénonce… les dérives du business de la légalisation de sa substance adorée en Californie (les temps changent !), s’appuie sur une basse cannibale et un refrain au sérieux goût de reviens-y. Dans un registre plus downtempo, « Champion Sound », sorti il y a près d’un an alors qu’il n’était alors même pas question d’un album, séduit avec son beat percutant et ses chœurs envoûtants. Ce ne sont heureusement pas les seuls morceaux à retenir. Sans faire de miracles (on avait prévenu), Black Milk s’en sort avec les honneurs et propose des productions relativement variées et d’un bon niveau global. « Takeover » s’imposait d’emblée comme une entame entrainante réussie avec un Sen Dog dans son rôle habituel de cabot enragé sur le refrain. Le sombre et saturé « Bye Bye » (« Boom Biddie » n’était pas dispo) parvient également à se montrer efficace sans sonner comme une éternelle redite. Mais la redite, à petites doses, a parfois du bon. Habitué du recyclage, le Hill ressort en fin d’album son sample poussiéreux et mythique « Some people tell me that I need help » (complété à l’origine par, TOUS EN CHOEUR : « some people can fuck off and go to hell »). Le clin d’œil ne laisse pas insensible le nostalgique, et ce « The Ride », empreint d’un certain mysticisme finalement très Muggsien, donne l’illusion (vous l’avez ?) d’un Cypress au sommet. Mais les sommets entrevus ne sont que mirages bien furtifs et si Cypress Hill n’a pas à rougir de cet album, par trop inégal, mais au demeurant solide, il n’a pas non plus de quoi l’exhiber fièrement vu son passé glorieux. Sans surprise, Back in Black ne rejoindra pas ses quatre premiers albums cultes et inégalables, et risque d’aller se ranger bien sagement aux côtés des plus anecdotiques et mineurs Rise Up ou Till Death do us Part. Ceux qu’on ressort très rarement. Et certainement pas dans les grandes occasions.

Jonathan Lopez

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