The Poison Arrows – Crime and Soda

Publié par le 15 juin 2023 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(Solid Brass, 16 juin 2023)

Il y a un peu plus d’un an, nous avions quitté le trio de Chicago avec ce que nous pensions être alors son meilleur album, l’excellent War Regards. Il avait été enregistré avant la pandémie, mais n’était sorti qu’après, changeant quelque peu le rythme habituel du groupe, et le nôtre. De l’eau a coulé entre les deux enregistrements et ce nouvel album, Crime and Soda, nous apparaît comme un nouveau coup de maître, peut-être encore un cran au-dessus de son prédécesseur.

Plus inspiré que jamais, plus mélodique et plus mélancolique aussi, The Poison Arrows nous montre ici sa face la plus sensible. Le groupe s’affiche paradoxalement plus libre, quand bien même il ne s’éloigne pas d’un iota de l’esthétique math rock qui est la sienne depuis ses débuts. C’est dans la maîtrise de son sujet et dans la justesse dont il fait preuve qu’il franchit un palier et se montre en passe de changer carrément de statut. 

Justin Sinkovich (voix, guitare, clavier) semble avoir apporté un soin tout particulier tant à sa performance vocale qu’à son jeu de guitare. L’une se fait étonnamment grave et profonde quand l’autre se montre étrangement séduisant et remarquable. Jamais la guitare de Sinkovich ne nous avait fait tendre l’oreille plus que de raison. Sur ce disque, c’est presque sur chaque titre, que l’on se prend à essayer de décortiquer un riff ou un solo (oui !), chose que nous ne faisons quasiment jamais. Nous pensons notamment à « Crime and Soda », qui donne son nom à l’album, ou encore à « Mercurial Moment Erased » qui l’ouvre et le lance.

La basse de Patrick Morris sonne d’autant mieux que cette guitare la survole et la frôle jusqu’à créer des perspectives nouvelles. Le dialogue entre les deux impressionne et nous pousse, sur « The Joy Amber Scam » par exemple, à essayer de démêler le pourquoi du comment tout en tapant du pied et en se laissant porter par un groove irrésistible et tout en maîtrise.

L’univers de The Poison Arrows ne s’en trouve pas si radicalement changé, mais on le redécouvre néanmoins indubitablement enrichi. Les détails sont nombreux, les ombres plus profondes se frôlent avec davantage de lumières dont on peine à déterminer la source. Les angles sont affûtés comme jamais et le labyrinthe qu’ils dessinent se devine vaste et tentant comme une promesse d’aventure et de mystère. C’est du Borges à la manière math rock… ou quelque chose comme ça. Avec des titres comme « Asynchronus Empire of Isotopes », nous ne pensons pas nous tromper de trop.

Crime and Soda est toutefois un album homogène, parfaitement structuré du début à la fin. Il n’y a que le titre « All this Kids » qui pourrait faire figure d’exception avec son petit côté Mudhoney, si seulement la guitare avait eu plus de fuzz et la voix plus de pif.  Au-delà de cet écart, qui n’en est pas un, The Poison Arrows impressionne durablement et jamais nous n’avions ressenti le besoin de revenir aussi souvent sur un de leurs albums, alors que c’est un groupe que l’on suit depuis le premier jour.  Parce qu’il a trouvé le parfait équilibre entre musique complexe et sensibilité, il nous offre son œuvre la plus réussie et la plus importante. 

Le fait qu’on ait plus ou moins dit la même chose dans notre précédente chronique  prouve le changement de statut que l’on évoquait plus haut. The Poison Arrows quitte l’ombre pour la lumière et compte désormais parmi les plus fiers représentants d’une certaine idée de la musique indépendante née dans les années 90. 

Max

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