The Love-Inns – Split Lip
Il y a un moment où on se rend compte qu’on vieillit. Si la chute des cheveux, la difficulté à se remettre d’une soirée arrosée ou la propension plus fréquente à préférer rester posé chez soi plutôt que de sortir ne suffit pas, on peut aussi compter le nombre de fois où, avec l’attitude blasée de circonstance, on écoute un disque en se disant “en ce moment, plus rien ne me fait d’effet. Et ça ressemble à tel ou tel groupe.” On peut aussi prendre un coup de vieux en se rendant compte qu’on est passé à côté de beaucoup de sorties musicales alors qu’on avait l’habitude d’écouter tout ce qui sort, qu’on a le coup de foudre pour un album qui n’existe qu’en format dématérialisé (“quoi ? Un album peut sortir autrement qu’en vinyle ou en cd ??”) ou que les musiciens qui ont écrit l’album en question n’ont même pas – ou à peine – vingt ans. Pourtant, on devrait savoir que le rock est un truc de jeunes, mais la plupart des gens qui en parlent sont des vieux cons blasés et nostalgiques, ça induit en erreur…
J’imagine que vous vous foutez complètement de mon coup de vieux et que vous préférerez que j’aborde mon coup de foudre. Je mentirais en vous disant que The Love-Inns ne m’évoque absolument aucun autre groupe, elles ont quand même un morceau qui s’appelle “Nirvana” et un autre “Glown (In Bloom)” et je ne serais pas étonné qu’elles aient été bercées au punk rock féministe et engagé des années 90 et à la formule LOUDquietLOUD, mais leur arme pour dépasser la nostalgie blasée, ce sont simplement d’excellents morceaux. Énergie punk conjuguée à des mélodies pop simples et efficaces, le tout avec des harmonies vocales bien troussées, et des voix qui se complètent super bien en plus. Il n’en faut pas davantage pour me convaincre, et je ne peux que vous renvoyer au pont de “Dust Factory” où les deux voix se retrouvent seules avant que les instruments ne reprennent pour tenter de convaincre à mon tour, l’effet est redoutable. C’est bien simple, le disque (pardon, l’album, il n’y a pas de disque…) ne contient que des tubes potentiels assez irrésistibles et ce, que The Love-Inns fassent dans le punk débridé (“Don’t hit On Me”), calment le jeu (“Basterd”, “Summer Leaves”) ou opèrent dans un registre plus indie rock (“Nirvana”, “Asthma”). Ajoutez à ceci que le groupe sait placer le petit plan judicieux qui sublime un morceau (le ralentissement final de “Fuckboi”, autre putain de tube, ou l’accélération au milieu de “Split Lip”) et vous comprendrez pourquoi il n’y a absolument rien à jeter. Et que si j’avais découvert ce disque un peu plus tôt, il se serait facilement frayé un chemin dans mon top 10 de 2017.
Alors peu importe que je sois vieux, que les 3 membres de The Love-Inns soient jeunes, ce qui compte c’est que Split Lip est un putain d’album, que leur musique est excellente et que j’espère qu’elles nous sortiront encore des disques de ce niveau pendant de nombreuses années… mais en physique, si possible, parce que quand même, je suis un peu trop vieux pour ces conneries digitales…
BCG