Fontanarosa – Take a Look at the Sea
Il est un label français dont je suis avec attention les sorties. D’autant plus quand (res)surgit le nom d’un groupe croisé sur disque. Il y a deux ans, Fontanarosa, et son premier album, l’excellent Are You There?, sorti chez Howlin Banana Records , m’avait conquis. Depuis, quand des envies d’indie-rock mélodique et mélancolique se font sentir (c’est à dire quand même souvent), il repasse régulièrement sur ma platine.
À l’écoute de ces douze nouveaux titres, le groupe mené par Paul Verwaerde confirme qu’il est un des noms à suivre sur une scène française pourtant pas avare en ce début 2024. On en parle souvent par ici. Il y a une évidence mélodique et un talent vocal indéniable dans ces chansons. On pourrait croire que le motif de la chaise déjà entrevu sur la pochette du précédent disque évoque le surplace ou l’immobilité. Il n’en est rien. La chaise est au milieu de la mer. Comme une bouée fragile sur le chemin d’une navigation incertaine. Car ces chansons (les titres sont assez clairs) invitent au voyage, à la contemplation et à s’affranchir du temps, comme le suggère l’élégant interlude « Take Time » ou le final et boisé « Hang the Picture ». Au centre du disque, on apprécie ainsi le rythme tranquille de « Sundown », les pieds dans le sable, à écouter le clapotis des ondes qui s’échouent doucement sur le rivage, le jour déclinant. Si la mélancolie est au rendez-vous, point de sinistrose. Le ciel est clair, le soleil darde ses rayons les plus lumineux. Comme chez En Attendant Ana, on retrouve souvent l’envie de courir aussi vite que le vent le long d’une plage ou de sauter partout dès qu’une ligne de basse pointe ses grosses cordes. En début d’album, l’enchainement de l’enjoué « Here, somewhere » et du single « Heartland » à la basse post-punk est ainsi parfait pour chasser tout nuage errant. Dans le clip du single qui ouvre ce disque, « Door to Door », on peut voir Paul Verwaerde, seul, dans la nature ou le long d’une plage, cette fameuse chaise posée face aux flots. Des vagues parfois violentes, parfois placides, qui dessinent dans des teintes monochromes toute la dualité de ces chansons.
I was sleeping over
Eyes open by the night
I’ll only feel fulfilled when
I will see back your light
Le groupe, alors à peine formé au moment du premier disque, n’y est pas pour rien. Servi par une production au cordeau, il alterne aujourd’hui (avec bonheur) compositions délicates (« In the Meantime », « What a Day ») et (légers) coups de sang, plus ou moins électrifiés. En témoignent les excellents « Untie » ou « Dear Rising Dawn » sur lesquels les guitares délaissent presque leurs lignes claires et mélodiques pour un grain bien plus rugueux. Ou ce gimmick sonore inattendu sur « Endless Tracks » qu’on aurait aimé retrouver plus souvent. Paul Verwaerde n’est plus seul à l’élaboration des chansons, une dynamique de groupe s’est instaurée, les arrangements se sont enrichis, même si sa voix survole toujours l’ensemble, bien en avant dans le mix, comme un phare éclaire la mer dans la nuit la plus sombre. Sur « Care », le quatuor signe ainsi un des sommets du disque d’un titre à l’ampleur insoupçonnée où l’on sent poindre quelques influences post-rock ou shoegaze. Le rythme lent, régulier, enfle, reflue comme une marée monte et vient se briser sur les rochers. Assez splendide. Il est presque étrange de ne pas le retrouver en dernière piste d’ailleurs.
Amateurs de mélodies ligne claire et d’indie-rock élégant, voici donc un nouveau fleuron discographique d’un de nos meilleurs labels hexagonaux. Le printemps débute à peine, mais il nous tarde déjà de trouver une plage (déserte) où céder à la rêverie sans se soucier du temps qui passe. Un plaisir rare mais précieux. Take a Look at the Sea. Voilà un beau programme.
Sonicdragao