The Cure @ Accor Hotels Arena (Paris), 28/11/22
On n’était déjà pas très copains avec l’Accor Hotels Arena et ce n’est pas près de s’arranger. Non content d’avoir un nom de merde (rendez-nous Bercy !), l’A-HA exerce également des pratiques honteuses envers les groupes qu’elle reçoit. « Ouverture des portes 20h » pouvait-on lire sur nos places et sur le site de la salle, quelle ne fut donc pas notre surprise d’apprendre que le set de The Twilight Sad démarre à… 19h30. Je m’en remettrai car je n’apprécie que modérément The Twilight Sad. Ce concert m’aura d’ailleurs confirmé si besoin était (non) l’écart abyssal entre un (très ?) bon groupe post punk/pop gothique et un immense groupe rock qui transcende les genres. Des goths, il y en a évidemment pour aller voir notre vieille sorcière adorée mais The Cure comble tout le monde avec ses ambiances sombres, sa mélancolie foudroyante et ses refrains pop inoubliables. En somme, Cure est un des rares groupes qu’on pourrait se réjouir de voir au Trabendo comme au Stade de France. Parce qu’il le vaut bien, il paraît même qu’il vaut plus de 100 balles (d’après certains billets). Évidemment que c’est trop, que ça fait chier, que j’en fais trop et vous agace. Mais c’est Cure quand même.
Et Cure, après une entrée précédée du son de l’orage qui gronde, peut se permettre de démarrer son set sur un nouveau long morceau chiant comme la pluie que personne ne connait, déjà parce qu’il est plutôt bon, et puis avec « Pictures of You » dans la foulée, ce sera oublié. Le début de show est ainsi très poppy, puisque « A Night Like This » et « Lovesong » suivent. Robert est là, il brille, tout le monde a les yeux rivés sur lui, les autres pourraient n’être qu’un cover band, on y verrait (presque) que du feu. « I will always love you » chante-t-il de sa voix qui défie le temps qui passe. Et on lui hurle en retour, même si on sait bien qu’il ne s’adresse pas à nous. C’est déjà très beau mais c’est un début de concert, pas facile de rentrer pleinement dedans, collés serrés à nos voisins, qui ne bougent pas d’un iota, à part pour filmer avec leur téléphone de temps à autre, on finit notre bière dégueu à 10 balles et on sait bien que c’est la dernière. Sinon, autant dire adieu à Robert. Heureusement, le plus mauvais morceau (« And Nothing is Forever », nouveauté pompeuse au titre presque mensonger) sera suivi d’un des meilleurs, et des plus inattendus, à savoir le sublime « The Last Day of Summer » du franchement pas mal Bloodflowers qu’on ne ressort, à l’évidence, pas assez souvent. Clairement, les nouveaux titres (au nombre de cinq) cherchent à taper dans cette veine-là mais, sans être tous infamants, n’ont pas (a priori, n’insultons pas l’avenir) la même dimension.
A défaut de décoller complètement, « Burn » met en lumière le jeu tambourinant de Jason Cooper, qui a les honneurs du grand écran derrière lui. Mais ce qui suit va nous permettre de toucher les cieux. D’abord grâce au minimalisme de « At Night », sa basse qui invite les morts à se relever et sa mélodie rachitique. Le public commence à regarder ses pompes, je jubile. « All the faces, all the voices blur ». Vous l’avez reconnu ? Moi aussi. Il s’agit bien évidemment de la merveilleuse « Charlotte Sometimes », un des meilleurs singles, honteusement snobé par les albums et trop souvent délaissé en concert. Parfois nous rêvons, que Robert a toujours vingt ans*, il suffit de fermer les yeux. Écouter. Savourer. Pleurer un bon coup même, si ça nous chante. On a le droit, on est vieux. Robert nous invite d’ailleurs à revenir 40 ans en arrière. Et là, ça devient carrément pornographique. Le public prend un méchant coup de froid, je nage en pleine euphorie. Ma lévitation dure deux morceaux : « The Figurehead » et « A Strange Day ». Comment ça, pas de « One Hundred Years », de « The Hanging Garden », ou « Primary » ? Sadiques !
Confirmation ensuite que je préfère « Play for Today » sur disque qu’en live puisque le public a jugé bon de le transformer, il y a des années de cela, en tube arena rock. Mais allez donc voir Johnny si c’est pour scander des ohohoh ! (Ok, mauvais exemple…). Forcément sur « Faith », quasi funeste, ça moufte moins. A l’inverse, « Shake Dog Shake » n’a jamais fait partie de mes morceaux préférés mais il faut avouer que le rendu scénique a une sacrée gueule. On croirait presque écouter de l’indus et les visuels en noir et blanc renforcent l’impact de la chose. Wish n’est pas à la fête malgré ses 30 bougies récemment soufflées mais « From the Edge of the Deep Green Sea » ravit toujours autant (on vous laisse deviner l’autre morceau de l’album joué ce soir). La basse de Gallup claque fort, très fort sur la toujours parfaite « A Forest ». L’ami Simon (toujours là, au fait ?) se fait plaisir avec un final noisy, à rendre jaloux Sonic Youth (oui oh, on a le droit de s’emballer un peu).
Des vieilleries again and again and again and again ? Que nenni, c’est l’heure de bouffer du hit (vieux certes, mais moins). La moitié de la salle s’apprête à interrompre brutalement son hibernation. On aurait bien pris double dose de « Lullaby » mais il faut se résoudre à subir « The Walk ». J’ai menti tout à l’heure, c’est évidemment celui-là le plus mauvais morceau, pour l’éternité, mais tout le monde a l’air si heureux de faire un tour de fête foraine qu’on voit mal pourquoi Cure jouerait « 10:15 Saturday Night » ou « Killing an Arab ». Le public jubile, je pleure. Bien que ce « LIKE A JAPANESE BABYYY » est toujours foutrement entraînant. Putain de tube à la con. Dès lors, on a l’impression que Gallup va monter son ampli de deux crans à chaque morceau. Sur « Close to Me », le séisme est proche. Particulièrement espiègle, taquin, drôle, Smith fait le show… Et zappe complètement les paroles d’un couplet (?), nous gratifiant à la place d’une danse/gestuelle des plus déliée. T’a-t-on déjà dit que « we will always love you » ? Même le lundi.
On nous avait prévenus que leurs concerts étaient désormais plus courts. Avec 2h40 de show, on évitera de parler de foutage de gueule. On a beau râler contre la salle, les gens, chipoter sur la setlist, faire nos indie snobs/vieux cons, c’était peut-être mieux avant mais il n’y a toujours pas grand-chose au-dessus de The Cure sur scène en 2022. On se réjouira enfin d’une mélodie paradisiaque, avec une vraie fin et sans hurlement de Lou Barlow, avant de faire de notre mieux pour contenir nos larmes sur le final. Parce qu’on est des bonhommes, quand même.
Jonathan Lopez
*Ce n’est pas ici que vous lirez « Cure de jouvence », ok ?
Setlist : Alone – Pictures of You – A Night Like This – Lovesong – And Nothing is Forever – The Last Day of Summer – Want – A Fragile Thing – Burn – At Night – Charlotte Sometimes – The Figurehead – A Strange Day – Push – Play for Today – Shake Dog Shake – From the Edge of the Deep Green Sea – Endsong.
Rappel : I Can Never Say Goodbye – Faith – A Forest.
Rappel 2 : Lullaby – The Walk – Friday I’m in Love – Close to Me – In Between Days – Just Like Heaven – Boys Don’t Cry
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