Thalia Zedek Band – Perfect Vision
Si j’étais un cancre, je trouverais cette Thalia Zedek prodigieusement agaçante. Non pas qu’elle fasse preuve d’un exécrable manque d’humilité mais sa facilité à décrocher d’excellentes critiques avec une régularité implacable a tout pour faire naitre des jalousies. En tant que chroniqueur, je me situe plutôt dans l’autre camp. Et me voilà tout de même un brin embarrassé d’avoir consenti à évaluer ce disque, tant cette dame parvient sans forcer le moins du monde à s’attirer mes faveurs. De quoi douter de ma légendaire impartialité.
Pourtant, bien que réussi, le single « Cranes » et sa pedal steel guitar ouvrant l’album de manière lumineuse, avait de quoi surprendre. Déplaire non, aucunement. Mais connaissant le penchant de la dame pour les compos tourmentées, on est ici presque déboussolé.
Cela ne durera pas. Au contraire, le seul reproche qu’on pourrait faire à ce disque est de sembler si familier d’entrée de jeu. Cette voix unique, d’une telle singularité, dotée d’une force implacable, nous cajole immédiatement. Le plan est sans accroc, parfaitement limpide, rempli de ces riffs qui ont fait notre bonheur depuis 30 ans et n’ont aucune raison de cesser le faire (« The Plan » donc, « Remain » et son air Youngien/Mascisien ou la plus belliqueuse « Queasy »). Alors, effectivement, le gimmick de « From The Fire » (« from the fire, into the fire… ») rappellera celui imparable du « Fighting Season » de l’album précédent (« if you wanna run, then run. If you wanna hide, then hide… »). Qu’importe. Si c’était si simple, d’autres ne se priveraient pas pour le reproduire.
C’est beau, humain, vibrant. « Overblown » est simplement parfaite, quant à la nostalgie poignante de « Revelation Time », elle rend tout fébrile et la gratte du fabuleux final m’arracherait presque des larmes. Simple comme bonjour, redoutable comme toujours. On trouve une immédiateté dans la musique de Thalia Zedek, une sincérité qui fait fondre toutes les barrières, ce qui n’est pas incompatible avec la sophistication et la présence de nombreux arrangements (la trompette apportant une touche presque balkanique à « From The Fire », les violons omniprésents venant renforcer la tension et l’émotion comme sur la splendide « Smoked » où le piano s’en mêle également). En fin de parcours, « Tolls » achève de nous convaincre ou finit de nous achever, d’abord avec émotion – violoncelle à l’appui – puis sur son finish turbulent, rappelant aux étourdis qu’un environnement plus fort en décibels convient tout autant à la chanteuse.
Avec un Z comme Zedek, Thalia vient encore de nous fendre le cœur avec une aisance étourdissante. Les premières écoutes semblaient immédiatement familières et la multiplication tend à rendre l’objet absolument essentiel. Nous voilà désormais inséparables.
Jonathan Lopez