Watertank – Liminal Status

Publié par le 12 avril 2024 dans Chroniques, Notre sélection, Toutes les chroniques

(Autoprod, 5 avril 2024)

Le post-hardcore 90s ou heavy shoegaze a bonne cote depuis un petit moment, ça commence à se savoir. Entre les retours triomphants de Failure, Quicksand ou Hum, les patrons qui refusent de céder le fauteuil (Deftones), les héritiers qui font le boulot (Spotlights, Narrow Head ou Nothing, même si on regrette un fléchissement de ces derniers mais on est visiblement les seuls dans ce cas), il y a de quoi s’amuser… En France, on sait faire aussi mais on est bien moins exposé. On avait beaucoup aimé Untitled With Drums et Watertank ferait presque figure de vieux de la vieille à force. En tout cas, difficile de le taxer d’opportunisme puisque de l’eau a coulé sous le tank depuis ses débuts en 2003 et le line-up a même subi une refonte en 2020.

Qu’importe, la section rythmique fait le (sale) boulot et assure toujours les arrières, garantissant des fondations aussi solides que déliées, non avares en subtilités (les roulements malins de « Sneeze Season », l’intro de « The Long Face »). La production franche du collier signée Christophe Hoggomat est d’une efficacité incontestable. Le son saute à la gorge. Le quasi punk « Cut Gum » déboule ainsi en force avec sa ligne de basse tout terrain, son refrain bien heavy mais les contrastes demeurent éclatants, ici et là (sur « The Long Face » par exemple), les atmosphères les plus lugubres sont soudainement traversées de délectables éclaircies le plus naturellement du monde, le rythme chute brutalement ou se rehausse subitement. On ne tombe pas toujours de la chaise, on a parfois le sentiment d’avoir déjà emprunté ce chemin-là et on y retrouve les cailloux laissés par les pontes du genre sus-cités mais cela demeure de la belle ouvrage. Et puis, il y a toujours cet aspect qui fait la force/singularité de Watertank et en rebutera d’autres : le groupe n’hésite pas à mettre son chanteur Thomas Boutet en avant, lequel se met à nu sans coup férir, dans un style très emo. Cela peut se révéler à double tranchant. D’abord, toutes les brutes ne s’y retrouveront peut-être pas face à tant de délicatesse (ou de sucreries). Mais quelque chose nous dit qu’ils ont de toute façon déjà lâché l’affaire depuis longtemps. L’identité vocale de Bouter demeure un atout, attention toutefois, l’expérience nous a prouvé que des morceaux qui frappent par leur immédiateté peuvent avoir plus de difficultés à passer l’épreuve du temps. On éprouve ainsi une certaine lassitude à mi-chemin (dans la foulée du morceau-titre bien poppy, le refrain un peu pénible de « Skyward »). Étonnamment, la ballade sur coussins d’air façon Failure « Solely Mine », certainement le morceau le plus pop et radio-friendly ne souffrira lui d’aucun reproche, tant il est maitrisé et fait indéniablement figure de highlight de l’album. Les cosmonautes en herbe se régaleront mais les tocards le cul vissé sur leur canapé (oui, nous) devraient s’y retrouver également.

Watertank n’a rien laissé au hasard, celui-ci faisant parfois mal les choses. « Clean Shot » en fin de course vient entériner ce dont on ne doutait plus depuis un moment : le savoir-faire de ces gars est impressionnant, ce quatrième album est remarquablement abouti et tant pis (?), non tant mieux, s’ils expriment le besoin de le clamer haut et fort. Il n’est pas interdit d’être ambitieux, surtout quand on est talentueux.

Jonathan Lopez

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