The Young Gods @ La maroquinerie (Paris), 22/03/19
Quand on n’a jamais vu les Young Gods sur scène, que l’on revisite à rebours leur imposante discographie pour rattraper le temps perdu et demeure sidéré par la variété de leur palette, on se demande bien à quoi s’attendre lors de leur passage à la Maroquinerie.
Pourtant, au fond, il ne fallait pas chercher bien loin. Leur science du son les précède ? Le son fut prodigieux. Puissant, subtil, précis, terrassant, envoûtant. Prodigieux.
Leur dernier album est un bijou downtempo, beaucoup plus axé sur les ambiances que sur la violence sourde des débuts ? Les morceaux interprétés (l’intégralité du disque a été joué) furent d’une folle intensité, emprisonnant tout l’auditoire dans un voyage hors du temps. Un voyage dont personne n’oubliera le fabuleux enchaînement “Tear Up The Red Sky”- “All My Skin Standing”, aux atmosphères dub, tribales puis aux fulgurances indus, comme si Trent Reznor était sorti de la pénombre d’un coup d’un seul. Ce n’était pas lui mais bien Franz Treichler, l’un de ses maitres qui, habité tout du long tel un chaman en transe, sera même parvenu à se sortir du terrible traquenard de la déstructurée au possible “Moon Above”, qui ressemblait presque à une chanson ce soir-là, même avant que son harmonica ne retentisse et fasse frissonner les premiers rangs.
Après nous avoir fait décoller très haut et négocié brillamment quelques secousses, après avoir transfiguré avec une classe folle le classique et furieux “Envoyé” en un récital tribal électro hardcore de 10 minutes, les Young Gods se sont chargés de répondre à l’une des dernières questions qui trottaient initialement dans notre esprit : toujours jeunes et fringants quand il s’agit de revenir sur leurs années folles ? Notre insolense fut balayée, terrassée par une fureur divine. La Maroquinerie s’est alors muée en fournaise irrespirable. Chacun, cheveux grisonnants ou non (oui, en grande majorité), s’entrechoquant joyeusement, savourant des retrouvailles avec quelques monuments d’antan (“Kissing The Sun”, “Gasoline Man”, “Skinflowers”). Initialement peuplée d’admirateurs extatiques, la salle n’était plus qu’une fosse aux lions à qui on aurait jeté du bœuf Kobe.
Jeff Gilbert, journaliste de The Rocket, a dit un jour à propos de Nirvana “comment font trois mecs pour sonner comme s’ils étaient neuf ?“. La question se pose ici, et on aimerait ajouter comment une seule guitare, un sampler et une batterie produisent un tel raffut ? Comment Bernard Trontin fait-il pour accoupler à merveille ses parties de batterie aux machines domptées par Cesare Pizzi, au point qu’on ne sache plus tout à fait qui joue quoi (mais on n’en a sacrément rien à foutre tant on prend notre pied) ?
On a donc eu les réponses aux questions qu’on se posait avant la soirée, mais de nouvelles interrogations se bousculaient dans notre tête au moment de quitter la salle, un brin sonnés (et pas que par les bières). Le meilleur moyen de trouver des explications sera de remettre ça le 24 novembre à La machine du moulin rouge, d’ouvrir grand les yeux et les oreilles pour ne pas manquer une miette du nouveau miracle prodigué par ces jeunes dieux très expérimentés, et inégalables.
Jonathan Lopez
Setlist : Entre En Matière – Figure Sans Nom – Tear Up The Red Sky – All My Skin Standing – Moon Above – About Time – Envoyé – You Gave Me A Name.
Rappel : Kissing The Sun – Gasoline Man – Skinflowers.
Rappel 2 : Everythem