Untitled With Drums – Hollow
Son chanteur (et bassiste) l’assure : Untitled With Drums est un groupe qui donne sa pleine mesure sur scène. On veut bien le croire tant sa musique tout en ruptures, en longs déploiements et déflagrations soudaines, semble conçue pour nous faire frémir de bonheur en live. On n’est peut-être pas prêt de pouvoir le vérifier mais en attendant, on peut déjà faire tourner sans relâche Hollow et s’y projeter mentalement.
Le groupe clermontois n’avait jusqu’alors sorti qu’un EP très prometteur, éponyme stylisé en S/T/W/D. Prometteur, bien foutu, mais encore un peu « gentil », donnant davantage dans le shoegaze réconfortant (malgré quelques saillies métalliques) que dans le post-hardcore décapant. Pour ce premier album, Untitled With Drums a musclé son jeu en confiant sa prod au maître suisse Serge Morattel, connu pour ses méfaits auprès de Ventura (qu’on aime d’un amour démesuré ici), Knut et autres Year Of No Light. Des groupes à la puissance de feu indéniable mais sachant également soigner les atmosphères, et convoquer tout un panel d’émotions. Des grands groupes, ça oui. Et des grands groupes qui SONNENT.
Ce Hollow sonne lui aussi, et nous le prouve sans plus attendre en nous rentrant dedans avec virulence dès le coup d’envoi donné. En quelques secondes, nous voilà à terre, assommés par les riffs puissants et la basse massive de « Play With Fire ». Peut-être pas le morceau le plus fin de l’album mais qui a le mérite de nous plonger d’emblée dans le bain (d’eau bouillante). Nos enceintes aiment ça, pas de doute là-dessus. Et elles n’ont pas fini de ronronner.
Par la suite, Untitled With Drums déploie ses autres armes, d’un calibre similaire à celles d’un Cave In ou Failure (excusez du peu), envolées et atterrissages sur le train arrière (l’arrière-train ?) inclus. Il y avait donc de quoi faire un album respectable et il y a même tout pour faire un disque indispensable, dès lors qu’on y adjoint des refrains puissants et rapidement assimilés (on vous met au défi de vous défaire de ceux de « Stasis », « Amazed » ou « Passing On »). Le chant de Martin L.B. draine l’ensemble avec aplomb et sait se faire aussi autoritaire que mélancolique (la somptueuse « Amazed », toujours elle), rappelant parfois celui de Chino Moreno sur les parties les plus calmes et atmosphériques (« Silver »). Mais on ne serait probablement aussi comblés et enthousiastes sans la présence de ces climats orageux savamment maitrisés (l’intro suspendue de « Revolve », le superbe pont de « Hex »), où les humeurs varient, les tempos s’apaisent et les instruments respirent, pour notre plus grand bonheur. En fin d’album, c’est d’ailleurs non loin du post-rock que se profile la fin de ce voyage mouvementé avec des plans en apesanteur parsemés d’arpèges d’une splendeur insolente (« Strangers »).
Si la musique de Untitled With Drums évoque indéniablement les glorieuses années 90, ses compositions « post-un peu tout » incitent à regarder au-delà, à scruter l’horizon qu’on espère plus joyeux. Quand nous sortirons de ce mauvais film de science-fiction, qu’on pourra remettre à nouveau nos pieds dans des salles de concert, enquiller les bières avec nos potes, soigner les maux actuels à coups de riffs terrassants. À ce moment-là, on ira vérifier ce qui sonne comme une évidence : ce groupe est bâti pour la scène. En attendant, qu’ils n’hésitent pas à plancher sur de nouveaux albums. On prend aussi.
Jonathan Lopez