The Psychotic Monks – Private Meaning First
Mais qui sont ces moines psychotiques dont vous n’aviez jamais entendu parler il y a à peine un an et dont le nom circule depuis dans tous vos médias alternatifs préférés ?
Déjà, ils sont chez Vicious Circle qui compte en ses rangs beaucoup de vos artistes préférés (Troy Von Balthazar, Shannon Wright, It It Anita, Lysistrata…). Ensuite, ils ont fait grand bruit lors de leurs passages à Rock En Seine et aux Transmusicales l’an dernier. Et pour m’être rendu à Rock En Seine qui avait oublié de programmer du rock l’an dernier, croyez-moi ça faisait du bien.
Il n’est pas toujours évident de découvrir un groupe sur scène mais dans ce cas précis, rares sont ceux qui sont restés de marbre. Puissance, présence scénique, intensité, interprétations fiévreuses, ces vieux briscards d’une vingtaine d’années connaissent leur affaire.
A l’inverse de leurs concerts qui vous percutent de plein fouet, vous font vivre une expérience frontale chargée d’électricité, il n’est pas chose aisée de s’imprégner de Private Meaning First. Un disque divisé en deux chapitres, pas de quoi effrayer de prime abord mais ça vous donne quand même une petite idée de l’ambition de la bête. Dire qu’il nécessite bon nombre d’écoutes semble être le moindre des avertissements.
Les Psychotic Monks aiment la complexité et leur deuxième album ne s’offre certainement pas aux premiers venus. En lançant l’écoute la première fois, vous aurez un peu le sentiment de vous retrouver au pied d’une immense pyramide, persuadé qu’elle recèle bien des trésors, mais bien incapable d’en trouver l’entrée. Bref, vous tournerez en rond avec l’air con. Et frustré. Et puis, à force de guetter la moindre ouverture, vous apercevrez une brèche bien planquée et vous y engouffrerez. Pour n’en ressortir que bien plus tard, après une visite approfondie.
Le premier chapitre s’ouvre sur l’intrigante “(Every Word Has To Be Told) Pale Dream”. Atmosphère pesante, mots murmurés, dérouillée à venir. Et puis c’est l’heure d’en prendre plein la gueule, plein les dents avec l’imposante et perchée “Isolation” qui renvoie aux géniaux Disappears. Les guitares sont sèches comme des coups de trique, la rythmique martelée, la menace à peine voilée. Entre psychédélisme sombre et mastodonte sans pitié.
Plus incisive et moins sournoise, “A Coherent Appearance” dégaine des riffs sauvages qui finiront par se mettre en retrait progressivement pour mieux laisser libre cours au BRUIT, à l’INCERTITUDE, à LA FOLIE. Ces moines-là ne vous prendront jamais la main pour vous guider en toute tranquillité là où vous êtes bien, ils préfèrent vous larguer en plein chaos. “Minor Division”, pièce majeure du disque, qui ferait passer Joy Division pour un groupe de zouk, s’achève ainsi dans la plus grande confusion et vous poussera à vérifier à maintes reprises si une poussière ne s’est pas incrustée sous le diamant de votre platine. Non, tout est normal.
Le deuxième chapitre (du 5e au 9e morceau) semble plus apaisée jusqu’à ce qu'”Emotional Disease” vire à l’hystérie. Bien ficelé, le post punk de “Confusions” peine pourtant à éveiller autant d’intérêt que ce qui le précède. 3 minutes au compteur seulement, de quoi passer pour une chanson bâclée face aux monolithes qui l’entourent. Mais c’est aussi l’occasion de souffler un peu avant d’affronter de nouvelles chapes de plomb.
Plombés vous le serez, souvent. Captivés aussi, très certainement. Pour renforcer l’immersion, les mots sont parfois répétés à l’envi pour laisser place à la transe qui semble habiter le chanteur (“it’s just a coherent apearance” sur “Coherent Apearance”, “we have reached the other side and since we have emotions” sur “Closure”) jusqu’au chant agonisant de l’épilogue “Every Sight”.
Le voyage est éprouvant mais il vaut le coup d’être vécu. On y va d’abord à reculons et puis on se surprend à y revenir régulièrement, quand on se sent prêts à affronter cet imposant bestiau qui fascine toujours un peu plus…
Jonathan Lopez