Troy Von Balthazar – It Ends Like Crazy
Après avoir connu la frénésie des grandes villes (Los Angeles, Berlin) et du sud de la France, Troy Von Balthazar s’est reclus dernièrement dans un coin paumé du fin fond de l’Europe pour retrouver la quiétude. Un cadre qui, au vu de son caractère très réservé et de ses compositions, semble coller on ne peut mieux avec le personnage.
Car depuis qu’il a débranché sa guitare et cessé de faire du bruit avec Chokebore (au grand dam des gens de goût), TvB nous offre à intervalles réguliers des œuvres éminemment personnelles et profondément touchantes (pour le plus grand bonheur des gens de goût).
It Ends Like Crazy ne déroge pas à la règle. Enfin, pas tout à fait. Admettons-le d’emblée, ce nouvel album ne semble pas avoir la puissance émotionnelle de ses prédécesseurs.
La raison est aussi simple que terriblement frustrante : il en a trop mis. Sur Knights Of Something, Troy s’était dégoté un ancêtre enregistreur, le Tascam 388, et il faisait joujou avec des synthés désuets. Ici, il a poussé le délire un peu plus loin encore. Un peu trop loin à notre goût. L’épure est souvent son meilleur allié et sur ce disque, si les moyens semblent comme d’habitude dérisoires, si le tout sonne très lo-fi, certains morceaux sont un peu trop chargés, pour ne pas dire pompeux (“Love Me Don’t”, “Lullaby For Psycho” ou “Hell”, noyés sous les effets et les nappes synthétiques).
TvB met pourtant toujours autant de cœur dans ses chansons et sa voix constamment sur un fil fait mouche. Comme si elle pouvait céder d’un instant à l’autre, comme si son monde menaçait à tout moment de s’écrouler.
Mais obnubilé par sa quête de nouvelles sonorités, son désir d’enrober le tout joliment, il en aurait presque oublié qu’il sait jouer de la guitare (et plutôt très bien). Nous on s’en souvient, et cela nous manque un peu parfois. Ainsi, quand il nous offre de menus arpèges (“Impale”) ou quand il se contente d’une mélodie sobre et raffinée (“Big Fat Tear”, “I Put Out”, “Filthy Days”), on retrouve notre Troy adoré, celui à qui il suffit d’un rien pour nous briser le cœur. Celui qui se fait malheureusement un peu trop rare sur cet album.
On n’osera rien reprocher à cet artiste qui fait ici tout lui-même, persiste à fuir la modernité comme la peste et demeure d’une sincérité sans faille. Et maintenant qu’il a sorti autant d’albums solos que de disques de Chokebore (cinq), il est plus que jamais légitime à mener sa barque comme il l’entend. On espère juste qu’il reviendra bientôt à plus de minimalisme ou renouera avec ses bonnes vieilles guitares d’antan (comme dans son passé grungy ou sur le remarquable How To Live On Nothing).
Jonathan Lopez