The Jesus and Mary Chain – Glasgow Eyes

Publié par le 20 mars 2024 dans Chroniques, Notre sélection, Toutes les chroniques

(Fuzz Club, 22 mars 2024)

Il est une impression qu’on aimerait ne jamais dégager : celle d’être blasé. Perdre la passion,  voir son enthousiasme s’étioler progressivement, se transformer en connards hautains (non, on ne l’est pas encore tout à fait) prompts à dégommer tout ce qui a le malheur d’atterrir entre nos oreilles… Autant mettre alors fin à la mascarade. Pour l’heure, l’annonce de la sortie d’un nouvel album de Jesus and Mary Chain constitue toujours un (petit) événement dans nos petites caboches, même sans faire preuve d’une naïveté confondante. On se doute bien que la révolution n’aura pas lieu une nouvelle fois, après tout ce temps. Weeell, you know… Ils ont vieilli, nous aussi. Il nous arrive d’être contents de ne rien avoir de prévu un week-end et Jim Reid ne boit même plus d’alcool. The times they are a-changing, paraît-il. Mais les frères Reid ont conservé la flamme et savent la raviver quand ils poussent la porte du studio. L’entame frénétique (« Venal Joy ») le rappelle. Le single « jamcod » également. On est des gens simples et on aime encore par-dessus tout entendre William Reid nous lacérer les tympans avec une gratte foutrement dégueulasse. Si certains débarquent, une gratte dégueulasse (foutrement ou non) a souvent une connotation très positive en ces pages. Et chez JAMC encore plus. Ce qui l’est moins, c’est cette impression de facilité, d’absence de (mise en) danger. Comme sur le bien aimable « Mediterranean X-Film », périple en tongs, un peu trop sage. Ou lorsque les frangins se contentent d’adresser un coucou aux anciens qui ont compté pour eux. « Hey Lou Reid » et son jeu de mots incroyable passe encore mais le parfaitement mineur « The Eagles and the Beatles » sur un riff connoté « I Love Rock N’ Roll » est bien trop paresseux et ressemble à s’y méprendre à une improvisation éméchée dont on n’est pas fier le lendemain. Un petit délire pour se faire plaisir. Soit. Ils en ont parfaitement le droit après nous en avoir tant procuré. Qu’ils citent 28 groupes issus de l’encyclopédie du rock si c’est leur délire. Qui sommes-nous pour leur en tenir rigueur ? Pour nous prouver qu’il n’a absolument rien à foutre de notre avis, Jim Reid s’autocite (« jesus and mary chaaiiiin ») sur « Second of June ». Qui fait ça ? Je vous le demande.

Au milieu de ces incongruités, on trouve également de quoi se réjouir et renouveler pour huit ans (au moins) notre inaltérable respect envers ces types-là. Après une virée distrayante en « Discotheque », vient ce « Pure Poor » aussi désabusé que lancinant, paisiblement bruyant, aux airs de lendemains qui déchantent, la tête emplie de bourdons. 

Pour récompenser les patients qui ne jugent pas à la hâte après une demi-écoute (on sait qui vous êtes), le meilleur morceau est situé en neuvième position sur la tracklist. Éminemment nostalgique, « Chemical Animal », possède l’ampleur des grandes chansons. Comme ils en composaient à la pelle avant que l’inspiration ne s’invite plus que par intermittence. On s’en contentera, il n’y a là clairement pas matière à hurler au scandale (ni au génie) après quarante ans de carrière. 

Au-delà du mérite d’être toujours debout, les JAMC ont encore quelques arguments à faire valoir. Ils montrent en tout cas qu’ils sont tout sauf blasés et semblent prendre encore plaisir à se retrouver. Sachons en profiter.

Jonathan Lopez

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