Cypress Hill – Black Sunday
Même si Cypress Hill n’est plus à présenter, une piqûre de rappel ne fait jamais de mal. Groupe de hip hop américain formé en 1988, Cypress Hill est initialement composé de deux MC, B Real et Sen Dog et de Dj Muggs aux platines, rejoints plus tard par Eric Bobo à la percussion. A leur actif 8 albums studios, 3 EP, diverses compilations dont une exclusivement interprétée en espagnol, le tout publié entre 1991 et 2012.
Avant de se lancer dans le rap, les frères Reyes alias Sen Dog et Mellow Man Ace faisaient partie d’un gang le “Family Swan Bloods”. Ils poussent leur pote B Real à les rejoindre, lequel deviendra dealer, et pour la petite histoire se prendra une balle de 9mm, qui lui perforera un poumon. Une mésaventure qui les a poussés à se ranger et à se consacrer à l’écriture. Rejoints par Muggs, producteur à New York, ils fondent Cypress Hill, du nom d’une rue de leur banlieue de Los Angeles, Southgate.
Le premier album éponyme du groupe, sorti en 91, a déjà conquis un large public, séduit par ce hip hop funky, aux sonorités latinos dont les titres “Latin Lingo”, “How I Could Just Kill A Man”, “Hand On The Pump” sont les fers de lance.
Très attendu, c’est en juillet 1993 que sort Black Sunday. On distingue très vite un premier changement avec cette pochette sombre et lugubre où une colline surplombe des tombes et des squelettes. Un choix qui reflète davantage une identité rock que hip hop. Reste à savoir si cela se confirme à l’écoute de l’album.
La sirène de “I Wanna Get High” retentit et sera présente tout au long du titre, une basse lourde se superpose. Ça c’est pour le fond. La forme c’est B-Real, de sa voix nasillarde reconnaissable entre mille, qui s’en charge sans son compère Sen Dog. L’atmosphère s’est assombrie, le choix de la pochette n’était vraiment pas anodin. Le cultissime “I Ain’t Goin’ Out Like That”, confirme la direction musicale du groupe. “The Wizard” de Black Sabbath samplé, l’influence rock des membres prend place dans un milieu hip hop très réticent à l’époque sur ce type de fusion.
Quelques tentatives avaient fonctionné toutefois, on se souvient du coup d’éclat de Run DMC et d’Aerosmith sur “Walk This Way” en 86 qui avait mis tout le monde d’accord, et l’émergence de groupes comme Rage Against The Machine.
Muggs a su malgré tout conserver et adapter le son qui avait fait connaître Cypress Hill, les influences du funk décalé façon Georges Clinton, trouvent encore une fois leur place. “Hits From The Bong”, hymne cannabique par excellence, et “Insane In The Brain”, seront les principaux singles de cet album, et deviendront des succès planétaires.
Les titres s’enchainent avec cohérence, les lugubres et incisifs “Lick A Shot” et “Cock The Hammer” fracassent tout sur leur passage, faisant oublier le côté cool et dejanté de “Insane in the brain”. Le flow ciselé et percutant de B Real est parfaitement maitrisé, Sen Dog, un peu plus discret, apporte un contraste sur ses couplets et un appui sur les refrains. Les instrus de Muggs font mouche, basse omniprésente, agrémentée de quelques samples et effets qui vont bien. Sans trop en faire, il a trouvé sa marque de fabrique qui fera de lui l’un des DJ/producteurs les plus convoités du hip hop dans les années qui suivirent la sortie de cet album.
L’album n’est pas parfait pour autant ; sa durée relativement courte (43 minutes) est frustrante, et la seconde partie est beaucoup moins exaltante, les morceaux semblent moins travaillés (“A To The K”, de même que les 2 derniers tracks). On comprendra mieux lorsque les membres admettront que la pression exercée par leur maison de disque, les a poussés à accélérer les choses, à bâcler un peu le travail, et à faire du remplissage.
Sans être parfait, Black Sunday a tout d’un grand. Son ambiance particulière, son originalité, ses multiples influences et ce don de franchir les frontières musicales contribueront à l’inscrire à jamais au panthéon du hip hop.
Il a permis au groupe de jouer dans les plus grands festivals (Woodstock, Lollapalooza…) et même de créer le leur quelques années plus tard (le Smoke Out), de faire des tournées partout dans le monde, de multiplier les collaborations avec les meilleurs artistes du milieu hip hop (Fugees, Dr Dre, Snoop Dogg, Method Man, Beastie Boys…) et de la scène rock alternative (Deftones, Pearl Jam, Sonic Youth, RATM…)… sans oublier d’en faire l’un des ambassadeurs numéro 1 de la Ganja !
Même si le groupe a livré durant sa carrière des albums de grande qualité (Temples Of Boom, IV, Skull & Bones, Stoned Raiders), Black Sunday reste leur référence absolue.
20 ans après sa sortie, cet album n’a pas pris une ride, son écoute est toujours aussi plaisante et actuelle, on ne s’en lasse pas. À écouter au moins une fois, il s’accommodera parfaitement lors d’une soirée posée et/ou enfumée.
Julien Robin